A propos des notes grillées dans les vins blancs de Bourgogne
Je n'aime pas la plupart des accents aromatiques grillés dans les vins, particulièrement lorsqu'ils sont blancs. De nombreux exemples de vins marqués par cette note olfactive ont émaillé mes dégustations ces dernières années et j'avoue être de plus en plus sévère dans mon jugement lorsque je les sers à ma table. En tant que client je trouve cela désagréable et ce manque évident de pureté me fait d'autant plus réagir qu'il marque en général des vins de très haut niveau potentiel si l'on considère leurs terroirs. Je me pose alors cette simple et pourtant fort importante question: Pourquoi des bibines sans intérêt comme le moindre rosé de linéaire sont construits sur des matières inexistantes et une olfaction nette alors que de grands terroirs peuvent être galvaudés par des notes vulgaires et impures?
Comment accepter que des déviances manifestes soient prises pour des sommets de complexité aromatique par des palais pourtant affûtés et comment expliquer qu'une note d'élevage résiduel soit le plus souvent souvent le fruit d'un travail inabouti?
Pour illustrer mon propos je vais tenter d'isoler ce qui génère cette fameuse note grillée qui signerait les arômes les plus nobles d'un couple vinification/élevage de pointe dans le monde des "winemaker" de blanc. De quels ordres sont elles:
La note grillée "soufrée": perception plus ou moins intense sur l'allumette suédoise et le silex frotté. Il s'agit la plupart du temps de résidus de soufre qui ont été épandus longuement et tardivement selon une pulvérisation sèche par poudrage. Lessivables par la pluie, ces épandages répétés finissent par imprégner les peaux de raisins et ils marquent durablement les moûts lors des vinifications et élevages. Impure.
La note grillée "torréfiée": artifice d'un élevage mené avec une généreuse proportion de bois neufs chauffés lourdement. Elle "cacahuète" ou "caféine" ou encore dégage une odeur de "pain grillé" selon la lourdeur de son emprunte... toujours vulgaire. Une impureté que beaucoup adorent voire recherchent. L'élevage en futs de grandes contenances a nettement tendance à amplifir ce phénomène.
La note grillée "rôtie": senteurs nasales discrètes qui évoquent la noisette fraîche et la peau d'abricot -ou de raisin- dorée au soleil. Signe de juste maturité sans botrytis, elle anoblit le vin. Pure.
La note grillée " réduite ": elle apparaît au cours de l'élevage lorsque la proportion de lies est un peu élevées par rapport au potentiel de micro-oxygénation du contenant. Notes fines lors d'un élevage bien mené qui souhaite être peu interventionniste sur les sulfites, elle peut masquer irrémédiablement les arômes les plus fins des vins blancs - et en particulier ceux qui sont floraux - si elle est trop marquée. Pure si elle ne trace finement que lors de l'élevage. Impure dès que le vin est sous verre car un seul soutirage doit suffire à la faire disparaître. Fortement impure lorsqu'elle se combine au grillé "allumette" qui conduit le dégustateur à ressentir une note olfactive désagréable de "pétard à mèche" après emploi.
Le grillé "praliné": note ultime et fraîche de noisette se lignifiant elle évoque au nez la limite entre le fruit et le végétal et marque les terroirs les plus à même de porter de grands raisins à maturité complète sans trop de degrés naturels. Perdue si le fruit rencontre sous maturité, surcharge de rendement ou excès d'alcool, ce grillé noble ne se livre qu'en grande année. La dernière fut par exemple dans la Côte des blancs, 2009, mais on pourrait évoquer 1999, 92 ou encore 89,82,79,76 et 73. Pure.
La note "grillée vanillée/coconut": note lourde apportée par la sur-maturité du fruit et un boisé très présent. Moins déplaisante que l'allumette ou la torréfaction empyreumatique de prime abord, elle est sans doute pire car elle signale une matière déséquilibrée. Impure.
Sachez donc que l' expression grillée d'un blanc de Bourgogne doit toujours être retenue et que si elle se superpose "en avant" du spectre aromatique du vin, elle le gâte irrémédiablement. Sa place olfactive est donc naturellement sous jacente, subtile et infiniment discrète.
Sans cela...le vin n'est simplement pas bon et perd tout caractère lié à l'expression climatique de son terroir.
Ecrit par Patrick Essa - le 20/11/2014
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