Les Premiers Crus de Meursault: Goutte d'Or, Bouches-Chères et Poruzots

Publié le par Patrick Essa

Les Premiers Crus de Meursault: Goutte d'Or, Bouches-Chères et Poruzots

La Goutte d'Or

  Le cas de la Goutte d'Or  - originellement singulière et donc sans S et funestement affligée de celui-ci dans le cadastre actuel! - est assez simple. Le lieu-dit historique mesure un peu plus de 5 hectares et certaines parties - la partie médiane-sud essentiellement - ont été quelque peu remaniées en raison d'une déclivité dans le sens nord-sud qui générait des difficultés à la mécaniser. D'autre part il est certain que la partie basse non loin du collecteur d'eau et des terres blanches a été également remise en forme. Par ailleurs le nom très porteur a été fort souvent employé pour des parcelles contigües - ou  non! - du cru historique et a au final déprécié quelque peu sa qualité moyenne. Ainsi Bouchères a été vendu avant les règles strictes des AOC - nous sommes dans les 50 pour les 1ers crus - en tant que Goutte d'Or pendant plusieurs décennies dans certaines propriétés...autres temps, autres usages!

 Il en résulte une image qui a longtemps pâti de la joliesse du nom, d'origines pas toujours bien claires et du peu de producteurs le portant véritablement à la hauteur médiatique que lui confère naturellement son terroir. J'entends encore de ci de là certains non producteurs du cru le minorer nettement par rapport aux cinq autres "majeurs". Ce sont en général ceux qui ne le vinifient pas et le dégustent peu... Et qui la plupart du temps ne le connaissent simplement pas assez. Ils me donnent ainsi une certaine légitimité à leur répondre avec des arguments solides et bien entendu vérifiables sur le terrain:

  En premier lieu c'est un cru homogène qui forme un rectangle quasi parfait entre les Luraules au Nord, les Terres Blanches à l'Est  et les Bouchères au sud. En pente régulière un rien plus inclinée dans la partie supérieure haute, la quasi totalité des parcelles le coupent d'Est en Ouest du bas vers le haut.En compagnie des Bouchères il s'agit du cru qui a la plus précise des identités si l'on considère qu'il ne se décompose pas en plusieurs sous lieux-dits. Exception faîtes sans doute des "pointes de goutte d'or" dans le bord haut Nord du cru et de la partie qui verse vers le sud, dont les terres ont été retenues par un muret.

  Il est marqué par une bande rocheuse en son centre et est de ce fait proche de la roche mère en certains endroits, ainsi les plants  ont parfois bien du mal à s'y enraciner et "donnent toujours naturellement peu" sur ce substrat maigre et argilo-calcaire.Encore un peu sous l'influence des vents de la Combe d'Auxey, il est sans doute le plus froid - soyons prudent toutefois car ce n'est pas un climat d'altitude - et le plus "tendu" des crus de la commune, deux jours plus tardifs en moyenne en fin de cycle végétatif. Il ne faut surtout pas le couper à haute maturité de ce fait car il y perd sa vraie nature.

Sa couleur n'est jamais plus dorée qu'ailleurs en dépit de légendes qui aiment associer son nom à la robe du vin. Au contraire il est la plupart du temps clair comme de l'eau de roche.La capacité de garde conférée par sa tension interne affirmée en font le cru qui vieillit le mieux de la commune, supérieur à tous les autres à mon sens. Il en subsiste des exemples éclatants capables de défier le siècle. Les 1947, 1929 et 1893 que j'ai bu récemment sont encore en pleine forme!

  Petit cru proche du village, découpé en bande il est possédé directement par seulement quelques propriétés locales. La plus grande surface exploitée par un domaine ne mesure que moins de 1.20 ha, une partie de ses fruits fournit le négoce beaunois. A côté de ce grand carré les entités n'excèdent jamais plus du demi hectare.

 

Les Bouchères ou Les Bouches-Chères

Si le  - Goutte d'Or - est réputée de fort longue date, le Bouches-Chères reste médiatiquement  discret et assez éloigné de la notoriété des prestigieux Perrières, Charmes ou Genevrières. La qualité de ce climats est pourtant  incontestable surtout si l'on considère les vins blancs sous l'angle de la finesse. Je n'hésite d'ailleurs pas à écrire ici qu'elle fait partie des crus ayant la plus grande élégance de l'ensemble de la Côte des blancs et que de ce point de vue il intègre aisément le niveau des Chevaliers à Puligny au sein de la sphère des Montrachet. Des exemples de bouteilles ayant été bues de 25 ans à  près du siècle me servent évidemment de référence. Pourquoi dès lors semble t'on s'interroger sur la permanence et les potentialités de ce climat premier cru? Essayons ici de lever une partie de ce mystère.

Longtemps diffusé sous le nom de Goutte d'Or ou comme Poruzots dans les années précédents les classements  des climats en "premier cru" il ne doit sa notoriété récente qu'à quelques propriétés locales qui le mettent largement en valeur désormais. Hautement qualitatif, murisaltien jusqu'au bout des ongles, il possède ce je ne sais quoi "floral" qui le distingue nettement des autres premiers crus si l'on excepte la partie haute des Genevières et de la sous zone des cures bourses - à cheval sur Genévrières dessus et Grands Poruzots à laquelle il ressemble nettement. -

   Formant un rectangle au milieu du coteau il est marqué par une parfaite homogénéïté dans une situation le plaçant entre Goutte d 'Or au Nord et Poruzots au Sud. Un peu plus de 4 hectares dont 1.5 ha d'un seul tenant formant sans aucun doute le Clos le plus homogène et qualitatif de la commune avec le Clos des Perrières. Celui-ci sera exploité par le domaine Roulot à partir d 2012 et était avant la propriété de la maison Labour-Roi, et plus anciennement de la maison Manuel. On peut en quelques items en lister les principaux caractères:

Dans une situation un peu plus fraîche que Charmes ou Perrières il arrive à juste maturité un rien plus tard et ne supporte pas les raisins en sous maturité qui accentuent son pole floral jusqu'à le rendre un peu végétal sans lui conférer plus de tension.Son sol argilo-calcaire est l'un des plus pentus des premiers crus de la commune. Il est orienté plein est et parsemé de petits cailloux qui se mêlent à une terre blonde.

Cru élégant, très racé et finement bouqueté, il développe quasiment chaque année ce nez de noisette fraîche que l'on retrouve aisément en Genevrières. Il s'agit alors d'une senteur mêlant la complexité du fruit et du végétal dans une expression vraiment très originale qui peut aussi évoquer la fleur de vigne.Naturellement peu enclin à exprimer une minéralité vraie, elle peut toutefois surgir dans les millésimes tardifs qui préservent une forte acidité tartrique.C'est un très grand vin de garde qui peut défier plusieurs décennies et qui évoluent en affinant sa matière vers une sorte d'essence de chardonnay en décuplant sa douceur tactile. Le boisé lui sied donc assez mal car il marque la structure par un apport dE tanins boisés aussi incongrus qu'inutiles car ils éliminent sa nature délicate et altière.

  En dehors des Genevrières du Dessus, il peut aussi "cousiner" avec la partie basse des Chevalier sur Puligny ou avec la fabuleuse partie médiane des Folatières sur la même commune. Mais aussi curieux que cela puisse paraître Vaudésir et Blanchots à Chablis, lorsqu'ils ont élevés sous bois, peuvent aussi lui être comparé par leur naure florale et leur évidente délicatesse. Le Clos s'est longtemps étiqueté - et jusqu'à une période récente - Clos des Bouches-Chères et une autre propriété - voir ci dessous - l'orthographie également ainsi. Pourquoi? Une question d'élégance il me semble...

 

Les Poruzots ou Porusots

   Le premier cru Poruzots n'est ni le plus connu, ni le plus réputé de la commune de Meursault, sa qualité est pourtant bien réelle. Positionné entre les Bouchères et les Genevrières il occupe une zone de plein coteau argilo-calcaire, idéalement exposée vers l'Est. Composé de sols bruns assez clairs, caillouteux et parfaitement drainés qui marquent les vins du côté de la densité et de la tension, c'est un climat qui évoque nettement l'imaginaire et la nature très classique que l'on associe aux vins de Meursault.

   Il souffre toutefois d'un certain manque d'unité et si la partie haute est tout à fait digne des meilleurs Genevrières du dessus, les zones médianes et basses ne participent pas tout à fait de cette haute qualité. Sans démériter, la partie "dessous" qui est séparée du "dessus" par le chemin qui mène à Puligny est moins inclinée et marquée par un substrat un peu plus sombre, moins caillouteux et plus argileux. Les vins y sont un rien plus lourds et immédiats mais n'ont pas l'ultime raffinement des "Grands Poruzots" qui prolongent les Genevrières dessus jusqu'aux Bouches-Chères. La zone intermédiaire placée sous les Bouchères sur une fin de coteau assez étroite peut se révéler très qualitative mais ressemble plus fortement à la Goutte d'Or voisine sans en avoir toute la puissance.

   Son nom, peut-être  moins élégant et la petite surface de ce premier cru en font souvent un vin méconnu et une bouteille discrète et encore souvent accessible. J'aime sa nature énergique et son grain fin et aérien qui le situe parmi les plus vifs et salins de la Côte des blancs et ses subtils arômes mentholés sont souvent envoûtant. Recherchez le.

Patrick Essa - 2017

reproduction et citation interdite

Carte: Pitiot-Servant

 

Les Premiers Crus de Meursault: Goutte d'Or, Bouches-Chères et Poruzots
Les Premiers Crus de Meursault: Goutte d'Or, Bouches-Chères et Poruzots

Publié dans Meursault

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article