Des hommes et une terre: Le Grand Cru Griotte Chambertin
Gevrey-Chambertin Partie 6: le Grand Cru Griotte Chambertin
Écrit par Patrick Essa - comprendre le vignoble Bourguignon vigneron au Domaine Buisson-Charles à Meursault pour le site www.degustateurs.pro
La Griotte est sans aucun doute l’un des vins les plus délicats et subtils de la Côte de Nuits en général et du finage de Gevrey Chambertin en particulier. Sans que l’on comprenne au fond complètement pourquoi il cristallise une large part de ce que l’amateur de Bourgogne recherche au plus haut point: finesse de texture et soyeux du toucher de bouche sur des arômes très intenses de fruits rouges à noyaux.
Ce tout petit cru (2 ha 69 a) se situe immédiatement sous le clos de Bèze pratiquement à l’endroit où il jouxte le Chambertin. La pente y est très accidentée et forme une sorte de vallon incurvé vers le levant en une pente assez forte. Le « micro climat » qui le caractérise est sans doute le plus chaud observé dans les grands crus avec celui de La Chapelle Chambertin qui exactement positionné à son septentrion. Souvent l’on constate dans ce secteur une avance de maturité du raisin de cinq à six jours par rapport au Chambertin lui même.
L'endroit est donc solaire et très précoce, il a également reçu une grande partie des limons qui ont dévalés le coteau depuis le Clos de Bèze et constitue en fait une sorte de mini cône de déjection (étage géologique du Bajocien) incurvé dans le sens ouest-est avec pour sommets ses bords nord et sud qui sont La Chapelle et les Charmes . Il a sans doute été remanié de manière significative par le passé en raison de l'érosion et de ce fait il est constitué de quatres zones assez distinctes sur le plan morpho-géologique qui a la dégustation engendre naturellement des différences ténues mais réelles :
la partie possédée par la domaine Drouhin est la plus septentrionnale et est séparée d'un mur de la "Chapelle haute" (ancienne dénomination des lieux pour le grand cru Chapelle-Chambertin) de Damoy et correpond donc de manière quasi certaine à une zone remaniée, quelque peu aplanie et mise en forme pour en faciliter la culture. Elle est inclinée assez fortement vers le sud avec une pente ouest-est prononcée qui aide à capter les rayons matinaux du soleil. L'endroit est donc très chaud et c'est sans doute en ce lieu que la précocité des raisins est la plus grande. Le vin y est toujours très délicat et possède un fruit qu'exalte à merveille Laurence Jobard naguère et aujourd’hui Jérôme Faure-Brac. Il est désormais issu de plants très fins assez récents - une vingtaine d’années - cultivés de manière biologique. C’est un grand cru soyeux et distingué qui tapisse le palais et qui vieillit avec une grande harmonie. Il allie la maturité de La Chapelle à l’élégance des Amoureuses de Chambolle. Un vin étincelant.
Viennent ensuite les parcelles sises plus basses des domaines Marchand, Fourrier et Roty. Ce sont des parcelles située dans bas Nord du grand cru, limoneuses, et un peu plus argileuses, elles sont un peu moins précoces mais participent largement du caractère de la partie haute avec un rien d’austérité en plus. Il existe une petite résurgence d'eau dans la parcelle Marchand qui indique que le au n’est pas très loin des pieds de vignes ce qui fait qu’en dépit se leurs situations solaires, les vignes ici ne souffre et que fort rarement du stress hydriques, un avantage certain ces dernières années. Les vins sont toujours très fins mais possèdent un velouté de texture un peu plus ferme ainsi qu’une une certaine retenue qui requière une garde un peu plus longue.
La grande parcelle exploitée par les domaine Ponsot et René Leclerc pour le domaine des Chezeaux - et pour lui même en fermage - sont les seules à bénéficier de deux expositions : sud pour son bord septentrionnal et est pour le versant méridional. Il s'agit sans doute, potentiellement , de l'ensemble le plus complexe sur le plan géologique et il livre une partition en général plus ferme dans l'expression de ce micro-cru.Mais on le déguste peu. J'ai pourtant bu récemment un très très beau 95 de René Leclerc.
Enfin la parcelle du domaine Claude Dugat est positionnée à l'extrémité du versant méridional et forme un quasi plat orienté plein est, elle jouxte deux micro-parcelles appartenant au domaine Duroché qui sont parfois revendiquées en Griotte lorsque les 2 ares de la propriété donnent assez de raisins pour l’isoler. J'ai toujours pensé que le vin de Claude Dugat - desormais vinifie par son fils Bertrand - était un amalgame des caractères délicats de la Griotte et du fameux plat du dessus des grands Charmes qui donnent des vins plus denses et profonds. De ce fait il s'agit sans doute du vin le plus "personnel" du lieu-dit car allie la puissance veloutée des Charmes à la finesse de texture de la Griotte. Je n’ai jamais dégusté celui de Pierre Duroché mais c’est un jeune qui a beaucoup de talent et qui doit livrer une expression assez proche de celle du domaine Dugat.
Je dirais pour conclure que Griotte est un climat très séducteur et original qui est le moins « Gevrey » des grands crus de cette commune car il cousine un peu sur le plan stylistique avec les Amoureuses de Chambolle-Musigny….Deux vins de soie et de taffetas.
Patrick Essa - reproduction interdite sans autorisation