Livre web: Les vins de Pouilly-Fuissé et l'arrivée des premiers crus
Les vins de Pouilly-Fuissé
Ecrit par Patrick Essa - vigneron au domaine Buisson-Charles à Meursault
En dehors de Chablis, les appellations bourguignonnes de niveau « village » et "village premier cru" sont souvent circonscrites à un seul bourg. Il existe toutefois quelques rares exceptions qui voient dans certaines zones le village principal « déborder » sur celui qu’il jouxte. Ainsi les Santenots de Volnay sont ils sur Meursault, Premeaux abrite quelques uns des meilleurs crus de Nuits Saint Georges et Brochon voit ses Evocelles revêtir la casaque de Gevrey- Chambertin si proche. Ailleurs Lafite en Médoc est un Pauillac qui a quelques arpents sur Saint Estèphe...et cela ne nuit en rien à son homogénéité!
Rien à voir me direz vous car nous sommes sur un vin d’assemblage! Eh bien justement si, le Pouilly Fuissé est souvent une association de différents terroirs si ce n’est de cépage - car son chardonnay est ici le seul autorisé - et il doit une partie de sa popularité à son équilibre remarquable et à sa régularité sans faille. Une constance conférée par une mosaïque de terroirs très complémentaires qui selon une culture éprouvée participent à de
belles cuvées « rondes » que n’exclut pas la singularité de climats isolés. Ces derniers étant évidement les meilleurs d’entre eux quand à leur exposition.
La force de ce vignoble est sans doute aussi à relier à son nom porteur, très vite - comme Chablis - commercialisé par les puissants négoces du vingtième siècle à des niveaux de prix accessibles sur des qualités médianes impeccables. Ce vin friand, souple et complexe a toujours eu un inimitable esprit sudiste sur un cœur et une énergie « nordienne » plus froide.
Pourquoi?
En fait une des explications données est géologique et est très étroitement liée à la variété des substrats qui composent l’appellation. Comme souvent lorsque l’on veut expliquer un Cru, le terroir est « sacralisé » car il serait à l’origine du caractère ou de la définition - de ce vin, comme s’il lui donnait une dimension unique. Je pense qu’il n’y a pas que celui-ci qui influence et je vais essayer de sérier ici les différents facteurs qui déterminent le profil de ce vin et des crus qui en sont issus.
En premier lieu le soulèvement alpin a permis de constituer une multitude de plissements et de failles dans cette zone en voyant s’effondrer le fossé bressan qui a donné la plaine de Saône à l’Est et le fossé de La Grosne à l’Ouest. Ces reliefs verticaux ainsi créés ont fait émerger des roches dessinant de larges coteaux positionnés entre 220 et 450 mètres. L’homme au fil du temps y a positionné la vigne sur près de 800 hectares, intégralement situés en pentes selon une idéale exposition au levant. Ces coteaux parfaitement ventilés, drainés naturellement par leurs inclinaisons ont pu être colonisés sous l’influence séculière des moines de Citeaux, puis par des générations de vignerons opiniâtres et soucieux de qualité blanche.
En second lieu la latitude des lieux donne au chardonnay - qui rappelons le est natif de ce secteur - une régularité de production qui est à nulle autre pareille. Jamais ce vin n’a véritablement souffert des manques de maturité que les chardonnays plus au nord peuvent connaître, même si aujourd’hui le réchauffement climatique nivelle largement les valeurs. Il est assez évident également que les lieux permettent de cultiver ce cépage à des altitudes plus élevées qu’en Côte d’Or où il s’épanouit pleinement entre 220 et 320 mètres ou qu’à Chablis qui est encore 100 mètres plus bas par rapport au niveau de la mer. Le fait même que le climat est ici plus clément ailleurs est démontré par la possibilité assez unique de pouvoir réaliser des cuvées de raisins cueillis à haute maturité. Nommées « Levroutées » elles signalent que le chardonnay peut ici flétrir sans pourrir tout en concentrant sucre et acidité pour proposer un vin de type « demi sec à doux » qui n’est ni un liquoreux comme le Sauternes, ni une sélection de grains nobles alsacienne car il est souvent peu impacté par le botrytis. « Stylistiquement » il évoquerait plus le Jurançon moëlleux aux raisins séchés par le vent mais sans son acidité tranchante. A découvrir.
Le troisième caractère est sans doute à relier à une très originale conduite de la vigne qui a vu les vignerons la conduire avec une variante de la taille Guyot que l’on appelle la taille en « arcure ». Destinée à éradiquer la possible acrotonie qui voit les premiers bourgeons de la baguette sur laquelle ils se trouvent dépérirent au profit de ceux de son extrémité elle est aussi assez productive lorsque le vigneron choisit de faire deux arcures sur un même cep. La maturité possible induite par le climat et les densités un peu moindre qu’en Côte d’Or - souvent 8000 pieds par hectare contre 10 à 11.000 - autorise cette région, où depuis plusieurs décennies l’équilibre financier passe par une production suffisante, à générer 60 hl/ha. Toutefois comme les rendements sont dorénavant limités à 58hl/ha sur les Pouilly-Fuissé avec nom de lieu dit (60 pour les autres) et que la vigne a ici une belle vigueur, nombre de vignerons ont opté pour la taille en « arcure simple ». Le « mouchage » des bourgeons des extrémités - il s’agit de leur suppression - étant un des moyens permettant de contrôler avec rigueur la charge par pieds.
Enfin évidemment la nature morpho-géologique du secteur marque notablement les fruits qui en proviennent et de manière concomitante les Crus qui y sont élaborés. Quatre communes ont le droit de produire le Pouilly-Fuissé - Fuissé, Solutré-Pouilly, Chaintré et Vergisson. Sur un peu moins de 800 - 761 exactement - hectares ces bourgs ont des caractères forts distincts et ils ont enfin acquis la possibilité de pouvoir promouvoir leurs climats en les hissant au statut de « premiers crus » pour les meilleurs d’entre eux, un accessit mérité qui a bien des égares est une juste reconnaissance de cet A.O.C. qui a vu le jour dès 1922 puis officiellement par décret en 1936. Plus encore s’agit-il à mon sens de réparer une erreur historique de classement.
Nous passerons chacun de ses terroirs à la loupe au cours de nos investigations.
Pouilly-Vinzelles
Le vignoble de Vinzelles est assez peu connu au regard de son grand frère de Fuissé. Moins de 53 hectares en production livrent chaque année entre 300 et 400.000 bouteilles de vins blancs, uniquement issus du chardonnay.
L’appellation est pourtant reconnue officiellement depuis 1940 et le vignoble dispose d’un nombre certains d’atouts.
Il dispose d’ une remarquable exposition vers le levant en direction de la plaine de la Saône. Le vignoble y puise une idéale insolation en même temps qu’une capacité à être régulièrement mûr tout en étant préservé des forts orages de grêle par les roches environnantes situés à l’ouest. Ce mur de vignes visible depuis l’autoroute du soleil est ainsi rarement victime des aléas climatiques que sont le gel et la grêle, entre Saône et Roches qui forment pour lui une sorte d’écrin naturel.
Sur une pente assez douce, drainante, pouvant s’élever un peu plus fort vers l’Ouest ce sol argilo-calcaire mêlé de silice est idéal pour la culture d’un chardonnay complet et charnu développant une naturelle vinosité en même temps qu’une grande finesse. Précoce, il doit en général êtres récolté sur des fruits frais et dynamiques pour ne pas perdre son type remarquable dans une maturité pouvant se montrer en bouche un peu trop lénifiante.
Le château de Vinzelles et la famille Bret possèdent ici une belle proportion de ce vignoble qui naguère était quasiment entièrement écoulé par le négoce beaunois ou la cave coopérative de Vinzelles. Les seconds ont su dynamiser le secteur en imposant une discipline de fer à leur culture du meilleur climat de l’appellation - Les Quarts - dont ils possèdent près de 4,5 hectares.
Mes mots ne seront pas trop forts je pense si j’affirme qu’ils sont depuis le début du 21 ième siècle les grands artisans du renouveau de cette appellation et qu’eux seuls pour l’heure peuvent la hisser au niveau des meilleurs Pouilly-Fuissé et des plus jolis premiers crus de Côte d’Or.
A ce titre les frères Bret n’ont pas perdu le goût local prononcé pour les maturités justes qui parfois, en année chaude, peuvent décupler l’extravagance du chardonnay mûr et plein de sève disposant d’une viscosité n’excluant ni la fraîcheur ni la tension mais exaltant le feu d’une concentration unique. Goûtez la cuvée des Quarts « Millerandées » pour vous en convaincre car c’est une des expériences les plus extrêmes de ce que le chardonnay ultra concentré peut donner sur un grand terroir argilo-calcaire exposé au levant.
Parmi les climats l’unité est assez réelle et il faut avoir dégusté les Longeays pour leur immédiate séduction ou les Portés pour la finesse de sa texture. Mais les terres ont toutes des valeurs agronomiques de fort bon niveau et il s’agit d’une des appellations les plus homogènes de Bourgogne, potentiellement.
Le Pouilly Loché
Le petit village de Loché regarde la plaine de la Saône et, légèrement élevé sur un coteau peu pentu, est entièrement ceint de vignes classées en Pouilly Fuissé et Pouilly Vinzelles. Bourg existant à l’époque médiévale - ce que confirme la présence de son clocher du douzième siècle - il était alors sous domination de l’abbaye de Cluny voisine.
Celle-ci, soucieuse de faire fructifier ses biens terrestres y implanta la vigne sur l’ensemble des coteaux du finage en contrôlant largement une production que l’on a rapidement orienté vers les cépages blancs. Ainsi au même titre que les plus historiques « places » de production de vins blancs bourguignons, Loché fait figure de pionnière de l’expression de ce fameux cépage chardonnay dont l’essore se fera à quelques lieux d’ici dans le petit village de...Chardonnay!
Contrée située entre 200 et 250 mètres sur des substratums idéaux à la production de vins élégants et frais, Loché comme l’ensemble du mâconnais voit ses vignes conduites en arcure - double ou simple - pour permettre à la plante de ne pas souffrir de stress hydrique et surtout d’acrotonie. Cet avantage confine parfois à des rendements par pieds un peu trop confortables, mais heureusement chez les meilleurs producteurs l’arcure simple est désormais de règle, surtout dans les vignes jeunes.
Comme dans tout le mâconnais la récolte mécanique est réalisée par nombre de récoltant et je ne cacherai pas qu’il s’agit sans aucun doute d’un frein important à la qualité ultime de ses merveilleux chardonnays du Sud de la Bourgogne. Cette petite entité de vigne, un peu moins de 33 hectares, possède tout de même deux terroirs bien distincts en dépit de n’être qu’une des plus modestes appellations de Bourgogne:
Au Sud du village, contre l’appellation Vinzelles on trouve des sols argilo-calcaires qui ressemblent beaucoup à ceux de sa voisine avec sans doute un peu plus de matière ferrugineuse. Leur couleur rougeoyante au soleil bénéficie des rayons chauds de l’astre au moment de l’Automne grâce à un climat de type continental. Le premier cru naturel du secteur est sans doute celui des Mûres qui verse un rien vers le Sud et qui chez certains producteurs peut véritablement avoir l’étoffe d’un Cru de garde fin et aérien. Les frères Bret en produise un de très haut vol. Il en est de même pour le Clos des Rocs qui est intégralement situé dans la meilleure partie du climat des Mûres et dont le monopole se décline en deux cuvées. La première certifiée bio et la « numéro 2 » en agriculture raisonnée mais elle n’a pas été produite depuis le millésime 2011.
Au Nord les différentes failles qui composent le mâconnais font apparaître une matrice tellurique sablonneuse et schisteuse qui confère aux vins une précocité plus marquée et une certaine capacité pour les sols de vignes à capter la lumière la journée en la restituant durant la nuit. Misez dans ce secteur sur le climat « Aux Barres » qui peut livrer des vins d’une onctuosité remarquable confinant aux plus doux et secs des vins de Bourgogne et cousinant même avec certains Meursault. Le Clos des Rocs produit ici un Pouilly-Loché Les Barres régulièrement parfait.
En dehors de ces deux crus peu sont revendiqués mais si vous en connaissez de bons je vous laisse le soin de me les recommander.
Pouilly-Fuissé: Terroir de Vergisson
Dans la sphère des Pouilly, nombre de terroirs émaillent ce finage qui serpente sur plusieurs villages. Formaté par les décisions humaines autant que par la variété extrême d’une géologie tourmentée, ce vin blanc sec et enveloppant trouve différentes expressions selon les secteurs où il est produit.
Ainsi Vergisson est une « terre haute » qui n’a pas toujours eu les faveurs des défenseurs les plus ardents de l’appellation. Certaines de ses zones élevées avaient même la réputation de produire des vins verts et un peu trop tranchants il y a une trentaine d’années. Le réchauffement climatique actuel avéré est passé depuis par là en même temps qu’une concentration de producteurs hors pair qui n’ont pas manqué de mettre en valeur ce secteur récemment privilégié.
Sur un peu moins de 200 hectares ont produit ici certains des vins les plus ciselés et élégants de l’appellation. Leur caractère le plus affirmé est sans aucun doute leur énergie interne qui en fait un cru quasiment « nordiste » dans ce secteur pourtant considéré comme chaud pour le chardonnay car il trouve en Bourgogne méridionale sa vraie limite d’expression. En effet plus bas que Mâcon, il s’alourdit et perd quasiment tout intérêt.
Nous retrouvons deux grands secteurs distincts dans les vins de Vergisson:
Un premier secteur à l’ouest qui repose sur un substratum granitique mêlant des débris granitiques et de la craie qui est de maturité assez précoce et qui livre des vins qui sont souples et friands en année mûre mais également un peu plus frais lorsque le soleil vient à manquer et que son altitude médiane - environ 280 à 320 mètres - marque de manière évidente sa singularité.
Un second secteur regarde le Sud-Est et ceint en quelques sortes la Roche de Vergisson qui le surplombe. Celle-ci, calcaire, provient du mouvement tectonique alpin qui a soulevé ici ces roches en un plissement vieux de 40 millions d’années. Bien entendu les pentes escarpées qui partent de sa base sont très favorables à la culture du chardonnay qui y puise une nature svelte et aérienne rappelant nettement les secteurs élevés du beaunois. En tournant autour de cette roche on croise les Crus majeurs que sont , entre autres, « Carmentrant », « les Croux » et « Sur la Roche », ce dernier exposé au levant. Mais nous reviendrons sur les Crus de Vergisson un peu plus loin dans cette étude.
Un troisième secteur, calcaire et parsemé d’éboulis rocheux, correspond au revers des pentes de la Roche de Solutré voisine, exposé au Nord-Est il est plus frais et livre les vins les plus incisifs et droits de l’appellation Pouilly-Fuissé. La zone porte en particulier le climat « En Buland » qui entre les mains, en particulier, du domaine Barraud peut atteindre un niveau exceptionnel.
Parmi l’ensemble des climats de Vergisson l’institut national des appellations d’origine a décidé de promulguer des premiers crus à partir de 2018.
Ainsi « La Maréchaude », « Les Crays », « Sur la Roche », »En France », et « Les Courtelongs » ont ils désormais le droit de revendiquer cette mention prestigieuse. Depuis de nombreuses années ils étaient revendiqués comme climat, assez largement, par les meilleurs producteurs du secteur et ceux qui ne le faisaient pas trouveront sans nul doute une heureuse raison d’isoler ces cuvées dont le rendement a été régulé à 58hl/ha. Soit un chiffre mesuré qui autorisera concentration et longévité en même temps qu’une réelle complexité liée à leurs emplacement idéaux.
La limite des 400 mètres fixées par l’inao pour valider la qualité de premier cru sur les meilleures zones a exclu une partie de « Sur la Roche », Cru calcaire orienté à l’Est qui pour beaucoup est le plus qualitatif du secteur. Ce découpage exigeant fait de ce climat un vrai terroir d’élite, digne de se comparer aux meilleurs du chablisien ou du beaunois. Vin fin, élégant et impeccablement texturé, il séduit par ses accents floraux sur une ligne nasale de fruits blancs frais. Élevé en fûts il peut vieillir avec bonheur sur plus de 15 ans.
« En Crays » et « La Maréchaude » se positionnent juste sous la Roche de Vergisson en son piedmont Est, ils regardent le Sud et sont placés sur des terres fortement inclinées qu’il faut parfois travailler au treuil. Ce sont des vins très subtils qui exaltent la nature tellurique d’un substrat calcaire très pierreux. Ils demandent du temps pour fondre leur fougue et une relative austérité initiale mais ils sont d’une race formelle sidérante et pourraient entrer dans un cadre de grands crus potentiels. Ce sont de grands seigneurs et le temps finira par leur rendre grâce, plus encore que premiers. Je le crois. Ici le très talentueux Eric Forest produit un Pouilly Fuissé « Les Crays » de haute volée.
« En France » leur fait suite un peu plus à l’Ouest et sur un coteau calcaire ferme, livre une partition plus immédiatement accessible. Il apparaît comme plus solaire et semble s’ouvrir plus vite avec un grain de texture plus visqueux. Il plaît en général beaucoup en jeunesse et s’accorde à merveille avec le foie gras.
Enfin « Courtelong » est sur une butte calcaire face aux Crays et Maréchaude et doit son classement autant aux vignerons d’élite qui le cultive qu’à une exposition Nord-Est moins parfaite que ses pairs. Vin longiligne, frais, un peu austère et tendu, il ne me semble pas avoir la stature potentielle des quatre autres mais il a ses inconditionnels.
Pouilly-Fuissé: Terroir de Solutré-Pouilly
Le Cru de Pouilly-Fuissé doit beaucoup aux deux roches calcaires de Vergisson et Solutré car elles marquent profondément son substrat en dessinant sa morphologie. Cet ancien bassin corallien s’étant soulevé au moment du soulèvement alpin du jurassique, il a formé cet étonnant relief calcaire qui désormais surplombe la plaine de la Saône à son levant.
Lieu habité depuis la préhistoire cet escarpement calcaire a connu les chasses de chevaux il y a plus de 15.000 ans. Ainsi on retrouve aux pieds de la Roche de Solutré les restes de plus de 100.000 équidés abattus par une population qui ne savait pas encore que le « véganisme »pouvait être une discipline de vie!
A plus de 400 mètres le calcaire blanc, dur, forme des falaises abruptes. Aux pieds de ces formidables pistes d’escalade pousse la vigne depuis des temps immémoriaux, et sous forme organisée depuis que la puissante abbaye de Cluny voisine a mis en culture ce relief tourmenté si favorable à la liane pérenne.
Le vignoble de Vergisson s’appuie sur son contrefort Nord et celui de Solutré Pouilly se déroule sur sa face Sud dans selon des pentes allant de très forte à modérée mais toujours avec un très fort pourcentage de calcaire actif mêlé d’argiles. En somme la condition « sine qua non » pour produire en Bourgogne des blancs d’exceptions.
Ces expositions Est et Sud-Est selon une altitude assez élevée comprise entre 270 et plus de 400 mètres marquent évidemment les lieux de leur emprunte et immanquablement définissent des types de vins singuliers. Sans doute d’ailleurs se-ce un des écueils de cette appellation multiple qui sous un seul nom regroupe une multitude d’expressions.
Toutefois le Cru entier meure 760 hectares et si on le rapproche des plus de 6000 ha du Nord de la Bourgogne qui ont le droit de disposer le nom « Chablis » sur leur étiquette on ramène le problème à de justes proportions. Par ailleurs seulement 180 hectares de vignes sont classés en premiers crus - ou plutôt seront bientôt classés - et s’il est assez complexe de savoir à l’instant ou j’écris quels seront les élus définitifs de cette reconnaissance car tout n’est pas encore en place, on perçoit que cela ne représente que ce qui est classé sur la Montagne de Corton en grand Cru! Point d’excès dans ces décision s là encore.
Évoquer les climats et premiers crus de ce village est complexe tant le fait de les isoler n’a encore pas aboutit à une réelle « personnalisation » de chacun d’eux. La connaissance des lieux est parfaitement ancrée dans les esprits des producteurs mais n’a pas encore véritablement été éprouvée par ceux qui boivent, évaluent et critiquent ces vins. En somme il reste à bâtir des références gustatives admises par le plus grand nombre pour qu’un jour chacun de ses climats deviennent un Cru reconnu. Nous sommes encore loin de la finesse aérienne attribuée au Chevalier de Puligny ou au statut de « vin de cailloux » qui colle aux Perrières murisaltiens ou aux Clos chablisiens. Seul le temps apportera véritablement ces réponses.
Premiers crus?:
Il se dessine deux entités distinctes n’ayant pas la même taille parmi ces premiers crus:
Une première zone de taille modeste se situe non loin de Solutré, sur les pentes de « sa » Roche. Située en contre haut des maisons, exposée au Sud, elle regroupe les climats de « La Frérie » et de « En Servy » et un peu plus sur le Sud de la Roche « au Vignerais ». Quelques hectares très calcaires donnent ici des crus assez proches ayant un caractère incisif et droit qui peut confiner à l’épure. Ce sont de très beaux vins de garde. Parmi les producteurs Denis Bouchacourt produit un « En Servy »de belle tenue, alors que sur les terres rouges ferrugineuses d’Au Vignerais la cuve des frères Bret est souvent magnifique. La Frérie quant à elle trouve une belle expression chez Auvigue.
Le second bloc est situé sur le petit hameau de Pouilly en allant directement vers l’Est, il touche avec « Vers Cras » la commune de Fuissé qui partage avec lui ce vaste climat. Ainsi « Le Clos de Pouilly », « Les Chailloux », « Les Bouthières », « Les Morlays », « Vers Cras » regardent tous le Sud-Est sur des secteurs calcaires mêlés d’argiles rouges. Difficile de déterminer parmi eux une réelle hiérarchie même si la taille de Vers Cras lui donne une certaine notoriété depuis quelques années. La cuvées de « Vers Cras » du domaine Cordier est un « must » du secteur mais vous ne serez pas déçu en dégustant les excellents « Aux Bouthières » de Pascal Renaud et « Aux Morlays » de Chloé Bayon au manoir des capucins.
Attention également aux nombreux climats qui doublon entre sur les qu’entre communes et qui peuvent induire le dégustateur en erreur car certains sont - seront - premiers crus comme « le Clos » sur le hameau de Pouilly alors que « le Clos » de Solutré reste un simple « village ».
Au total ce sont près de 70 hectares qui seront classés premiers crus sur cette commune avec un point d’interrogation pour le Cru « En Montgarcin » qui plus a l’Ouest ne sait s’il obtiendra cet accessit. Si certains de mes lecteurs en savent plus, je les remercie de m’en informer.
Pouilly-Fuissé: Le terroir de Fuissé
Si Vergisson et Solutré possèdent chacune, une roche calcaire marquant les esprits par l’emprunte visible et saillante qu’elles laissent sur le paysage, Fuissé n’est pas en reste avec son cirque de coteaux variés qui dessinent en creux un merveilleux réceptacle pour les vignes de son finage.
Le village situé en contre-bas est ainsi surplombé par un vignoble où a bien des égares le chardonnay trouve une expression idéale faite de maturité et de tension et surtout de cette incroyable douceur tactile qui enveloppe les palais les plus exigeants.
Fuissé, dans le contexte de l’appellation joue la partition de l’équilibre quand Vergisson mise sur la tension, Solutré-Pouilly l’intensité et Chaintré la douceur. C’est peut être visuellement le plus beau vignoble de blanc de la planète car ces pentes vertigineuses et sa forme circulaire en font une véritable image de carte postale viticole montrant un écrin à Chardonnay.
Ici naissent je crois le meilleurs crus de Pouilly, ceux qui en plus grand nombre pourraient être élevés au statut de grand cru car leurs surfaces ont de justes proportions, ils sont très réguliers et vinifiés depuis de nombreuses années selon de cuvées où le climat est isolé. On en connaît peut être ici plus qu’ailleurs le caractère singulier, sur plusieurs décennies. Fuissé c’est un peu la « perle du milieu » du Mâconnais, le lieu où toutes les qualités convergent pour culminer dans de futurs premiers crus lumineux.
Du plateau calcaire de Beauregard à l’Est qui touche Pouilly, aux pentes abruptes qui surplombent le village à l’Ouest et aux terres très anciennes du primaire faites de schistes ou de tufs qui marquent les vignobles en allant vers Chaintré, le chardonnay sur un peu moins de 300 hectares livre une partition svelte et parfumée que n’altère en rien une vraie maturité de peau des raisins et un grain tactile souple et dense.
Sur les 182,40 ha qui seront promulgués « premiers crus » dans l’appellation Pouilly-Fuissé la commune de Fuissé en possède 46,97 ha : Les Vignes Blanches, Les Ménétrières, Le Clos, Les Perrières, Vers Cras, Vers Pouilly et Les Brûlés.
« Vers Cras » et « Vers Pouilly » sont sans surprise assez proche des vins de Solutré-Pouilly avec une jolie finesse et de la maturité exaltant les fruits blancs. « Le Clos » un peu argileux est un vin dense et puissant qui vieillit admirablement, il a des allures de grand cru au château de Fuissé et chez Ferret. Perrières est plus incisif et aérien, alors que « Vignes Blanches » et « Ménétrières » sont des vins de haute volée qui ressemblent par leur forme aux crus de Côte d’Or auxquels ils ne cèdent rien. Trouvez les, ils sont régulièrement de niveau grand cru.
Mention aussi au plateau calcaire élevé des Rontets qui surplombe Fuissé au Sud et qui entre les mains exclusives de la famille Gazeau-Montrasi donne des vins d’une rare pureté selon une vision biologique exigeante.
Pouilly-Fuissé: Le terroir de Chaintré
Après les terres schisteuses et volcaniques très anciennes situées au Sud-Est de l’appellation Pouilly-Fuissé sur le finage de Fuissé se retrouvent les terres calcaires du village de Chaintré qui, moins élevé, commence à verser vers la plaine de la Saône selon une franche exposition au levant.
Ce secteur qui est sous influence des vents de la plaine et des vapeurs d’eau remontant de la Saône est assez précoce et ensoleillé. Il bénéficie de surcroît d’un substrat calcaire tertiaire de premier ordre qui ressemble fort à son voisin de Vinzelles avec peut être un rien plus de tension et de finesse dans ses parties plus fraîches et élevées qui sont également un peu moins argileuses.
Ce quasi carré de vignes en pente douce légèrement vallonnées est assez homogène et permet de produire des vins ayant une rare régularité. Moins marqué par la fraîcheur d’altitude du terroir de Vergisson ou par l’extrême complexité d’arômes des fruits idéalement mûrs de Solutré ou Fuissé les Pouilly ont ici une maturité de peau et de chaire unique qui génère une grande douceur tactile en même temps que de complexes arômes de fruits jaunes pouvant aller jusqu’à des notes de flétrissure. S’il est une zone où le fameuse haute maturité « levroutée » peut se développer je pense que ce secteur un rien plus brumeux peut la favoriser.
Mais qu’il me soit permis ici de rappeler qu’en toute chose la main de l’homme est souveraine et que seul le vinificateur peut déterminer quel sera véritablement le profil de la cuvée qu’il produit. Ainsi on trouve des Pouilly de Chaintré fort mûrs alors que d’autres sont plus directement incisifs et tranchants. Les dates de maturité et de récolte faisant évidemment foi.
Dans le concert exigeant des climats qui seront classés « premiers » deux crus fameux seront en première ligne. Il s’agit de deux clos historiques qui ont toujours été mis en avant par les propriétaires les exploitant et qui depuis très longtemps participent de la haute renommée de ce secteur. Le « Clos Reyssié » (ou encore Reyssier) est un vin unique mêlant tension et puissance. Entre les mains du magnifique domaine Robert-Denogent il peut être d’une vibration incomparable. Le « Clos de Monsieur Noly » doit beaucoup aux longs élevages du domaine Valette qui avec un minimum de sulfite a toujours produit ici un vin parfumé et ample demandant une culture accrue des arômes secondaires et tertiaires des chardonnays cueillis à haute maturité pour être compris. Mais avec ce prisme en tête, il libère une forme vineuse d’une originalité sidérante si ce n’est déroutante. Les Chevrières et les Plessis proches de Reyssier mais sans toute sa complexité complèteront ce joli lot de près de 30 hectares de premiers crus.
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