Livre web: Le vignoble de Meursault
Meursault et son vignoble
Ecrit de 1999 à 2020 par Patrick Essa, professeur, vigneron et négociant au Domaine Buisson-Charles à Meursault
Depuis toujours le nom de Meursault évoque pour les dégustateurs du monde entier un vin blanc ample, gras, concentré sur des saveurs de noisettes, qui vieillit avec bonheur et procure du plaisir sur des poissons en sauce ou des volailles blanches. Sans renier cette " image d'Epinal ", il est sans doute possible de « dépasser le mythe » et sa transmission orale, les fausses vérités et les interprétations imprécises pour défricher et comprendre en profondeur ce terroir qui mérite plus qu'une somme de lieux communs, même s'ils ont sans doute forgé une partie de sa légende.
L'imaginaire dans le vin est souvent de type agrégatif : Les connaissances nouvelles s'additionnant à celles déjà possédées. De nombreux auteurs ont parlé de Meursault depuis le 17°siècle : Courtépée et Béquillet, le docteur Lavalle, Danguy et Aubertin, Rodier et plus près de nous Anny et Paul Sadrin ou encore Henri Cannard. Chacun a œuvré en relisant les précédents et en se fondant sur des affirmations qui n'ont guère été contestées au fil des siècles car le respect des canons anciens qui singularisent les crus a souvent valeur de « sacralisation ». Au final la permanence du discours est plus le fait d'un manque de recherche ou de questionnement que d'une stabilité qui rendrait ce vignoble intemporel.
Meursault a évolué, a changé, comme toute la Bourgogne - nous en reparlerons au fil du temps - et le village et ses vins sont ancrés dans le présent autant qu'ils puisent dans le passé, des racines dans lesquelles la sève de la tradition circule.Notre propos est donc de comprendre le vignoble depuis le présent pour relire l'histoire et mettre en lumière les faits du passés qui peuvent éclairer la situation actuelle.Il est évident que ce travail engage l'auteur et ses connaissances, chacun pourra à loisir compléter ou contester tel ou tel fait ou analyse, il reste que l'éclairage apporté ici n'est que le fait d'un dégustateur devenu producteur et négociant sur la commune et qui tire ses conclusions de sa propre expérience, en toute indépendance d’esprit.
La première chose qui frappe lorsque l'on arrive à Meursault est son clocher haut perché qui domine l'église Saint Nicolas, il donne une allure majestueuse au village qui sied à ses pieds, cela procure également une grande fierté aux Murisaltiens qui aiment leur bourg aussi discrètement que passionnément.
De nombreuses maisons de maître apparaissent aux 4 coins du village. Les familles nobles et bourgeoises les ont construites souvent au cours des 18° et 19° siècles, elles étaient propriétaires et négociantes et ont contribué à l'essor du village.
Les grands murs qui bordent les maisons et enclavent les propriétés en des clos hermétiques aux regards sont le signe d'un passé glorieux et prospère et d'un goût affirmé pour l'austérité et le classicisme. Nous sommes en terre de tradition, la mémoire est préservée à l'intérieur de ces hautes clôtures en pierre, il est difficile d'y pénétrer sans être introduit et il est impossible de comprendre les gens qui y habitent sans comprendre pourquoi existent ces enceintes,,,
L'intimité des familles de Meursault n'est percée que dans le cadre de la famille qui est ici le noyau central de l'esprit du village, on est uni par les liens du sang, par des principes de vie, mais aussi par la terre, les savoir faire, les méthodes de vinification. Il existe des codes sociaux qui tissent les liens entre les habitants du village, chacun est à sa place, il est très difficile de pénétrer une sphère qui n'est pas la sienne. Tout cela n’exclut pas le respect entre les Murisaltiens mais vous ne verrez que très rarement un propriétaire fréquenter son ouvrier en dehors du travail. (Il est des contre exemples bien sûr mais mon propos est général).
Comme dans toute la Bourgogne viticole une des valeurs « majeures » de ce microcosme social est le travail, toute personne laborieuse et dur au travail, est réputée pour cela et en tire un prestige insoupçonné ailleurs, c'est une forme de reconnaissance pour les " petites gens " (on comprendra aisément qu'il n'y a pas le moindre mépris de ma part pour cette expression), de l'admiration parfois même... . La terre, sa culture difficile tout au long des siècles, les efforts qui y sont liés, sont à l'origine de cette manière d'être car il a fallu des bras pour mettre en valeur le vignoble et donner du lustre aux habitations. Cependant après l'ouvrage chacun aime à donner une entité à son pré carré, celui-ci est alors clos et impénétrable.
Il est cependant de tradition de recevoir les visiteurs et de leur assurer une explication simple et claire des vins de la commune. Les vignerons ont toujours ouvert leurs portes pour vendre, ils ont aussi su garder des contacts très suivis avec les clients les plus connaisseurs et sympathiques. Il n'est pas rare de croiser des invités de toute nationalité dans les caves et les dégustateurs avertis sont appréciés pour échanger les points de vue sur telle ou telle cuvée. Ainsi, les expériences de dégustation qui se poursuivent tard avec de vieux flacons sont probablement le moyen le plus sûr de comprendre le village et ses vins.
La description des crus si dessous est uniquement fondée sur un passé de dégustateur, sans aucun lien avec les caractéristiques communément admises des crus que l'on retrouve dans la plupart des ouvrages de référence. Elle recoupe certaines conclusions antérieures mais donne aussi à réfléchir sur des définitions aromatiques et typiques précises qui tiennent compte de la position des parcelles dans les crus.
Le terroir de Meursault est très étendu, il compte 352 hectares de vignes sises entre Puligny-Montrachet, Auxey-Duresses et Volnay. Les surfaces exactes sont peu importantes mais il vous suffit de savoir qu'il faut environ 20 minutes en courant à une allure modérée pour traverser le vignoble, cela replace celui-ci dans des proportions très bourguignonnes.
Les premiers crus n'occupent guère plus de la surface du château Lafite à Pauillac. Cette étroite bande de terre et comprise entre 260 et 300 mètres d'altitude et l'on est dans une zone ou la déclivité va de modérée (presque plate) dans les Charmes du bas, à très " pentues " dans certaines parties des Perrières des Bouchères ainsi que dans le dessus des Genevrières ,Goutte d'Or et Poruzots. Avant de les décrire précisément nous nous attacherons à définir le caractère des lieux-dits de niveau village car ceux-ci plus étendus portent en eux une part de l’esprit des vins de la commune, certains même – très qualitatifs – sont isolés et donnent leurs noms à des bouteilles très recherchées, un fait quasiment unique dans la Côte des blancs.
Les climats de niveau « village » du finage de Meursault:
Le classement des parcelles, en dehors des premiers crus n'existent pas, pourtant il est d'usage de considérer certaines d'entre elles comme de véritables seconds crus, elles apparaissent sur les étiquettes avec de plus en plus d'insistance car le fait de les mentionner rend le vin plus marchand, un peu plus cher bien souvent car plus rare et sans aucun doute supérieur.
Nous pouvons les envisager en différents quartiers géographiques
Au sud de la commune :
Dans ce secteur les terrains sont très réputés et le milieu du coteau est intégralement classé en premier cru, cependant au niveau des appellations villages, tout contre eux, se trouve le Limozin qui constitue un excellent lieu-dit très proche de Genevrières du dessous et des Poruzots du milieu, il allie puissance et complexité et fait partie des climats qui méritent sans conteste d'être individualisé.(voir l'analyse particulière qui lui est consacrée ci-dessous). Le Limozin a la tenue et le caractère d'un Genevrières du bas en sa partie haute et ses terres très courtisées produisent sans doute avec les différents Tessons le meilleur des "seconds crus naturels" de la commune quoique dans un registre fort différent. Là où Tessons est tendu et racé, Limozin se montre velouté, ample et enveloppant surtout s'il est issu de vieilles vignes, et elles ne manquent pas dans le secteur! Son style mêle richesse et harmonie sur des belles notes de fruits blancs. Son sol argilo-calcaire est composé de terres blondes mêlées de petits cailloux en partie haute et de sols plus profonds en sa partie basse non loin du lavoir communal. L'endroit est très légèrement incliné vers le levant, solaire et mûrit précocement. IL faut en général le récolter assez tôt pour préserver une tension interne affirmée, sinon il peut se montrer quelque peu capiteux, puissant, voire un peu opulent. Il s'agit sans doute d'un des "seconds crus" les plus « séveux » de cette commune dont le finage génère des fruits naturellement riche en glycérol.
Vous pouvez également miser sur les Narvaux du dessous qui sont placés au dessus des Genevrières du dessus, ils sont minéraux et fins . Les qualités des Pelles , des Crotots, des Gruyaches et des Buissons Certaut les destinent plutôt a être asssemblés pour en faire des villages complets. Nous parlerons encore des Terres Blanches et des Luraules qui pourraient constituer des troisièmes crus de bon niveau voire mieux dans la partie haute des Luraules : les vins sont aromatiques et vieillissent bien.
Plus au Sud une grande partie du climat des Gruyaches a été intégrée dans les Charmes lors du classement des premiers crus au début des années cinquante. Les parcelles restantes de ce cru sont moins bien exposées et susceptibles de voir des eaux stagner à certains endroits. Certains producteurs ont ici réalisé d'importants travaux de drainages pour assainir les parcelles et les améliorer qualitativement.
Le climat des Pellans situé juste sous les Charmes du bas termine l'AOC village en direction de Puligny-Montrachet, il est assez hétérogène car incliné en pente douce vers le nord à partir de la moitié du lieu-dit en direction de Meursault. Les parties "hautes" sont en revanche très qualitatives car les terres y sont moins profondes et plus filtrantes. On produit ici des génériques de belle tenue, charnus, charpentés et amples. J'aime beaucoup ce cru dense qui est très typique de l'appellation et qui est également capable de magnifier une cuvée d'assemblage en lui donnant du corps, de la profondeur et de la sève.
Au nord en direction de Volnay :
Depuis toujours les terres de ce côté de la commune ont été plantées - sauf à de rares exceptions en forme d'ilot - en pinot noirien. Les appellations d'origines contrôlées instituées au début des années trente et la progression des ventes en bouteilles vers l'étranger, ont quelque peu changé les données de plantation : Meursault est devenu un village synonyme de vins blancs à l'exportation, sa réputation ancienne pour ses crus issus du chardonnay a été mise en avant, et le côté sud de la commune - sans même parler des Santenots - qui portait des rouges remarquables, a été replanté au fil du temps en vignes blanches.
Les bourguignons ne sont pas des rêveurs et la possibilité de mieux vendre une appellation est déterminante dans le choix du cépage,voir à ce titre le cas des merveilleux rouges de Chassagne qui disparaissent peu à peu - mais aussi aujourd'hui explique le type particulier des blancs produits de ce côté-ci : Ce sont des blancs plantés sur des terrains dont la valeur agrologique est remarquable, mais hélas sur des terres mixtes plutôt destinées au noirien.
La parcelle la plus célèbre est connue sous le nom de la Désirée depuis au moins deux siècles, elle est enclavée dans le climat des Petures qui peut aussi donner en rouge l'appellation Volnay Santenots. Tout est simple en Bourgogne si l'on connaît le parcellaire... Il s'agit donc d'un blanc de niveau "village" revendiqué dans une terre de premier cru rouge portant le nom d'une comme voisine !: Volnay-Santenots. Il est toutefois remarquable et sa puissance lui assure un bon vieillissement , mais ne lui demandez pas d'avoir la finesse des premiers crus du côté nord.
Viennent ensuite le Clos de la Barre , le Clos du Cromin et le Clos des Mouches, les deux premiers sont des blancs massifs et de bonne expression, ils sont très aromatiques et sont prêts à boire assez rapidement. Le clos des Mouches est planté en rouge , nous y reviendront dans le paragraphe consacré aux vins rouges de la commune. Les autres parcelles les plus remarquables sont les Perchots, les Peutes vignes, les Corbins, les Criots, les Marcausses, les Vignes Blanches et en la Barre. Le dernier est sans conteste le meilleur lieu dit et celui qui « mériterait » à mon sens le plus d'être cité sur une étiquette, sa profondeur et son bouquet en font un Meursault village ayant de l'allure. Les autres me paraissent devoir être assemblés, ils expriment de manières moins originales les qualités du Meursault, mais en complément d'autres lieux dits ils peuvent apporter de la puissance et des saveurs mûres, les vignerons qui les assemblent obtiennent souvent de très belles cuvées de village sans mention de lieu-dit.
Le coteau blanchit et de moins en moins de Meursault rouges parsèment ces lieux-dits. Certains d'entre eux sont désormais isolés par les producteurs qui en ont assez pour fidéliser une clientèle. Ils contribuent largement à les faire connaître au delà des frontières et le prix des terres grimpe en flèche! Ainsi nous trouvons de forts belles cuvées de Criots, des Corbins ronds et puissants .En revanche je ne connais point de Perchots, de Marcausses et de Peutes vignes (les vilaines vignes en patois!)...demain peut-être, qui sait!?
Je suis plus réservé sur l'important Clos du Cromin qui année après année produit des vins friands et généreux mais parfois également un peu trop simples surtout en sa partie basse composée de terres argileuses assez lourdes. Les vignes de l'extrémité nord proches de la Désirée, plus pentues, plus hautes et plus caillouteuse me paraissent avoir un meilleur potentiel. En moyenne c'est une cuvée de troisième classe, pas plus.
Au dessus de ce clos, au dessus du camping de Meursault se trouve un très petit, peu connu et sous-estimé lieu-dit : le Pré de Manche. Terres caillouteuses, assez pentues selon l'endroit et légèrement "versées" au sud. Il faut en avoir déguster une cuvée pour comprendre toute sa qualité. Un registre nerveux, sec et racé qui n'est pas sans évoquer la tension et la forme des Perrières, sans en posséder toute la plénitude bien entendu.Il ferait un bon "troisième" dans le haut du classement.
La Barre et le Clos de la Barre sont proches de la seconde classe et je vous recommande de gôuter chez ceux qui l'isolent pour vous convaincre de sa densité. Les Perchots (prononcez "perchottes") suivent de près. Une "troisième haute" qui culmine je pense dans le Clos car le secteur y est un peu plus caillouteux et souvent précoce.
Au centre sur le coteau de Meursault :
Le coteau qui surplombe le village à l'ouest est le plus apte à produire des " Meursault village " de qualité. Presque tous les lieux dits de cette zone méritent d'être mentionnés sur les étiquettes car tous possèdent un type particulier, reconnaissable dans une dégustation à l'aveugle : une identité propre s'en dégage.
A ce propos signalons qu'il n'existe pas un type de Meursault mais bel et bien plusieurs définition d'une même expression aromatique : différents tableaux provenant d'un même peintre...Il est dès lors utile de mentionner chacun d'eux en essayant d'en donner une définition gustative :
Le plus connu d'entre eux, car il est isolé par tous les vignerons est sans doute " le Tessons ", c'est un cru qui est chaque année très proche des premiers crus, il était placé en première cuvée au siècle précédent par le docteur Lavalle et les vignerons de la commune le situe toujours en tête des climats non premier cru avec le Limozin. Il est toujours très minéral avec un nez de silex (de pierre à fusils), il s'ouvre assez rapidement et peut se garder 25 ans sans problème lorsqu'il est vinifié dans une année d'équilibre. Sa structure est dense et serrée sur un volume puissant mais élégant. C'est réellement un très beau cru.
Une partie du coteau orienté plein Est à Meursault n'a pas eu le classement premier cru décrété au début des années 50 du siècle précédent. Après que les différents syndicats communaux aient refusés de se mettre d'accord pour définir une aire en grand cru juste avant la seconde guerre mondiale, préférant miser sur le seul nom de Meursault, la commune s'est retrouvée avec le principal coteau blanc de Côte d'Or à délimiter selon une logique excluant les classements des autres communes et avec la volonté de créer un équilibre de production entre les zones "premier cru", "village" et "régionale".
Sur un plan qualitatif Les Chevalières , les Rougeots et les Casses têtes le suivent de très près accompagnés du haut des grands Charrons et de la partie la nord ouest des Tillets. Les Chevalières sont d'une finesse et d'une élégance rare en année chaude, mais on récolte toujours un peu plus tard dans ce secteur qui est un rien plus froid à cause des vents qui proviennent de la Combe d'Auxey-Duresses.
Les zones hautes et plus froides:
A/ les zones hautes:
Certains climats se trouvent placés sur le second mouvement du coteau de Meursault qui fait une sorte de replat au dessus des premiers crus avant de reprendre une forme plus pentue. Ce replat très pierreux était souvent creusé de carrière d'extraction de pierres de tailles. Aujourd'hui les carriers ont disparu du coteau - ils subsistent non loin à Chassagne - et certaines zones d'extraction ont été comblées pour "porter" à nouveau de la vigne. Dans la zone qui prolonge ces carrières on trouve en partant depuis Puligny une partie du domaine communal planté il y a 20 ans. Ce sont les Chaumes "côté Blagny", assez hautes, très pierreuses, de maturités tardives, elles sont souvent assemblées en raison de leur jeune âge et de leurs valeurs variables selon les secteurs. Des vins frais, tendus et assez linéaires.
Ensuite se trouve un très important lieu-dit: Les Narvaux. Sol de tout premier ordre dans sa partie basse, il est capable d'égaler le Tessons à cet endroit, mais il perd de sa force au fur et à mesure de son positionnement haut sur le coteau. Très proche de l'esprit des Genevrières du haut, il n'en possède toutefois pas la puissance. C'est un vin d'une très grande longévité qui peut évoluer sur des décennies. Les murisaltiens qui en possèdent assez l'isolent systématiquement et le tienne pour un "second cru" naturel.
Faisant suite aux Gorges de Narvaux et Narvaux du milieu on trouve les Tillets et les Cloux, lieux-dits qui se ressemblent car ils sont exposés plein est sur des terres hautes remises en valeur dans l'entre deux-guerres par ceux qui parmi les vignerons possédaient un double attelage équin pour y accéder...c'est aussi cela la vraie valeur culturelle des terres! Les vins sont très fins, élégants et possèdent une distinction naturelle en année un peu chaude qui peut aller vers des sommets. Des vins souvent assez longs à se faire, tendus et possédant une énergie rare.
De l'autre côté de la route de la Montagne Saint Christophe en direction d'Auxey-Duresses, se trouvent les lieux-dits Vireuils du bas et Vireuils du dessus. Le bas est assez proche des Cloux et le dessus préfigurent déjà les terres plus hautes des Hautes Côtes et de saint Romain avec des vins plus droits et acides qu'il faut cueillir un peu plus tardivement. Si le bas est parfois isolé, le dessus participe souvent aux cuvées d'assemblage avec les crus de plaine plus « bouquetés ».
B/ les zones plus froides:
Sous l'influence directe de la Combe d'Auxey - et donc des vents qu'elle génère- on trouve deux lieux-dits d'excellents niveaux: Les Luchets donnent des vins assez proches des Chevalières de la partie haute, mais un rien plus froid, plus tendu et avec une très belle énergie interne. Les Meix-Chavaux sont assez vastes et la meilleure partie est sans doute le bord sud du Clos des Meix-Chavaux car elle est disposée sur un sol pierreux de laverottes qui se délitent et elle peut être aussi qualitative que les Chevalières voisinent.
Face à ces lieux-dits on trouve sur un coteau très original situé sous le pré de Manche: les Murgers de Monthelie. Les vignes regardent l'ouest, sont sous l'influence des vents de la Combe d'Auxey mais très dégagées et moins pentues que le coteau d'en face, bénéficient aussi d'une cuvette solaire assez chaude qui les fait parvenir à maturité assez vite au regard de leur situation. De nombreux Meursault "séveux" et racés naissent dans cette zone.
C /Les zones défrichées dans le courant des années 90:
En plus de la partie "Chaumes côté Blagny" toute une série de nouvelles plantations est plantée sur l'ancienne "petite montagne " de Meursault qui était autrefois une zone de friches arbustives ou la vigne n'avait pas droit de cité. Les engins modernes et la volonté de mettre en valeur ce patrimoine ont depuis permis de positionner des ceps là où autrefois ils étaient proscrits. Une étroite bande de vignes court donc désormais depuis le dessus des Goutte d'Or jusque sur le dessus des Chevalières et dans un autre secteur au Sud situé au dessus des Perrières. Ces zones "Chaumes" sont de qualités variables et ne méritent en général pas plus que l'AOC village sans nom de lieu-dit spécifique, mais le temps les fera sans doute rejoindre dans quelques années des lieux-dits plus prestigieux, contigus...ce qui sera une funeste erreur, tant ils sont en général différents des parcelles qu'ils jouxtent. Les meilleurs sont toutefois placés au dessus des Chevalières et des Tessons. Mais il faut connaître les endroits au cas par cas et pour le consommateur ce n'est pas aisé. Il est cependant certain qu'aujourd'hui la plupart de ces vins sont assemblés à d'autres cuvées.
Analyses particulières de quelques climats
Les Petits et Grands Charrons
S'il est un lieu où les murisaltiens aiment se promener par beau temps, il s'agit bien du Charron. Cette petite route rectiligne longeant le coteau des meilleurs seconds crus de la commune synthétise à elle seule l'esprit paisible de ses villageois, qui y flânent souvent en famille les jours de repos.Probable ancienne route romaine, ce modeste chemin de vigne, aujourd'hui goudronné, a de tous temps vu passer les chariots de vignerons et de marchands. À une époque où toute motricité était générée par des attelages - charraux en ancien français - ce passage obligé pour accéder aux vignes depuis le village était fort fréquenté. Une sente très ancienne - le chemin des Rougeots - le coupe en son milieu et conduit assez abruptement sur la partie haute du coteau vers le lieu-dit des Vireuils.
Le Charron est vaste et se découpe en deux entités cadastralement distinctes: le grand et le petit Charrons. Curieusement ces qualificatifs, un peu comme en Musigny, ne déterminent pas une qualité mais sont à relier à la taille des sous-climats.
Le Grands Charrons - qui accuse un pluriel assez singulier - part des Luraules pour se terminer vers les Petits Charrons au Nord, il se situe juste sous les Tessons et tout en se montrant moins pentu, plus argileux et moins pierreux, il présente une nature calcaire évidente et un rougeoiement de sa terre plus marqué selon que l'on s'élève sur la pente. Ce substrat ferrugineux marque tout le secteur et éloigne nettement ses vins des premiers crus aux terres plus blondes. Ainsi Charrons n'a que peu de lien gustatif avec la Goutte d'Or non loin car cette dernière est beaucoup plus calcaire et voit la roche affleurer en certains endroits. Nombre de domaines ont ici des cuvées toujours très soignées.
Au sein des Grands Charrons se trouve une entité de très grande qualité qui forme un Clos d'un peu moins de un hectare juste sous les Tessons du Sud. Le Château de Meursault en a fait très récemment une cuvée "monopole" qui constitue à mon sens la meilleure partie potentielle du climat. Juste sous la vigne des Tessons que j'exploite pour le domaine Buisson-Charles, je puis attester que l'endroit qui fait face au clocher du village sur une pente régulière est idéalement positionné pour générer des vins très racés. Plus au Nord-Ouest les Petits Charrons sont également très qualitatifs et si l'on devait les distinguer des "Grands" je crois que je les verrais un rien plus fins et moins puissants. Ils annoncent sans doute déjà la nature plus fraîche et délicate des Chevalières et possèdent toujours un éclat intense des leur jeunesse.
Les Casses-Têtes
Petit cru au nom curieux, Casse-Têtes est sans doute le plus discret des magnifiques terroirs à blanc de la côte de Meursault. Au milieu du finage murisaltien, non loin des Tessons au Nord et contre le bas des Narvaux au Sud, il est divisé en petites parcelles de faibles longueurs et donc de petites tailles. Aucun propriétaire n'en possède plus de 35 ares et de ce fait sa production est rarissime. Toutefois sa régularité est rarement prise en défaut.
Au dessus de la ligne rocheuse émergente qui coupe le coteau de Meursault en deux entités haute et basse, ce lieu-dit minuscule borde les anciennes carrières d'où l'on extrayait la pierre pour bâtir les maisons de maître du village et sans aucun doute la splendide Eglise paroissiale Saint Nicolas.
"Minéral" est un terme qui le qualifie avec justesse à plus d'un titre. Son nom d'abord, qui émane probablement des efforts que les vignerons ont consenti pour casser les têtes de roches qui affleurent sur son sol très calcaire et pierreux. Sa situation ensuite, qui, à mi-pente exclusivement et sur une pente modeste surplombant dangereusement les carrières de taille lui confère une tension et une fraîcheur évoquant les notes iodées et salines des reliquats de sels minéraux qui transparaissent dans le cru. Son équilibre enfin, toujours longiligne et épuré il semble être ciselé par les couteaux des anciens carriers qui œuvraient en contre-bas. À ce titre il est le plus proche "cousin" aromatique du grand Perrières car comme lui, il requière une longue patience pour affirmer l'ensemble de ses qualités organoleptiques et diffuser son message naturel frais et nerveux en même temps que ses arômes pénétrant de chèvrefeuille, de noisette fraîche et de fleur de tilleul.
À Saint Aubin son quasi homonyme des "Castets" semble plus souple en moyenne et surtout moins profond mais les deux termes rappellent que ces secteurs devaient être pourvoyeurs de pierres que l'on cassait pour les voies romaines non loin qui menaient de Chalon à Beaune et Autun.Il n'est de mauvais Casse-Têtes, aussi je vous laisse le soin de les chercher avec ferveur. Sachez toutefois que la cuvée Tête de Murgers de Patrick Javiller en contient une petite proportion associée à des raisins privent d'un autre lieu-dit, les Murgers de Monthelie...qui sont évidemment sur Meursault. Un casse-tête les noms en Bourgogne? Je vous l'accorde!
Le Tesson - ou les Tessons dans les cadastres anciens - :
il naturellement à sa place en premier des seconds. Suivi de près par le bas des Narvaux, le Limozin, le Clos des Rougeots et le dessus des Chevalières, ce cru parfois positionné en première classe au 19 ième siècle par le Dr Lavalle ou au début du 20 ième par Camille Rodier n'a pas la classe ultime des sept premiers crus majeurs de la commune, tous positionnés sur le coteau Sud. Il peut, en revanche, être tout à fait au niveau des crus de la zone Blagny ou des crus du Nord, surpassant même je crois, Jeunelotte, Ravelles, la pièce sous le Dos d'Âne et l'ensemble des crus d'altitude situés sur Puligny (Garenne,Sous le Puits, Truffières, Hameau de Blagny et Champs Gains).
Lieu-dit surplombant le village de Meursault, il comporte plusieurs petites cabottes dites de " quatre heures " en pierres et tuiles qui lui donnent un indéniable air bucolique. Souvenirs émouvant de temps paisibles où les ballades dominicales se faisaient à pied et où la fraîcheur estivale se cherchait dans les coteaux légèrement plus frais et ventés. Il n'a d'ailleurs pas toujours été entièrement planté car il comportait des carrés de verdures et vergers pour l'agrément de ses propriétaires chanceux qui après le phylloxéra ne le replantèrent pas tout de suite entièrement en vigne. Profitant de la vue magique qu'il offre sur le village, ces familles ne lui permirent sans doute pas d'acquérir des galons de premier cru dans les années d'après seconde guerre mondiale. On observe encore les portes et grilles de ces entités dédiées aux plaisirs oisifs. Il est d'ailleurs toujours extrêmement agréable de partir du village pour longer le chemin du Tesson et profiter de ce cadre minéral mêlant murs de pierres sèches, petits cailloux d'un sol maigre et allée de graviers blancs.
A bien des égares un lieu mythique pour les murisaltiens de souche.
Mesurant un peu plus de cinq hectares il regroupe différents petits Clos et forme un ensemble entièrement orienté à l'Est de manière très uniforme. À l'inverse du Clos des Rougeots ou des Chevalières, il n'est pas encore sous une légère influence éolienne froide notable venant de la Combe d'Auxey et arrive à maturité au même moment que les crus du coteau Sud, parfois même avant les Bouches-Chères, Poruzots et Goutte d'Or.
Partagé entre neuf propriétaires qui, à l'exception de la maison Bouchard qui l'assemble, en tirent tous une cuvée singulière, il comporte au moins trois sous lieux-dits : le "Clos de Mon Plaisir", le" Clos du Tesson" et le "Clos du Haut Tesson". Le premier inclu deux producteurs mais Pierre Morey laisse ce nom poétique au domaine Roulot, le Clos du Haut Tesson qui le jouxte au Sud n'est pas revendiqué et la maison Sauvestre revendique parfois le Clos du Tesson qui est juste dessous le Mon Plaisir. Le Domaine Buisson-Charles possède ici 34 ares qui ferment le lieu-dit au Sud selon des rangs qui finissent " en pointe ". Deux parcelles différentes ont été plantées en 1964 et 1974 avec des plants très fins qui produisent naturellement peu. Rares sont les années ou les 45hl/ha sont atteints.
Vin de race et d'élégance Les Tessons ont une réelle accessibilité en vin jeune tout en préservant une fraîche tension interne. La nature quelque peu ferrugineuse de son sol rougeâtre et le profil pierreux de son substrat argilo-calcaire confèrent au cru une douceur tactile évidente et un fruité "blanc" finement iodé qui le caractérise nettement. Jeune il embaume les fleurs blanches et plus âgé il décline de forts subtiles notes de tilleul et de fleur de vigne , le tout sur un corps svelte et un profil ciselé...assurément un Meursault élégant qui cousine avec La Goutte d'Or voisine avec plus de finesse et moins de puissance.
Le Rougeot :
Au milieu d'un coteau orienté à l'Est, la terre chargée d'oxyde de fer se pare en superficie de reflets bruns rouges dans ce petit climat d'élite qui sans aucun doute, est l'un des plus complets de la commune de Meursault. Secteur triangulaire encadré par les Chevalières et les Tessons, il se situe à mi coteau sur une pente assez forte qui fait face à la butte sur laquelle repose le bourg historique. Il participe à la beauté des lieux grâce à son clos de pierres taillées et sa maison de quatre heures qui sur deux étages fait exactement face au clocher de l'Eglise Saint Nicolas.
Petit, le Rougeot n'en possède pas moins trois secteurs distincts qui selon leurs emplacements sont sous l'influence des climats qu'ils jouxtent.
Le clos proprement dit - qui a longtemps inclus quelques pinots - se place sous l'égide morpho-geologique du Tessons voisin et cousine largement avec lui. Ancienne propriété Sarraut il est aujourd'hui - très curieusement non revendiqué ou très rarement par les négociants Verget et Deux Montille - et il enrichit quelques cuvées négociantes beaunoises. Ce vrai Clos est pourtant sans aucun doute possible l'entité blanche entièrement ceinte de mur la plus qualitative de la commune après le Clos des Perrières! Terres rougeoyantes et ferrugineuses, chargées en oxyde de fer mêlée de calcaire, le substratum est très qualitatif. Juste en dessous de lui, en forme de triangle, la partie basse est moins pentue, un peu plus argileuse et plantée selon un triangle presque parfait dans le sens Est Ouest. Le domaine Coche produit ici un cru de haut vol un rien plus chaleureux et précoce que les parcelles hautes et en ce sens il évoque la nature du merveilleux petit Clos des Grands Charrons du Château de Meursault. "Le" vin du lieu dit, celui qui en a décuplé la notoriété.
Enfin contre le Clos, sur le même étage que lui et en direction des Chevalières trois producteurs se partagent exactement un petit hectare idéal fait de petites laves qui se délitent et plus sous influence des vents de la combe d'Auxey, égale la race et la finesse des meilleurs Chevalières. Le domaine Potinet-Ampeau isole ici un vin qui vieillit parfaitement. Son nom provient vraisemblablement de la couleur de son sol car la théorie consistant à l'associer à la maladie de Brenner ( ou Rougeot parasitaire ) ne tient pas. En effet celle-ci a été nommée ainsi bien après l'apparition du nom du lieu-dit.
Les Narvaux:
Parmi les climats non classés "premier cru" de Meursault, celui de Narvaux est probablement le plus complexe. Au dessus des Genevrières et Bouchères, il se prolonge jusqu'aux roches escarpées qui coiffent le coteau. Son préfixe "Nar" évoque une situation haute, sombre et ombragée , quand le terme de "Vaux" rappelle une petite vallée sèche, un peu à la façon chablisienne. Ainsi, placé au dessus du secteur des carrières qui ont été exploitées sur le coteau jusque dans le courant du 20ieme siècle, il fait figure de climat frais, pentu et caillouteux et affirme une nature murisaltienne très séduisante.
Situé dans la partie haute Sud du finage de Meursault le cru présente au moins trois climats distincts qui possèdent des caractères singuliers: Le meilleur est sans doute celui des Narvaux du bas - cadastré Narvaux Dessous - qui sans aucun doute a été le premier mis en culture et surtout qui à lui seul porte la forte notoriété que le crus possède dans le village. Idéalement situé au dessus de Genevrières et Poruzots, sa pente assez forte et son substrat calcaire prononcé en font un quasi premier cru qui a cet endroit égale le Tessons. Très murisaltien en ce qu'il combine douceur de texture, fraîcheur et subtile élégance, ce cru bouqueté et fin aime la durée pour se révéler et séduit par son allonge remarquable. Il aime les années précoces mais sait montrer en année tardive une lumineuse tension interne.
Au dessus de lui au Nord se trouve les Gorges de Narvaux, qui sous l'influence morpho-géologique des roches du Mont Melian et des arbres résineux qui le coiffent est plus tardif et ne possède pas toute l'envergure de la partie basse. Mais ne le négligez pas toutefois, car il est fort capable de séduire les palais appréciant les vins nerveux et étirés sur des finales plus salines. Un autre grain, une autre expression une question de style lié à l'équilibre. On notera dans ce secteur une curieuse vigne plantée en terrasses comme on le fait dans les Hautes Côtes parfois. Sans doute le point haut de l'appellation Meursault.
Les Narvaux Dessus situés au Sud des Gorges de Narvaux mêlent les caractères des deux autres sous lieux-dits et me paraissent également assez proches des Tillets pour leur corps svelte et leurs récurrents arômes d'agrumes sanguines et en particulier de mandarine.N'oublions pas que les deux secteurs les plus élevés des Narvaux furent longtemps parsemés de topes non cultivées, de petites vignes de raisins ordinaires destinés à la consommation journalière - blanche et rouge - des vignerons et de nombreux Murgers de pierre dont il subsiste encore quelques exemples. Cet ensemble formait donc un paysage hétérogène ou de nombreux petits exploitants possédaient un pré-carré. Aujourd'hui entre cabottes, Murgers, sentiers d'accès et arbustes , les formes de cette "petite montagne" qui englobe les zones non plantées des " Chaumes de Narvaux" constitue un lieu extrêmement paisible, isolé et agréable...
Le Limozin
Parmi les climats disposés en coteau, il en est quelques uns qui laissent émerger une source naturelle. Utile, cette résurgence de pied de coteau fut utilisée de temps immémoriaux pour créer un lavoir encore à l'heure actuelle extrêmement bien entretenu par les respectueux villageois de Meursault qui l'utilisèrent jusque dans l'entre deux guerres. Celui-ci, assez retiré des habitations voyait les ménagères venir à lui au matin calme par le chemin de Puligny. Une autre époque, un autre moyen de transpirer et de pratiquer l'exercice physique, et assurément pas moins bon que les salles de sport pleines de microbes! Ce petit écoulement naturel rendait les environs quelque peu fangeux, cela transparaît dans le nom de sa terre si l'on considère la racine latine du mot "Limas" qui signifie "boueux" et qui par extension a fini par donner le nom de Limosin ou Limozin au fil des siècles.
Cette terre est composée de deux entités aujourd'hui. La partie basse, à l'Est de la source, forme une petite butte à pente Sud-Nord qui verse au septentrion, elle est depuis les années 1950 classée en Bourgogne blanc et a pris le nom de " Murgers de Limozin". Un endroit de haute qualité qui permet aux vins de préserver une tension remarquable en donnant des vins forts proches des Meursault. Au dessus du Lavoir, entre Poruzots, Genevrières, Charmes et Buisson-Certaut le Meursault Limozin se demande un peu pourquoi il n'a pas été classé en premier cru. Tout - ou presque - sur le plan morpho-grologique le prédisposait à devenir un premier cru dans les années 50, sauf que les vignerons de la commune ne l'ont sans doute jamais considéré à ce rang. Pourquoi me direz vous? Eh bien sans doute en raison de son sol un rien trop argileux dans la partie basse, et puis aussi car la partie médiane en forme de cuvette n'a pas la classe des parties sises juste sous le collecteur d'eau des Genevrières et surtout de celles du bord Nord qui touche le Porusots. Plantées sur un axe Nord-Sud les meilleures parcelles de ce climat sur le bord Sud ont à cet endroit la densité des Charmes du milieu et sont certainement aussi bien exposées que les Charmes du dessous. En allant vers les bas de Porusots et les Crotots, le vin gagne en puissance ce qu'il perd en élégance mais possède une complexité qui égale souvent celles des Genevrières du bas. En ces endroits Limozin est un premier cru naturel je crois. Pour tous les amateurs il constitue donc toujours une excellente affaire.
Archétype du Meursault, profond, vineux et concentré, Limozin est un vin de sève qui immanquablement évoque la noisette fraîche et les fruits jaunes sur un corps svelte et des matières dynamiques. Il accompagne à merveille le foie gras ou les poissons de rivière...un must!.
Meursault Les Chevalières
Le nom est joli et évoque dans nos imaginaires une situation haute sur le coteau, un carré de vignes "chevauchant" en quelque sorte le village mais il provient plus sûrement de la présence d'équidés qui pouvaient y paître au Moyen Âge ou de chevaux empruntant la voix romaine qui passait à ses pieds allant des Chevalières aux Charrons et d'Autun à Chalon. Sous l'influence légère des vents d'Ouest venant de la Combe d'Auxey-Duresses ce secteur part de la base du coteau murisaltien pour s'élever jusqu'aux Vireuils en longeant les bords sud du Clos des Meix-Chavaux et des Luchets et le Nord des Petits Charrons et Rougeots. Terre mixte très caillouteuse en partie haute et plus argileuse dans sa zone basse, elle autorise la production de vins extrêmement délicats et parfumés qui ont un caractère murisaltien affirmé sur près de 9 hectares.
Il est d'usage de dissocier les parties hautes des parties basses en accordant plus d'éclat aux premières. Toutefois à la dégustation ces différences ne sont pas toujours très évidentes, d'autant que certains domaines ont des parcelles dans les deux secteurs et les assemblent.Ces dernières années ont été très favorables à la qualité de ce terroir frais en raison de la précocité des millésimes et d'un cycle de réchauffement climatique évident. Les bouteilles ont de ce fait très souvent la stature d'un joli premier cru et si les vins atteignent des prix élevés, ils ne sont pas encore équivalents à ceux des premiers crus. Une excellente affaire donc.
Les Premiers Crus de Meursault
Travailler la terre est une tâche rude qui de tous temps a su trouver une reconnaissance dans l’imaginaire populaire.
Considéré comme une véritable corporation sous l’empire romain, le métier de vigneron est sans doute l’un des plus difficiles qui soit car il met à l’épreuve l’ensemble de la motricité humaine tout en se révélant exigeant car son labeur se déroule en extérieur par tous les temps.
Nous avons oublié de nos jours que la proximité des coteaux depuis les villages est toute relative car permise par les « chevaux vapeurs ». Autrefois, se déplacer à pied pour rester du lever au coucher du soleil dans une parcelle en y déjeunant générait une singulière proximité avec le monde naturel qui, parfois, devenait ennemi en ce que ces éléments ne se préoccupaient guère de la santé des mains qui mettaient en forme une culture. Quand bien même ait elle pu être noble!
Non, il s’agissait durant 8 à 12 heures de façonner les vignes d’un propriétaire exigeant qui comptait en « journaux » le labeur accompli sans autoriser que l’on pu, ne serait-ce qu’un peu, s’écarter d’un rythme « immuable » pré-établi, précisément. Chaque ouvrage avait une temporalité et rendre compte de celle-ci faisait partie des charges que l’employé devait à son patron.
Nous savons que les vins blancs furent révérés jusqu’au 12ieme siècle comme étant les plus qualitatifs de tous, puis ils furent supplantés par le vin vermeil qui seul jusqu’à la fin du 18 ieme porta en lui la notion de qualité absolue des Crus de Bourgogne . Que l’on ne s’y trompe pas toutefois, les mêmes gestes et les mêmes plants furent durant près de deux millénaires reproduits par provignage et les blancs étaient bien souvent obtenus par pressurage ou foulage de raisins noirs à jus blancs et de quelques variétés rustiques de blancs dont le meilleur était sans doute le pinot - ou pineau - blanc.
Les bras du vigneron ne connaissaient pas la mécanisation et si des « charrois « à tractions animales étaient parfois utilisés pour le remontage des terres où la distribution des paisseaux et fumures, peu nombreux étaient les endroits où ils pouvaient simplement accéder pour soulager la peine des ouvriers. Ceux-ci travaillant en « journées » se construisaient alors nombre d’abris en pierre - Les petites « cabottes de vignes » pour se restaurer, se reposer parfois en une sieste réparatrice mais plus sûrement se protéger des aléas climatiques. Construits à partir des pierres retirées au sol ses refuges subsistent en de rares endroits et la plus marquante de ces cabanes minérales est sans nul doute celle qui se trouve au cœur des Genevrières du dessous, petite résurgence d’un passé pas si éloigné où l’homme savait courber l’échine sur un mode résiliant et admettre que parfois il lui fallait un endroit de repli pour lui et ses outils.
Les Genevrières
Parmi les grands crus blancs oubliés du classement des années trente, Genevrières est sans doute celui qui aurait le plus mérité d’obtenir ce titre, plus encore peut-être que Perrières si j’en juge l’homogénéité remarquable de l’ensemble du territoire qu’il occupe. Une chose est certaine pour les amateurs de blancs élégants, fins et racés à texture soyeuse, il trône en tête des blancs de Bourgogne en compagnie du Chevalier de Puligny-Montrachet.
Vin de dentelle, pendant des Amoureuses cambuléennes, ce vin harmonieux et droit possède également l’incomparable qualité de vieillir avec grâce. Le voir s’affiner au fil des années est sans doute l’un des rares plaisirs qu’il est permis à un amateur de vérifier sur la quasi totalité des millésimes qui sont mis en marché tant ce vin est régulier. Il doit ses extrêmes qualités à plusieurs facteurs :
En premier lieu un sol argilo-calcaire homogène, assez peu profond – surtout en sa partie haute – datant de l’étage Bathonien. Ce substrat est également marqué par des Marnes blanches et il permet aux plants d’équilibrer avec justesse leur vigueur pour générer des fruits gorgés de sucs qui donnent des jus finement glycérinés.
Ensuite, une inclinaison de pente allant de forte – hauts des Genevrières Dessus – à modérée dans le bas des Genevrières Dessous. Cette situation morpho-géologique assure un parfait drainage des eaux de pluie, elle est encore accentuée par la construction assez récente d’un collecteur d’eau dans le milieu bas du climat.L’eau ne stagne jamais dans les vignes.
Une orientation plein Est avec des vignes coupant les deux demies parties du climat dans le sens Est-Ouest. Cette situation d’exposition , idéale, permet de préserver une très belle fraîcheur dans les raisins qui arrivent à maturité sans être « rôtis » excessivement par les rayons du soleil et il se développe ainsi une vraie maturité de fruit avec des degrés potentiels modérés. Cela explique sans doute une bonne part de l’ultime finesse qui caractérise les vins.
Un ensemble de parcelles très homogènes et un morcellement un peu moins accentué que dans d’autres climats communaux. Bien sût le bord sud des Genévrières du Dessous est très découpé mais si l’on excepte la zone médiane des parties hautes , ce sont à peu près les seules parcelles qui sont inférieures à 20 ares. Par ailleurs 4 propriétés exploitent ici plus de deux hectares ce qui est assez exceptionnel au niveau des premiers crus de la commune.
A la lumière de ces constats nous pouvons dégager trois grandes zones à l’intérieur de ce climat premier cru qui mesure 16 ha et 4794 a :
Les Genevrières du Dessus : Ils forment un rectangle quasi parfait enclavé entre les Chaumes de Narvaux au dessus, les Poruzots au Nord et les Perrières du Dessous au Sud. Son sol est assez fortement incliné vers le levant et un peu moins large au niveau de son bord Sud. Terroir pierreux, marqué par des terres blondes, un rien plus sombre en son centre, il a le potentiel avéré d’un grand cru et est sans doute celui qui en plus de la finesse livre les expressions les plus ciselées. Un peu plus vif que le bas en moyenne, moins corpulent mais aussi délicatement salin, il embaume le chèvrefeuille et la fleur de vigne et cousine fortement avec le Chevalier-Montrachet.
Au dessus des Genevrières du dessus – séparé de lui par un long mur – et directement sous les Chaumes de Narvaux, un sous lieu-dit peu connu appelé « Cure Bourse » ou en patois « Colle Bosse » est exploité pour plus de un hectare par le domaine Pierre Latour-Giraud. De petits rangs parfaitement alignés, plantés sur une pente douce et sur la quasi largeur haute du climat bénéficient d’un sol comparable à celui qu’il surplombe. Le vin y est en général extrêmement plein et fin et mêle curieusement la tension des Perrières proches à la finesse de grain des Genevrières.
Les Genevrières Dessous : située en contre-bas des Genevrières Dessus est lui plus impacté par des terres un rien plus lourdes – bien qu’encore très pierreuses – et donc un sol plus profond et moins marneux. Il en résulte des vins plus denses, très complets et puissants qui vieillissent avec une indicible harmonie. Subtil mélange entre l’immédiate expressivité des Charmes du dessus qu’il jouxte au sud et la finesse des Genevrières du dessus, c’est un vin de taffetas qui ressemble – mais il vous faut faire un effort d’imagination - comme un jumeau blanc au Richebourg vosnier.
Il serait sans doute possible de définir à l’intérieur du Dessus et du Dessous des sous zones caractérisées par une olfaction et des profils organoleptiques singuliers. Je pense notamment au « presque » Clos qui appartenait autrefois à la maison Ropiteau et qui, aujourd’hui, est contrôlé par Bouchard père et fils ou encore au bord nord de la partie Dessous qui est situé plus bas dans le coteau et forme un quasi "à plat" car la pente y est très douce. Cette zone occupée pour une part par les hospices de Beaune est marquée des terres les plus lourdes du climat et génère des vins plus puissants, un peu moins délicat, sur une complexité plus brutale...les « Bâtard » de Meursault peut-être…
La Goutte d'or
L’origine du nom des crus se perd bien souvent dans la mémoire collective. Pourtant force est de reconnaître que nombre d’entre eux ont une sonorité et une « joliesse » incomparables. Le Cru bourguignon sonne et résonne avant que de tapisser le palais et il semble souvent porteur d’une musique aromatique qui parvient à convaincre avant même la dégustation.
Goutte d’Or! Est-il possible de porter nom plus évocateur!? Richebourg peut être...ou encore Montre-Cul!
Pourtant le vin qui en provient n’est pas plus doré que celui des autres crus, sa forme n’évoque en rien une gouttelette d’eau et la teinte de son feuillage au soleil si elle est dorée à l’Automne suit la même coloration que celle des vignes voisines. En revanche au printemps, en l’absence de végétation , au petit matin lorsque le soleil rasant frappe ce coteau pierreux, les petites dents de calcaire qui le constellent scintillent de mille feux. La pierre aura donc marqué ce climat en déterminant son nom et en façonnant sa forme.
Pourquoi?
Éclairer ce raisonnement revient à observer la partie haute du Cru qui est faites d’un long et haut mur de pierres sèches qui est interrompu par endroit par des barres rocheuses. En ce lieu et sur le dessus du secteur, dans des chaumes aujourd’hui arbustives, le marbre était extrait pour bâtir les maisons et Clos environnants. Ainsi cette Goutte d’Or est-elle quasi naturellement ceinte d’un long mur, vin de pierres ou plutôt pierres ayant déterminés l’enclos de ce cru, il est configuré curieusement selon les pentes diverses qui le marquent et il englobe quelques secteurs comblés qui en des temps pas si reculés laissaient aussi la place aux carriers. Nous percevons ainsi aisément qu’il eut pu à bon droit se nommer Perrières! Mais en la matière à Meursault le nom était déjà pris!
La Goutte d'Or - originellement singulière et donc sans S et funestement affligée de celui-ci dans le cadastre actuel! - est ainsi naturellement complexe. Le lieu-dit historique mesure un peu plus de 5 hectares et certaines parties - la partie médiane-sud essentiellement - ont été quelque peu remaniées en raison d'une déclivité dans le sens nord-sud qui générait des difficultés à la mécaniser. D'autre part il est certain que la partie basse non loin du collecteur d'eau et du climat des « terres blanches » a été également remise en forme. Par ailleurs le nom très porteur a été fort souvent employé pour des parcelles contigües - ou non! - du cru historique et a au final déprécié quelque peu sa qualité moyenne. Ainsi Bouchères - différent, pas moins qualitatif - a été vendu avant les règles strictes des AOC - nous sommes dans les années 50 pour les 1ers crus - en tant que Goutte d'Or pendant plusieurs décennies dans certaines propriétés...autres temps, autres usages!
Il en résulte une image qui a longtemps pâti de la joliesse du nom, d'origines pas toujours bien claires et du peu de producteurs le portant véritablement à la hauteur médiatique que lui confère naturellement son terroir. J'entends parfois de ci de là certains non producteurs du cru le minorer nettement par rapport aux cinq autres "majeurs". Ce sont en général ceux qui ne le vinifient pas et le dégustent peu... Et qui la plupart du temps ne le connaissent simplement pas assez. Ils me donnent ainsi une certaine légitimité à leur répondre avec des arguments solides et bien entendu vérifiables sur le terrain:
En premier lieu c'est un cru homogène qui forme un rectangle quasi parfait entre les Luraules au Nord, les Terres Blanches à l'Est et les Bouchères au sud. En pente régulière un rien plus inclinée dans la partie supérieure haute, la quasi totalité des parcelles le coupent d'Est en Ouest du bas vers le haut. En compagnie des Bouchères il s'agit du cru qui a la plus précise des identités si l'on considère qu'il ne se décompose pas en plusieurs sous lieux-dits. Exception faîtes sans doute des "pointes de goutte d'or" dans le bord haut Nord du cru et de la partie qui verse vers le sud, dont les terres ont été retenues par un muret.
Il est marqué par une bande rocheuse en son centre et est de ce fait proche de la roche mère en certains endroits, ainsi les plants ont parfois bien du mal à s'y enraciner et "donnent toujours naturellement peu" sur ce substrat maigre et argilo-calcaire.
Encore un peu sous l'influence des vents de la Combe d'Auxey, il est sans doute le plus froid - soyons prudent toutefois car ce n'est pas un climat d'altitude - et le plus "tendu" des crus de la commune, deux jours plus tardifs en moyenne en fin de cycle végétatif. Il ne faut surtout pas le couper à haute maturité de ce fait car il y perd sa vraie nature.
Sa couleur n'est donc - comme nous l’avons vu plus haut - jamais plus dorée qu'ailleurs en dépit de légendes qui aiment associer son nom à la robe du vin. Au contraire il est la plupart du temps clair comme de l'eau de roche. La capacité de garde conférée par sa tension interne affirmée en font l’un des crus qui vieillit le mieux de la commune à mon sens. Il en subsiste des exemples éclatants capables de défier le siècle. Les 1947, 1929 et 1893 que j'ai bu récemment sont encore en pleine forme!
Petit cru proche du village, découpé en bande il est possédé directement par seulement quelques propriétés locales. La plus grande surface exploitée par un domaine ne mesure que moins de 1.20 ha, une partie de ses fruits fournit le négoce beaunois. A côté de ce grand carré les entités n'excèdent jamais plus du demi hectare.
Les Bouchères ou Les Bouches-Chères:
Le coteau de Bouchères est le plus incliné de tous les premiers crus de Meursault. Il est au coeur d’une zone très pierreuse qui voit émerger nombre de cailloux et petits buissons (petits « bouchots »...qui a donné Bouchères au fil du temps) sur le sol, de têtes de roche en demi profondeur et de murgers de petites laves sèches empilées en des murs ayant des formes sinueuses. En une sorte d’écrin aux contours quelque peu tourmentés, ce cru assez élevé sur le coteau toise le village discrètement en présentant ses flancs au levant.
J’aime cette terre blonde et isolée, me promener dans ses « règes » parfaitement ordonnés au printemps , sentir les feuilles légèrement humides au petit matin me caresser les côtés et pouvoir de mes mains percevoir la vigueur de ses bois naissant ayant des désirs fructifères. Ici le climat n’est pas seulement un lieu, il fait corps avec ceux qui essaient de le révéler et parfois lors de ses rêveries solitaires je sens le goût du cru se mêler aux effluves de la terre dans mon esprit plus qu’au fond de ma gorge. Une jouissance indescriptible, un moment de grâce unique et intime.
Bouchères renvoie dans l’imaginaire à « boucher » et le fait que Meursault possédait plusieurs et importantes moutarderies ne doit pas cacher que l’assaisonnement d’une viande bouchère par les petites graines broyées dans les moulins environnants n’a rien à voir avec le nom de ce cru. Bouches-Chères...est ainsi plus sensuel, plus adapté au plaisir que ce vin procure avec constance. Donc Bouches-Chères, au nom d’une pipe!
Le cru de Bouches-Chères reste médiatiquement discret et assez éloigné de la notoriété des prestigieux Perrières, Charmes ou Genevrières. La qualité de ce climat est pourtant incontestable, surtout si l'on considère les vins blancs sous l'angle de la finesse. Je n'hésite d'ailleurs pas à écrire ici qu'elle fait partie des crus ayant la plus grande élégance de l'ensemble de la Côte des blancs et que de ce point de vue il intègre aisément le niveau des Chevaliers à Puligny au sein de la sphère des Montrachet. Des exemples de bouteilles ayant été bues de 25 ans à près du siècle me servent évidemment de référence. Pourquoi dès lors semble t'on s'interroger sur la permanence et les potentialités de ce climat premier cru? Essayons ici de lever une partie de ce mystère.
Longtemps diffusé sous le nom de Goutte d'Or ou comme Poruzots dans les années précédents les classements des climats en "premier cru" il ne doit sa notoriété récente qu'à quelques propriétés locales qui le mettent largement en valeur désormais. Hautement qualitatif, murisaltien jusqu'au bout des ongles, il possède ce je ne sais quoi "floral" qui le distingue nettement des autres premiers crus si l'on excepte la partie haute des Genevières et de la sous zone des cures bourses - à cheval sur Genévrières dessus et Grands Poruzots à laquelle il ressemble nettement. -
Formant un rectangle au milieu du coteau il est marqué par une parfaite homogénéïté dans une situation le plaçant entre Goutte d 'Or au Nord et Poruzots au Sud. Un peu plus de 4 hectares dont 1.5 ha d'un seul tenant formant sans aucun doute le Clos le plus homogène et qualitatif de la commune avec le Clos des Perrières et celui des Santenots en rouge. Celui-ci est exploité par le domaine Roulot depuis 2012 et était avant la propriété de la maison Labouré -Roi, et plus anciennement de la maison Manuel.
On peut en quelques « items » en lister principaux caractères du cru:
Dans une situation un peu plus fraîche que Charmes ou Perrières il arrive à juste maturité un rien plus tard et ne supporte pas les raisins en sous maturité qui accentuent son pole floral jusqu'à le rendre un peu végétal sans lui conférer plus de tension.Son sol argilo-calcaire est l'un des plus pentus des premiers crus de la commune. Il est orienté plein est et parsemé de petits cailloux qui se mêlent à une terre blonde.
Cru élégant, très racé et finement bouqueté, il développe quasiment chaque année ce nez de noisette fraîche que l'on retrouve aisément en Genevrières. Il s'agit alors d'une senteur mêlant la complexité du fruit et du végétal dans une expression vraiment très originale qui peut aussi évoquer la fleur de vigne.Naturellement peu enclin à exprimer une minéralité vraie, elle peut toutefois surgir dans les millésimes tardifs qui préservent une forte acidité tartrique.C'est un très grand vin de garde qui peut défier plusieurs décennies et qui évolue en affinant sa matière vers une sorte d'essence de chardonnay en décuplant sa douceur tactile. Le boisé lui sied donc assez mal car il marque la structure par un apport de tanins boisés aussi incongrus qu'inutiles car ils éliminent sa nature délicate et altière.
En dehors des Genevrières du Dessus, il peut aussi "cousiner" avec la partie basse des Chevalier sur Puligny ou avec la fabuleuse partie médiane des Folatières sur la même commune. Mais aussi curieux que cela puisse paraître Vaudésir et Blanchots à Chablis, lorsqu'ils ont élevés sous bois, peuvent aussi lui être comparé par leur naure florale et leur évidente délicatesse. Le Clos s'est longtemps étiqueté - et jusqu'à une période récente - Clos des Bouches-Chères et seule une propriété désormais - voir ci dessous - l'orthographie également ainsi. Pourquoi? Une question d'élégance il me semble.
Le Poruzot ou Les Poruzots ou Porusots
Les vocables qui désignent la pierre sont nombreux en Bourgogne, terre de carriers. Des Cras aux Crais en passant par Caillerets ou Perrières, Le cailloux transparait dans ces noms divers qui évoquent Le sol superficiel que le vigneron observait lors de son labeur.
Ce trait de caractère descriptif et évocateur n’a pour autant jamais eu de lien avec la nature des vins qui en étaient issu. Il ne serait venu à personne l’idée que la pierre pouvait transparaître dans les arômes que l’on considérait comme typique de ces lieux. Cette vision romantique destinée à relier le liquide au solide n’a aucune valeur à l’aune du passé des vins de Bourgogne.
En fait, plus logiquement, l’œil déterminait le nom d’un lieu pour découper les lopins de terre exploités sur les coteaux, non la singularité observée du vin qui en était issu. Un sens aigu de l’observation permettait alors de valider l’idée que ces « Porroux » (climat que l’on retrouve à Morey) devenus par extension Poruzots - terres pierreuses - étaient aptes à porter ce cépage chardonnay que l’on provignait avec difficultés tant les sols résistaient à la pioche qui tentait de les ouvrir.
Ainsi comme partout en Bourgogne ne cherchez pas dans ces étymologies les résurgences calcaires de minéraux désagrégés, point de « vin de cailloux » ou de « cœur aromatique » d’éclats de silex, simplement des bras qui peinaient à domestiquer ce sol maigre et dur, idéal pour que le plant produise de manière mesurée sur des équilibres conférant une réelle stabilité gustative au Cru. Une simple et si évidente vision de cultivateur soucieux de pérenniser son travail.
Ce Cru de Poruzots fut longtemps - avant les appellations d’origine - associés par extension aux plus prestigieux et connus Goutte d’Or ou Genevrières voisins, mais quelques fois revendiqués sous son nom il était alors la plupart du temps issu des parcelles des Dessus, les plus prisées de temps immémoriaux.
Durant tout le moyen-âge les plants de blancs furent ici provignés par un marcottage incluant le non greffage et les espacements étroits et anarchiques. Ce cépage blanc ancien et peu déterminé et stable à l’origine, évolua au fil du temps vers une parfaite adaptation aux terres du secteur et s’imposa comme le seul permettant de produire des blancs destinés à la garde et aux très longs élevages, plus encore que le vin vermeil qui présidait alors dans les rouges et qui se voulait plus immédiatement spirituel et accessible et embouteillé de ce fait plus tôt que les blancs.
En fait il est notable d’observer qu’avant le greffage le plant de chardonnay a connu ici sa mutation génétique, qu’il a en quelque sorte été façonné par le secteur et que sa période végétative - son cycle de pousse - fût déterminée sur ces terres par le climat de la Côte des blancs et plus encore celui du maconnais. Les vieux plants de chardonnays qui subsistent encore à Meursault en attestent car ils ressemblent bien peu aux clones que les pépiniéristes vendent aujourd’hui et qui trop souvent se montrent plus variétaux et très, trop, exubérant.
Si le premier cru Poruzot n'est pas le plus connu, encore moins le plus réputé de Meursault, sa qualité est pourtant bien réelle. Positionné entre les Bouchères ( Bouches-Chères) et les Genevrières il occupe une zone de plein coteau argilo-calcaire, idéalement exposée vers l'Est. Son sol brun assez clair, rougeoyant en certaines zones élevées, caillouteux et parfaitement drainés, marque les vins du côté de la densité et de la tension, c'est un climat qui évoque nettement l’imaginaire et la nature très classique que l'on associe aux vins de Meursault. Plus encore peut être que les Charmes qui sont plus disparates.
Il souffre quand même d'un certain manque d'unité et si la partie haute est tout à fait digne des meilleurs Genevrières du dessus, les zones médianes et basses ne participent pas tout à fait de cette haute qualité. Sans démériter, la partie "dessous" qui est séparée du "dessus" par le chemin qui mène à Puligny est moins inclinée et marquée par un substrat un peu plus sombre, moins caillouteux et plus argileux. Les vins y sont un rien plus lourds et immédiats mais n'ont pas l'ultime raffinement des "Grands Poruzots" qui prolongent les Genevrières dessus jusqu'aux Bouches-Chères. La zone intermédiaire placée sous les Bouchères sur une fin de coteau assez étroite peut se révéler très qualitative mais ressemble plus fortement à la Goutte d'Or voisine sans en avoir toute la puissance.
Son nom, peut-être moins élégant et la petite surface de ce premier cru en font souvent un vin méconnu et une bouteille discrète et encore souvent accessible. J'aime sa nature énergique et son grain fin et aérien qui le situe parmi les plus vifs et salins de la Côte des blancs et ses subtils arômes mentholés sont souvent envoûtant. Recherchez le.
Les Charmes
La notoriété des vins blancs de Bourgogne est beaucoup moins ancienne que celle des Crus rouges.
Longtemps ces vins furent considérés comme de spirituels préludes aux vins Vermeils qui « enluminèrent » les agapes tout le long du Moyen âge. Durant des siècles ce dernier fut révéré comme le seul breuvage digne des plus hautes cours de France et d’Europe. C’était un vin rouge clair aux reflets vermillons qui pourtant n’avait rien à voir avec nos rosés actuels. Vineux, fruités et infiniment complexe, il avait le don de capter le meilleur de ce cépage pour ainsi dire fait pour lui en l’imprégnant de cette magie du Vermeil faites de douceur, de fines notes grillées et de griotte sur des accents floraux d’une rare plénitude. Le Riceys de nos jours, improprement baptisé « Rosé des Riceys » en est le dernier exemple vivant.
Thomas Jefferson a d’ailleurs fort justement observé qu’à la toute fin du 18 ieme siècle le vigneron murisaltien mangeait du pain noir issu du seigle quand son voisin de Volnay ou Pommard pouvait s’offrir du pain blanc fait à partir d’un blé plus onéreux.
Pourtant les parcelles sont déjà largement identifiées et les noms cadastraux identiques à ceux que nous connaissons aujourd’hui. Le « pineau chardennet » où chardennet tout court est vinifié en fût après un pressurage rudimentaire et un éclaircissement des bourbes tout relatif. De ce fait on lui attribue en raison de sa capacité à réduire fortement - Les débourbages étaient sommaires - une longévité proverbiale et une incomparable capacité à se bonifier durant des années dans des fûts de bois. Il est à cette époque le vin de garde par excellence alors que les rouges à de rares et notables exceptions étaient consommés dans la fraîcheur de leur jeunesse.
Il est donc une fois encore intéressant de constater combien les « canons aromatiques » qui servaient à décrire ces Crus et à les évaluer n’ont que fort peu à voir avec ce qu’ils sont devenus aujourd’hui.
En fait quasiment rien!
Ainsi le vin de soie vermeil, délicatement infusé, est devenu vin de cuve aux tanins renforcés et à la couleur pourpre pendant que les blancs furent peu à peu sortis de leurs linceuls de bois pour qu’ils puissent s’abstraire de tout artifice et s’affiner toujours plus, encore et encore.
Montrachet et Charmes furent considérés « premiers » en des temps où la vinosité était une quête et où les impressions de viscosité étaient « le graal » absolu de tous les vinificateurs exigeants. Ceux qui pour obtenir cette couleur dorée - point de reflets verts hors les petits millésimes - cherchaient la plus haute maturité sans botrytis. Alfred de Vergnette Lamotte dans son ouvrage essentiel « Le vin » paru en 1867 évoque empiriquement la présence de la substance « mannite » dans l’Yquem bordelais et les plus grands blancs bourguignons pour expliquer la « sucrosité ». Une manière de décrire les glycérols abondants et les sensations « flavonoides » des vins qui constituaient ses modèles.
Si l’emplacement est au cœur de l’équilibre des Crus et de leur classement c’est en général pour confirmer que ceux ci peuvent régulièrement s’approcher de ce modèle, permettant aux vins de libérer des arômes pénétrants associés à des états constants pouvant se retrouver régulièrement dans le verre. On le voit le souci est alors de maintenir une qualité de concentration, d’alcool initial et de densité en même temps qu’une viscosité constitutive du goût de cette période.
Le cours du temps laisse toujours son emprunte sur la production que la main humaine met en œuvre. Les usages loyaux et constants se muent alors en évolutions imperceptibles étroitement reliées aux saveurs du présent, au plus grand goût commun multiple de l’instant et aux principaux artifices que le conseil Oenologue et le législateur ensemble, autorisent. Sucrer, acidifier, sulfiter, produire en abondance...autant de pis-aller qui ont définitivement laissé leur emprunte sur le goût que ce vin a eu pendant des siècles. Sur celui qui a un jour présidé à son éligibilité dans la cours des « grands ».
Dès lors, S'il est un cru qui identifie à coup sûr le style « atemporel » des vins de Meursault en évoquant une permanence séculaire du goût blanc bourguignon, c'est bien Charmes. Cette évidente observation est même particulièrement notable lorsqu'il s'agit de définir quels sont les amateurs qui apprécient "vraiment" la plus grande - en superficie - des communes de la Côte des blancs. Ceux qui n'ont pas de relation particulière avec ce cru aiment en général mieux les vins de situation élevées et/ou plus frais et tendus car l'opulence du cru, son côté glycériné et sa texture très souvent visqueuse en font un modèle qui mêlerait presque la douceur tactile des vins liquoreux avec la sècheresse des crus les plus secs et même une étonnante "sauvagerie" dans les années de fraîcheur, un peu tardives. Il n'est je pense aucun vin plus puissant - certains dont le Montrachet l’égale - que lui en Bourgogne dans le monde des blancs et sa richesse est souvent assez proche de celle d'un Bâtard-Montrachet sur une partition aromatique plus florale et un rien moins brutale.
Cru de mi-plat, très caillouteux et étendu, les Charmes regardent le levant et sont enclavés entre les Genevrières, les Perrières du dessous et les Combettes de Puligny-Montrachet. Ce vaste ensemble caillouteux et argilo-calcaire est assez uniforme en dépit des classifications qui sont très souvent opérées et qui minorent le haut par rapport au bas du climat. Bien entendu l'ensemble des vignes sises sous les Perrières est en général un rien plus précoce et marqué par un substrat caillouteux qui leur confère une énergie rare, mais la partie médiane est également bien dotée même si les sols se font un peu plus argileux à certains endroits. Les vins acquièrent alors un fruit et une profondeur qui complexifient encore la trame tendue et un peu plus brutale qui marque les vins des parties hautes. J'aime beaucoup la densité et le velouté de ces deux zones en signifiant toutefois que le fameux "plat des Charmes" situés juste sous le Clos des Perrières est naturellement - potentiellement - le plus régulier et le plus complet.
La question des parties basses est à mon sens une "fausse bonne énigme" qui occupe trop d'observateurs se fondant sur une approche "cartographique". Les Charmes du bas seraient "moins" bien placés donc moins denses, moins complexes et surtout moins racés. Le véritable problème est que de nombreux producteurs s'occupent de cette partie et qu'il est souvent fort difficile de situer à l'aveugle le "carré" qui a servi à générer le vin! D'autant que de nombreuses vieilles vignes sont ici en production. Les sols y sont quand même plus lourds et ressuient moins vite mais la terre est fine, les cailloux encore bien présents et la classe naturelle du terroir indéniable. Après en avoir douté au début de ma vie de dégustateur je dois bien avouer qu'aujourd'hui je préfèrerais de beaux raisins provenant du bas que de médiocres grappes du haut! Mais là je vois bien que je ne vous éclaire guère.
Les Perrières
Lorsque le vignoble fut classé « originellement » en Côte d’Or au début du 19ième siècle les plus grands crus d’aujourd’hui étaient déjà ceux qui étaient les plus en vues. Toutefois est-on bien certain que les éléments qui ont servi à les classer correspondent encore à nos « canons » modernes?
En fait rien n’est moins sûr.
À une époque où les plants n’étaient pas greffés mais provignés, où les trois façons culturales positionnaient le travail du sol comme un simple toilettage de surface, où les fumures n’étaient que fort mesurées...les ceps donnaient peu et en particulier dans les terres pauvres des Dessus qui quasiment seules alors servaient à produire les vins « bouchés » après avoir avoir été transportés la majeure partie du temps sous bois. Feuillettes, pièces ou queues.
Les marchands classaient donc les Crus en fonction de leur capacité à produire régulièrement des vins sachant voyager et/ou vieillir. Suffisamment « forts » pour ne point s’effondrer et donc issus de zones produisant avec constance des vins concentrés et équilibrés, seules conditions permettant de les préserver d’un vieillissement que l’on ne savait contrer que par la mèche soufrée, la fortification avec de l’alcool blanc, le coupage avec d’autres vins plus capiteux ou la préservation aléatoire du gaz carbonique instable.
Ainsi vouloir comme je le lis souvent chez certains « exégètes » du vin, croiser ces différents classements - Courtépée, Lavalle,le comité d’agriculture beaunois, Rodier, Ramain et quelques autres plus récents - n’a que fort peu de sens pour éclairer ce qui se passe véritablement aujourd’hui sur le terrain.
Ces Vignes produisaient entre 15 et 25 hl par hectare sur des densités proches de 18.000 pieds dont parmi eux pas un n’avait le même âge en raison des fosses de provignage dont les branches couchées étaient sevrées du pied mère au fil des années. On produisait 3 à 4 grappes de raisins, on récoltait sur des échalas - paisseaux - et les Vignes étaient taillées en hauteur en forme de crochet pour capter la lumière et surtout, la reproduction de la « liane pérenne » se faisait quasiment sur un inextricable substrat de racines entrelacées et mêlée de la terre de l’endroit. Vraiment, nous étions très loin de l’emprunte d’un sol transparaissant dans les sucs des jus de raisin. Ineptie moderne destinée à sanctifier béatement et quasi exclusivement - surtout naïvement - la composition propre du sol.
Non! pragmatiques, vignerons, tâcherons, négociants et marchands payaient plus chères les terres capables de générer une rentabilité régulière en même temps qu’une qualité stable. Le nom du Cru étant réservé à moins de cinq cuvées par village. Parfois monopoles.
Ces évidences expliquent pourquoi les négociants qui - quasiment seuls -vendaient ses vins en bouteilles ou en les débitant en vrac, se servaient de classes de vins capables de par leur plasticité d’être référées à un Cru/climat complétés par des approvisionnements - plus ou moins -voisins.
Dès lors, qu’en est-il du Perrières de nos temps qui est sans doute le Cru le plus courtisé de la commune? Réunit-il les qualités essentielles de puissance et de tension qui signent les plus grands vin blancs issus du chardonnay comme on le pense aujourd’hui ou est-il simplement l’héritier d’un nom que la tradition a sanctifié sans jamais qu’aucune remise en cause ait pu en être faites?
On le décrit souvent comme le grand Cru oublié, celui qui aurait dû accéder à ce rang dans l'immédiat après guerre car sa réputation ancestrale l'a toujours positionné comme second après le "Vrai Montrachet". A t’il de nos jours encore cette capacité à dominer ses pairs alors que ses rendements moyens ont quasiment été multiplié par deux et demi, que sa densité de plantation a diminué de moitié et que sa zone de production est toujours aussi naturellement pauvre?
En somme, est-ce que nos techniques de vinifications modernes compensent par leur capacité à se prémunir de l’oxydation et par la maîtrise des facteurs œnologiques les plus divers, le déficit de concentration et la baisse évidente en extrait sec qui caractérisaient ces vins autrefois? On les décrivait vineux et sec mais d’impression douce, avec du feu et un bouquet capiteux. A l’évidence l’alcool était un garant du bon vieillissement et l’absence récurrente de chaptalisation en ces lieux - une technique connue depuis le début du 19 ième - signait une vraie qualité « hors classe ». En 1846 - déjà - Vergnette-Lamotte fustigeait l’emploi du procédé Chaptal après qu’en 1845 le congrès des vignerons de Dijon ait condamné sans appel le « sucrage ».
Nous savons que les plants non greffés étaient pourtant moins alcoologènes - environ 0,8 à 1 degré en moins - et pourtant les relevés de Danguy évoquent des pointes à plus de 14 degrés. A l’évidence en année mûre - Les seules qui a l’époque qualifiaient une année de « grande »- ce Cru avait une incroyable capacité à capter la lumière. On commence ainsi à « visualiser » le Cru Perrières originel: 4 raisins par pieds, rendement de 15 hectolitres par hectare, plantation en foule, Vignes non greffées et provignées, trois « griffages » à la pioche par an, 14 degrés, pas de chaptalisation et ce qui va ravir les tenants des vins naturels: aucun intrant! Jeune ce vin devait être le meilleur « pet’nat’ » du monde!
Près d’un siècle plus tard, au moment du classement des appellations d’origine dans les années trente du vingtième siècle, Les décideurs des syndicats communaux - justes et forts inspirés dans la logique du classement des terres du village - n'ont pas souhaité lui retirer la mention "Meursault" en des temps ou le consacrer grand Cru revenait à le nommer: « Les Perrières ». On sait aussi que des groupes de producteurs d’obédiences différentes se sont farouchement querellés pour générer ces décisions. Cela fera l’objet d’une autre étude...
Le Cru est alors planté en rangs rectilignes, travaillé au cheval sur une densité de 11.000 pieds, greffé sur des bois américains et vinifié - comme naguère - En pièce de 228 litres. Son rendement moyen approche désormais le 30/35 hl/ ha car les fumures et la potasse coûtent chers.
Depuis lors, les écrits qui se penchèrent et se penchent sur les facteurs qui génèrent son « évidente » supériorité n'ont eu que peu de résonance car le secteur continue d'être positionné comme le meilleur des premiers crus, assez loin de son vrai rang de meilleur grand Cru après le Montrachet. De manière funeste cette classification générale bourguignonne le "minore" et fait fi de son incomparable caractère de vin de pierres, taillé pour la très grande garde, ciselé par sa nature unique et austère proche de l'ascèse gustative parfois.
Toutefois les murisaltiens connaissent la valeur réelle de leur Cru et se fondent le plus souvent sur cette tradition orale ancestrale qui positionne le climat au même niveau que le "grand" Montrachet pour sa longévité et son originalité. Mais combien de dégustateurs savent qu'il en est en fait l'exact contraire stylistique? Ceux qui les dégustent côte à côte souvent.
Autant le Montrachet s'exprime par une vinosité insurpassable, autant le Perrières est un vin tellurique, énergique, violent, à la sauvagerie quasi dérangeante, qui déroute souvent lorsqu'il est jeune. Ce vin sans compromis est toutefois produit sur des secteurs assez divers qui marquent également la race formelle des crus qui en proviennent|.
Ainsi la "Grande Perrière" - située dans les Perrières du Dessous - qui fait suite aux Genevrières du dessus jusqu'à la grotte - qui la connaît!? - de la "Porre et Piarde" donne t'elle les vins les plus civilisés du climat , assez proches au fond des "grands Genevrières" - la partie haute de ce Cru - qui lui font face car plus opulents, plus sensuels et plus immédiatement accessibles que le reste du Cru . Les vins de cette zone livrent souvent une partition droite et pure qui s'assagit un rien plus vite que la partie haute du finage.
Le secteur est assez pentu et les terres blondes et caillouteuses qui composent son substrat calcaire ont une remarquable capacité à conserver de justes ressources hydriques tout en préservant le secteur des gelées. Les rangs de Vignes coupent ici le coteau dans le sens Est-Ouest et les parcelles sont encore de tailles honorables, allant de 25 ares à plus de 2 ha.
La partie appellée "Perrières dessus" est plus morcelée car disposant de parcelles hautes et basses, avec des orientations variables, elle confère aux crus un côté rocailleux qui densifie la granularité de la texture et finit par imprimer une sensation quasi coupante sur la langue. vin de cailloux sur des terres maigres, vin sidérant de finesse évoquant les dessus du Chevalier ou la rigidité de la Goutte d'Or plus dense toutefois. Ce secteur pierreux comporte de nombreux murs et terrasses créés au fil du temps, gagnées sur le calcaire dur à force de ténacité. Des générations de vignerons ont œuvré ici plus qu'ailleurs pour faire naître ces Perrières d'altitude et il n'est pas étonnant que tout cela soit ancré dans la mémoire collective comme une sorte de combat contre les éléments naturels. Vins de pierres, mais sans doute aussi vin de sang et de labeur.
En compagnie d’une bande haute nommée aujourd’hui « Aux Perrières » ce bloc surplombe des carrières qui ont fortement entaillés le coteau et qui rappelle que Meursault fut une zone de carrière importante. On extrayait ici le marbre de Bourgogne où pierre de Chassagne,il a largement été utilisé pour bâtir les murs et les maisons du bourg.
Le secteur le plus estimé est cependant le "plat des Perrières" dans les « Perrières du Dessous » juste au dessus de la "grande Charmes" du dessus, il englobe le Clos qui en est son épi-centre, la partie droite qui se poursuit jusqu'à la Grande Perrières et une langue de terre à gauche qui va butter contre les Champs Canets de Puligny-Montrachet. L'endroit est quasiment plat, faiblement incliné à l'Est et bien entendu pierreux. Il ne se poursuit pas tout à fait jusqu'à la carrière situé sous les Perrières du dessus car celle ci,comblée partiellement et laissant apparaître une barrière rocheuse porte encore des Vignes d’appellation « Bourgogne blanc ». Ces dernières séparent nettement le Dessus des Perrières des Dessous qui sont positionnés vingt mètres plus bas. Au fil des extractions le Cru a ainsi perdu deux hectares disparus en poussière.
Les Perrières produits dans ce secteur sont sans conteste les plus grands Bourgogne blancs par leur intensité et leur bouquet unique mêlant les accents rocailleux d'une minéralIté vraie et cette incomparable touche grillée/mentholée que génère les beaux chardonnays d'équilibre subtil, comme si l'on sentait le rôti de raisins légèrement dorés et mouchetés de petites pioles grisées. Un vin indicible de pureté, il est au niveau de la complexité vineuse du Montrachet à cet endroit mais sur un registre moins visqueux, plus salin et iodé.
Le Clos proprement dit a été créé par le Marquis de la Roche (ça ne s’invente pas!) au début du dix neuvième siècle. Petit Enclos de pierre mesurant un peu moins d’un hectare, il est presque plat et constellé de petits cailloux acérés dont une notable proportion provient sans nul doute du travail des anciens carriers qui martelaient le marbre un peu plus haut. Il nait à une époque où les blancs sont bien loin de se hisser au niveau des vins rouges en terme de notoriété. La raison en est au fond très simple, sans anti-oxydant et sans tanin ils ne disposaient pas tout à fait de la même capacité à se conserver. Ils voyagent ainsi moins bien et sont un peu considérés comme les boissons spirituelles qui introduisent les Grands rouges. Observez d’ailleurs combien les grands Clos rouges s’affichent aux côtés de si peu de Clos Blancs. En fait un seul « vrai » car les autres sont plutôt des enclaves dessinées par des Murgers sinueux ou de création récente. Monsieur Grivaut est avant tout un commerçant qui a compris que s’offrir ce pré-carré en 1879 est assurément un coup de génie. Il créera d’ailleurs un autre Clos non loin de sa maison bourgeoise dans le village: le « Clos du Murger »! Il poussera la facétie jusqu’à acquérir à Pommard un Clos Blanc - planté en rouge! - et du Clos de Vougeot. Un visionnaire.
La terre appartient au vent et à la pluie et ceux qui la cultivent l'empruntent souvent à leurs parents pour la transmettre à leurs enfants. Personne ne sait donc ce qu'est véritablement ce cru car aucune permanence ne peut le définir hors la main de l'homme. Toutefois comme les autres le changement imperceptible de son profil général est l'exact reflet des temps que nous vivons associé à la maniere dont nous les ressentons.
Superficie du Climat : 13ha 21a 17ca
Ce Climat s'étend les lieu(x)-dit(s) suivant(s) :
- Aux Perrières: 79a 90ca
- Les Perrières Dessus: 3ha 76a 29ca
- Les Perrières Dessous: 9ha 59a 50ca
- 8ha 64a 98ca + 95a ( Le Clos)
Blagny
Dans l’organisation morpho-géologique des Côtes de Beaune et de Nuits les pentes semblent toutes s’élever depuis la plaine pour monter de manière plus ou moins abruptes vers les parties sommitales des coteaux. A Meursault il semble toutefois que le Nord de la Côte des blancs possède une sorte de double mouvements articulants deux zones de pentes entrecoupées d’une barre rocheuse ou de zones arbustives. Ces lieux intermédiaires virent naguère des carrières qui étaient aussi actives que la viticulture et qui modelèrent nettement la forme des cultures actuelles. Ainsi les Perrières/carrières du Sud murisaltien posées sur une butte naturelle - Le Dos d’âne - proéminente laissent derrière elles poindre un coteau naturel plus élevé reposant sur un substrat de l’oxfordien.
L’abbaye de Maizieres a élevé dans le courant du douzième siècle, au cœur de ce secteur, une grange servant de cellier aux bras séculiers et réguliers qu’elles asservissait. Comme dans toute la Bourgogne la propriété monastique a ici façonné les biens et les habitations en mettant en culture des terres constituant des rapports terrestres importants. . Il faut toutefois attendre le XIIe siècle pour trouver la première mention de vignes. L’abbaye cistercienne fondée en 1125 à quelques kilomètres plus au Sud sur la commune de Saint-Loup-Géanges reçoit en 1184 le domaine de Blagny des mains du chapitre cathédral de Langres. La charte de donation stipule que les cisterciennes récupèrent l’intégralité des droits sur les « habitants, vignes, bois, eaux, terres cultivées et incultes » de la « Villa de Blagny ». La grange qu’elles y installent deviendra au cours du XIIIe siècle une des plus importantes ressources en vin pour l’abbaye de Maizières. Les guerres de Religion de la fin du XVIe siècle en- gendrent d’importants dégâts au domaine de Blagny devenu une métairie. Confié par bail à des exploitants locaux, l’ensemble reste rattaché à l’abbaye cistercienne jusqu’à la Révolution. Le domaine sera vendu comme Bien National avant d’être racheté en 1811 par la famille des propriétaires actuels. De l’époque médiévale, il subsiste les corps de bâti- ments du logis, la grange ainsi que la chapelle Saint-Denis, construite au XVe s.
Le nom de Blagny est une probable évolution lexicale du nom de Belenos, Dieu païen du soleil et de la santé, révéré par les gaulois qui serait également a l’origine du nom de Beaune. Des débris antiques de tuiles gallo-romaines découvertes au lieu-dit « Les Ravelles » semblent corroborer ce fait mais il n’est pas certain que ces habitations puissent indiquer que ces lieux étaient cultivés et plantés de vignes. En effet à cette époque la vigne courtisait beaucoup plus largement la plaine et les endroits faciles d’accès pour permette une culture en pergola.
Situé sur la commune de Puligny-Montrachet le petit hameau de Blagny voit son vignoble chevaucher à parts quasiment égales les finages de Meursault au Nord et de Puligny au Sud. Sa superficie est de 25 ha sur la commune de Meursault, dont 23 ha classés en premier cru, et de 29 ha sur la commune de Puligny-Montrachet, dont 21 ha classés en premier cru. Soit un total de 54 ha dont 44 ha classés en premier cru.
L’analyse factuelle de ce petit vignoble d’altitude - jusqu’à 380 mètres, ce qui est très élevé en ce secteur - ne rend pas grâce à sa spécificité tant les lieux semblent appartenir au passé et à la discrétion d’une histoire immuable qui a toujours mis dans l’ombre la qualité pourtant bien réelle de l’ensemble de ses sols. Meursault positionne son nom après le sien sur l’ensemble de ses premiers crus blancs en un Meursault-Blagny fédérateur qui ne rend pas compte des diverses origines dont il est issu. Puligny, faut mieux, et ne le conserve que pour ses rouges en effaçant même son propre patronyme, ainsi il devient Blagny sans « Puligny » lorsqu’il est issu du pinot noir. En fait on pourrait écrire à bon droit que le rouge de Puligny-Montrachet s’appelle Blagny en dehors d’une ouvrée subsistant dans le Cailleret de Chartron. Mais ce Blagny rouge devient si rare avec l’évolution du vignoble qu’il ne va pas tarder à devenir une véritable légende. Une funeste erreur je crois.
On le constate comme dans toute la Bourgogne, les hommes, les décrets et les orientations du commerce influent nettement sur la terre et le potentiel supposé qu’elle devrait avoir.
Pourtant il apparaît évident que les secteurs de Blagny qui voient le calcaire du de Comblanchien resurgir sur ces hautes pentes ont le potentiel de générer parmi les crus les plus originaux et complexes du beaunois, où ils n’ont à l’évidence aucun équivalent tant en blanc qu’en rouge .
Pourquoi?
Pour tenter de comprendre cette terre altière il faut imaginer qu’un drône le survolant aurait fort à faire pour savoir où cette entité démarre et s’arrête et où les cépages blancs pourraient à bon droit remplacer la terre naturellement dévolue au pinot que cet ensemble argilo-calacaire de l’oxfordien présente.
Les anciens voyaient en lui un vin rouge vineux et profond qu’il fallait récolter une bonne semaine après les crus situés sous lui pour profiter de son expression énergique en même temps que dense et centrée sur les fruits noirs.
Essayons d’isoler ses divers secteurs:
Au Sud Puligny porte donc de rares Blagny rouges qui proviennent des secteurs élevés du Trezin - en appellation village - où du climat de « Sous le Puits » qui lui est en premier cru. Certains îlots colonisent les parties argileuses de autre Crus mais ils sont - nous en avons parlé plus haut - de plus en plus rares. Ces rouges sont assez fins et délicats en années chaudes mais souffre parfois d’un déficit de température et de maturité en se révélant un peu austères.
Le cas des blancs situés sur le finage de Puligny est très différent car ce sont des crus élevés ayant une vraie personnalité de crus vifs et frais pouvant développer une belle richesse de constitution mais sans toutefois aller vers la classe naturelle des crus situés à l’étage en dessous. Le meilleur d’entre eux me paraît être le toujours extrêmement élégant et raffiné « Chalumeaux » qui dans le prolongement du Champ Canet, en fait juste au dessus de lui, livre très souvent le meilleur des Blagny en ce sens qu’il a une densité et un niveau de maturité régulièrement supérieur qui lui confère grâce à un sol pierreux et une altitude médiane une profondeur qui le rapproche des parties médianes des Folatières.
Le « Hameau de Blagny » forme lui une bande assez homogène située en dessous de « sous le Puits » et sa tension interne affirmée le rapproche un peu des Dents de Chiens de Saint Aubin avec sans doute un peu plus de finesse et moins de puissance. Il intègre un sous lieu-dit proche des maisons se nommant la Truffière qui lui ressemble beaucoup avec un peu plus de richesse. C’est un ensemble qui a plutôt le caractère d’un bon village d’altitude comme peuvent l’être les Chevalières et les Tessons a Meursault mais qui est assez loin de valoir les Chalumeaux.
Dans le prolongement de Truffière le « Champs Gains » de Blagny est un Puligny nerveux et droit qui aime être récolté à juste maturité pour livrer sa partition pure et ses arômes de fleurs blanches finement salins en finale. Ce cru assez étendu est lui aussi plus proche du niveau d’un joli village que d’un cru ayant un standing de premier. Il n’a pas la profondeur dès Chalumeaux mais est sans aucun doute plus dense que le climat de « Garenne » qui est situé juste au dessus de lui. Il ne faut surtout pas le confondre avec le « Clos de la Garenne » qui en deux parties forme une épaule au dessus de la carrière située au dessu du Clos de la Mouchère dans les Perrières de Puligny....il faut suivre!
Sous le Puits - qui est un premier cru - et Trezin sont deux « villages » naturels placés haut sur le coteau et un peu frais. Récoltés plus tardivement ils donnent des vins élégants qui ont plus un caractère de vins de Combe, soit une nervosité affirmée. Ce sont des crus qui s’ils n’ont pas les faveurs des grands amateurs peuvent se montrer étonnant en années chaudes. Ils sont de ce fait très à l’aise ces dernières années. Mais le petit cru des Murgers des Dents de Chiens sur Saint Aubin leur est souvent supérieur, il est situé non loin en contre-bas.
Sur le finage de Meursault il apparaît que tout soit quasiment classé en premier cru et avouons le cela est un peu exagéré car si les meilleurs secteurs sont extraordinaires et très singuliers, certains parties méritent plus d’être située en somme « villages ». Il s’agit du cas des « Ravelles » qui très élevées sont situées au dessus de la Jeunelotte. Un endroit frais, pierreux et qui mûrit tardivement pour donner des vins assez fins qui manquent un peu de densité à ce niveau. Le cas des « Sous le Dos d’âne » est un peu différent car situé sous « La pièce sous le Bois » et sous le « Dos d’âne » des Perrières il se situe dans une zone incurvée et plus argileuse qui voit les vents s’engouffrer dans une sorte d’étroit goulot d’étranglement ou la terre peut raviner fortement et où il est bien difficile de la retenir. Le vin ne ressemble en rien aux Meursault qu’il jouxte car il n’en n’a ni la tension ni l’extrême finesse. Un bon village, assez éloigné des meilleurs Meursault de ce niveau que sont Tessons, Chevalières ou Limozin.
Au dessus de « Sous le Dos d’Ane »se trouve le meilleur cru du secteur pour les vins rouges, le formidable « La pièce sous le bois » qui peut générer des crus de pinot Impressionnants de finesse et de profondeur. Ce sont des vins qui vieillissent admirablement et qui ne ressemblent en rien aux autres crus du beaunois. Imaginez plutôt les parties hautes de Chambolle ou de Vosne et vous comprendrez aisément le potentiel incroyable des lieux. Un vrai grand premier cru qui a en plus la particularité de donner des blancs de premier ordre dans les parties hautes mais dans un registre plus salin et iodé que ce que le rouge pourrait laisser penser. Leur caractère n’a toutefois pas la puissance des autres premières crus de Meursault.
La « Jeunelotte » est un ancien Clos qui part des maisons de Blagny pour former une cuvette inclinée dans le sens Ouest-Est, assez argileuse qui trouve une meilleure expression en pinot. Elle n’a pas la densité de « la pièce sous le bois » mais mérite son statut de premier pour la charpente qu’elle autorise aux pinots et pour sa capacité à vieillir avec grâce. Les blancs sont moins intéressants je trouve.
Les Cras
Dans le courant du dix neuvième siècle des tombes carolingiennes sont mises à jour dans ce secteur Nord de la commune. Serions nous au cœur d’un lieu sacré? En tous cas ces sépultures semblent attester que le culte religieux que les populations du haut moyen âge entretenaient était rendu en cette contrée et assurément il y règne t encore un climat emprunt de solennité et de recueillement.
Rien d’étonnant alors à ce que nous soyons non loin de la voie romaine ancienne reliant Beaune à Autun où tant de générations se succédèrent à pied où selon des attelages divers. Il n’est d’ailleurs pas exclu que cette via romane ait été bordée de cénotaphes avant que les carolingiens ne décident d’y enterrer leurs morts.
Ce lieu a par la suite été planté de vignes, sans doute dès le haut moyen âge puis selon une organisation monastique gérée par Citeaux qui possédait en ce village plusieurs « clous » et des bâtiments d’exploitation .
Son substrat clair, crayeux est peut être à l’origine de son nom. Mais ce terme récurent en Bourgogne dans les vignobles peut aussi provenir des corbeaux qui par période colonisent ici les lieux en croassant selon des « craaa, craaa » sonores et à dire vrai bien peu élégants. Mais la réalité des observations est elle toujours emprunte d’une « joliesse » utile à la commercialisation des crus?...que nenni!
Petit cru mesurant 3,54 ha, Cras est un vignoble mixte "à la mode murisaltienne". Pour d’obscures raisons il n’a pas été intégré aux Santenots au moment des classements des premiers crus dans les années 1940/1950. Pourtant, des parcelles de valeurs agrologiques contestables pour des premiers crus, les Santenots « du dessous » en particulier obtinrent cet accessit.
Ainsi ils subsistent sous leur nom mais comptent en leur sein un monopole qui occupe près d'1/5 de sa surface : Le Clos Richemont du domaine Darnat. Les Cras peuvent être blancs ou rouges comme le climat voisin de Meursault-Caillerets et ils s'expriment avec bonheur dans les deux couleurs.
Le terroir est placé assez haut sur le coteau et surplombe en fait les Petures. Il est composé de terres de natures variables selon les situations. La bande du haut dispose de sols bruns/blonds, caillouteux, assez pentus de nature argilo-calcaire et de maturité précoce. Elles donnent des vins fins, bouquetés et discrètement fruités qui se livrent assez facilement en jeunesse. La partie du Clos Richemont dans la partie nord supérieure est plus argileuse et ses sols plus sombres étaient autrefois plantés avec des pinots. Les blancs sont aujourd'hui très vineux et souples et possèdent une nature originale qui les rapproche un peu du Montrachet de Puligny.
Vient ensuite une bande haute où sont localisées entre autres les propriétés Brunet, Chouet (exploitées par Christophe Pauchard de Cirey les Nolay), Voillot, cette bande se termine par le Clos Richemont et une vigne classée en Bourgogne des Hospices de Beaune. Ce secteur est largement dominé par le chardonnay et génère souvent des vins précoces et vineux qui possèdent un caractère puissant aux arômes centrés sur les fleurs blanches et les fruits frais.
Enfin les parties basses du climat occupées par deux propriétaires seulement montre des terres plus blanches en raison du passage d’une veine d'oolithe. Cet endroit est plus spécifiquement dévolu aux blancs car très solaires et de caractères minéraux, ils ressemblent un peu aux Blanchots de Chablis ou à la partie haute exposée sud du Corton-Charlemagne.
Cette zone basse est située dans le prolongement des terres remaniées des Hospices- qui jouxte les Santenots du dessus (Petures) et que se partagent les domaines Jean Latour et fils (en rouge) et Buisson-Charles (en blanc). Le blanc est d’une rare puissance et ne doit jamais être récolté trop mûr sous peine de confiner à la lourdeur et au manque d’expressivité. Le rouge est délicat et très fin.
Les Caillerets
Moins d'un hectare de vignes situées sur une étroite bande qui surplombe le climat des "santenots blancs". Quelques producteurs produisent des premiers crus -blancs et rouges ce qui est une curiosité - qui s'expriment remarquablement. Les premières vignes contre le Clos des soixante ouvrées (un clos AOC Volnay Caillerets) disposent plutôt d'un sol à rouge et sont très proches de l'esprit "Volnay" fait de finesse et d'élégance. Quelques ilots ont été gagnés sur des carrières anciennes et montrent des sols plus pierreux mais parfois un peu remaniés. Ces dernières vignes sont plantées en chardonnay et donnent des vins souvent un peu lactés, puissants et assez différents des premiers crus du sud de la commune car plus vineux et moins aériens.
Les Santenots
Certains crus, par leur notoriété, dépassent le cadre du village où ils sont produits et semblent même effacer la main de ceux qui les vinifient tant leur personnalité est grande. Santenots est de ceux là.
Considéré depuis des temps immémoriaux comme un secteur à rouge majeur, il a toujours eu la première place des vins du beaunois en compagnie du Corton d’Aloxe, du Cailleret de Volnay et du Rugiens de Pommard. Curieusement d’ailleurs - mais est-ce un hasard!? - ce sont trois crus qui ont une forme similaire faite de puissance et de finesse en même temps que d’une incroyable capacité à défier le temps en se bonifiant.
Il serait illusoire de tenter de définir ici ce qui a présidé à l’ordre des grands crus actuels du beaunois, tant cette histoire là mériterait exégèse, explications circonstanciées et surtout une juste reconnaissance de ce qui est au firmament potentiel de la qualité. Nous le ferons sans doute un jour en profondeur tant il y aurait à dire sur ces accessits figés qui ne signalent qu’approximativement où peuvent être produit ce qu’il y a potentiellement de plus qualitatif sur nos coteaux.
Les classements du beaunois reflètent encore aujourd’hui la volonté des hommes de conserver le nom de leur village et l’identité humaine qu’elle confère, plus que la singularité liée au nom du cru ou du climat. Il n’y a évidement pas de possibilité dans l’esprit des syndicats du début du vingtième siècle de penser que Santenots est autre chose qu’un des meilleurs vins rouges de la Côte de Beaune et que bien que situé sur Meursault « la blanche » il doit continuer de porter son nom de Volnay « la rouge ». Du bon sens paysan...du vrai bon sens donc.
Savoir que Santenots est sur un grand coteau de pinots noirs qui part des Croix Noirs et Rugiens de Pommard pour s’achever en Petures à Meursault et que la plus grande partie de ces pentes douces porte des vins de haut niveau suffit à faire comprendre pourquoi il a toujours été courtisé et recherché.
Parmi les meilleurs secteurs de cette pente modestement inclinée qui monte de 230 à 340 mètres, se trouvent les parties de début de coteau qui, tournées vers le levant ont un substratum qui amalgame le calcaire et l’argile selon des proportions parfaites. Comme on ne le sait pas toujours, les meilleurs crus ont une faible déclivité et si les parties élevées jouissent toujours d’un prestige plus important que les pieds de coteaux, ce sont les zones médianes qui sur le long terme permettent aux fruits d’être les mieux équilibrés et par suite de fournir les meilleurs vins. Nous observerons qu’en Santenots toutes ces variations sont réunies en une seule et même entité, faisant de ce cru une tête à plusieurs visages, un Janus vineux en quelque sorte.
Son nom provient sans aucun doute du vieux terme français « Sante » qui signifie chemin et qui indique avec acuité que la voix romaine qui reliait Beaune à Autun n’était pas très éloignée de ces lieux. Comme en de nombreux lieux dits son vocable a évolué au fil du temps pour devenir Santenots. On est à peu près certain qu’il est cultivé dès les premiers siècles de notre ère même si évidemment la permanence de son origine en tant que cru est beaucoup plus récente. Depuis plus de trois siècles toutefois il est considéré comme une « tête de cuvée » communale alors que sa partie dites « Du Milieu » a dès lors été considérée comme sa meilleure portion. Curieux d’ailleurs d’observer que ce classement que l’on imagine lié à la puissance du cru a été entériné alors que les vins vermeils se voulaient les plus délicats et « en dentelle » de tous les crus. Mais nous verrons que ce paradoxe n’est pas le seul qui caractérise le cru.
Si les Santenots sont intégralement situés sur la commune de Meursault dans un zone très qualitative qui prolonge le fameux coteau de Volnay, ils sont également très étendus - plus de 30 hectares - et forment un « climat » qui intègre plusieurs lieux-dits ayant des profils différents mais possèdant tous de magnifiques qualités morpho-géologiques.
Des terres argilo-calcaires brunes du Milieu aux cailloux saillants des Santenots blancs et du dessus des Petures en passant par les zones plus riches des Petures du bas et des Santenots du dessous, il est assez difficile de définir une véritable unité pour ce célèbre cru. Tentons de les distinguer:
Le Santenots du "milieu" - 8 ha - est exposé à l’Est et les ceps reposent sur une terre rouge, argileuse, peu profonde qui elle même se place au dessus d’un sous-sol de calcaire dur, un manteau agrologique qui confère aux lieux un caractère solaire et précoce. Cette partie dîtes « Santenots du Milieu » donne incontestablement sur 8 hectares les vins les plus intenses,sauvages et profonds de l'appellation Volnay avec des notes réglissées/fumées qui évoquent souvent les pinots fins des parties médianes du Clos de Vougeot ou des Renardes à Corton. C'est un cru d'élite qui fait partie des cinq meilleurs finages de la Côte de Beaune. Il possède de plus une capacité de garde époustouflante, certains "spécimen" du 19° siècle conservés en de vieilles caves fraîches sont même dans une forme étincelante en ce moment. Le 1865 est proprement ébouriffant.
Parmi les producteurs de ce célèbre finage les Hospices de Beaune ont ici une parcelle idéalement située en plein cœur du cru, elle livre avec constance un vin d’une plénitude de constitution impressionnante.
Il est hors-jeu de doute que ce rectangle en pente modérée a toutes les qualités pour générer le plus beau vin de garde qui soit. Sa partie Nord se termine par un Clos appartenant au domaine Prieur, il est en tous point au niveau du reste de cette partie du cru.
En dessous de ses Santenots du milieu et dans le prolongement de le pente du Clos se trouvent les « Santenots du Dessous » - un peu moins de 8 ha - aux terres plus profondes et à l’expression un peu plus sauvage et rustique. Ils peuvent confiner à la lourdeur et n’ont évidemment pas toute la classe racée des glorieux voisins du dessus mais ont une accessibilité immédiate qui en font souvent les plus épanouis en jeunesse. Ils peuvent toutefois développer des effluves animaux entêtants et une certaine rudesse dans les années de faibles maturité. Un peu moins considéré par les gens du village il n’a pas le droit de devenir un premier cru blanc s’il est planté de chardonnay, mais se replie alors en un simple Meursault « village ».Logique.
Le merveilleux petit « Santenots Blanc » -2,7 ha - positionné juste au dessus des Santenots du milieu est sans aucun doute au même niveau que lui pour la puissance tout en possédant encore plus de finesse. Ce secteur planté en chardonnay dans un passé assez éloigné est aujourd’hui entièrement dévolu aux vins rouges et son grain de texture unique lui fait amalgamer les qualités exemplaires des Caillerets au dessus de lui et des Petures qui sont à son Sud. Assurément l’un des mini secteurs les plus qualitatifs du beaunois qui a lui seul mériterait d’obtenir le statut de grand cru. Hélas bien peu de producteurs le vinifient aujourd’hui à part car quasiment tous possèdent d’autres parcelles dans les différents lieux-dits du cru.
Le cas de Petures (ou Pelures) - 11 ha - est extrêmement complexe car ce lieux-dit assez étendu est parsemé de vignes blanches et rouges, qui parfois peuvent prendre des mentions complémentaires les singularisant. Ainsi son bord Sud face au Clos du Cromin a t’il le droit de se nommer La Désirée et de donner un vin blanc sous ce nom depuis près de deux siècles. Et puis encore la portion des hospices de Beaune qui se démarque en prenant le nom de son donateur. Je signalerai encore des parcelles cultivées en vignes hautes qui résistent à la législation en étant plantées à faible densité et conduites en Lyre...une curiosité.
Les vins blancs ont une certaine vinosité mais ressemblent peu aux crus du Sud car ils n’en ont pas la finesse. Pas plus qu’ils ne peuvent atteindre le niveau des Caillerets ou des Cras non loin. En revanche les rouges ont un corps et une sveltesse unique qui les distingue nettement des autres Santenots en ce qu’ils sont beaucoup plus racés et distingués sans avoir toute leur puissance. De très grands vins rouges au caractère...bien peu Santenots je trouve mais infiniment complexe. Notes fumées et réglissées participent de son profil olfactif très caractéristique.
On l’aura compris ces 27,8 hectares de pinots murisaltiens prouvent que la commune possède de grandes potentialités dans ce cépage et que celles-ci se trouvent aux deux extrémités de la commune. Car si son Nord est en Santenots, son Sud haut possède aussi le formidable terroir de Blagny. Mais cela constituera notre prochain chapitre...
Écrit par Patrick Essa - vigneron au domaine Buisson-Charles à Meursault - 1999- 2019
Reproduction interdite sans autorisation écrite de l'auteur