Climats de Bourgogne: les origines

Publié le par Patrick Essa

Climats de Bourgogne: les origines

  Climat.

  Terme mis en évidence il y a peu pour espérer classer au patrimoine mondiale de l'UNESCO les crus de Côte d'Or, le vocable ancien de "climat" revêt aujourd'hui une importance grandissante et semble porter à lui seul toute l'historicité du cœur de la Bourgogne. Il ne m'appartient pas ici de juger du bien fondé de la demande faîtes par le comité qui l’a portée car au fond si celle-ci a aboutit c'est qu'elle a trouvé suffisamment d'audience pour générer un intérêt planétaire. Le regard sur notre région s’est ainsi déplacé du vin élaboré vers la terre qui permet de le produire, exactement comme si la qualité du pré où paissent vos viandes « goûtues » prenait le pas sur la race bovine des bêtes dont elles proviennent. Une œuvre humaine circonscrite à des tenants uniquement naturels?

  Ainsi on peut se poser une question bien simple: "qu'est ce qu'un climat et comment sont ils apparus dans notre paysage"? Serions nous face à des entités multi-séculaires voire millénaires où avons nous user d'un concept mis en lumière plus récemment pour d'évidentes raisons liées à une communication vineuse se voulant ancrée dans son époque? 

  Il est avéré historiquement que le terme n'apparaît guère avant le 18 ième siècle mais il serait réducteur de ne s'attacher qu'à sa seule utilisation car à l'évidence il recoupe des zones cadastrées beaucoup plus anciennement. Il semble qu'au cours du Moyen âge se soient constituées des entités agraires ayant des spécificités culturales précises, que les 18 ième et 19 ième siècles aient largement contribués à ancrer ces "prés carrés" dans la culture populaire et qu'à partir du 20 ième se soient légalement créés les crus s'y rapportant. Une chose est donc certaine si les vignes sont millénaires en Bourgogne leur reconnaissance en tant que crus à moins de cent ans.

  Étonnant?

  Non, si l'on considère que le négoce qui est le créateur de la vente de vin avec des origines précises a fonctionné près de 3 siècles avec une vision qui classifiaient les vins selon leurs caractères organoleptiques associées aux noms mis en avant. Ces classes de vins définies selon leur équilibre et leur caractère pouvaient dépasser l'origine géographique exacte des raisins et être le fruit de coupages savant visant à retrouver une " qualité " donnée ou un goût " recherché ". Assurément la mise en avant des plus grands noms "climatiques" ou de communes d'aujourd'hui s'est réalisée en tenant compte de leur caractère plus que de leur positionnement cadastral identifié clairement, selon des frontières strictes.

 Corton, Chambertin,Montrachet et Meursault ou Vosne furent durant deux siècles au moins des marques commerciales diffusées un peu comme le sont aujourd'hui les grands châteaux médocains. Beaucoup moins nombreuses qu'aujourd'hui ces dénominations visaient à rendre compacte et hiérarchisée une offre négociante aux volumes intéressants.

  C'est avec cette antériorité commerciale historique en tête que Charles Bouchard - patron du Négoce - se positionne au début du 20ieme siècle  face aux nouveaux et anciens propriétaires de parcelles pour affirmer que la notion de « Classe de vin » est plus intéressante pour hiérarchiser officiellement les crus du vignoble bourguignon et principalement de Côté d’Or. Nous sommes dans les années 1925/1935 à un moment charnière de la viticulture bourguignonne, elle se relève de la crise phylloxérique et nombre de propriétés songent à vendre leurs bouteilles, toutes ou en partie sans le négoce. Il faut aux propriétaires des leviers pour se faire connaître et ils tiennent particulièrement à la primauté géographique de l'origine. Les grands crus naissent alors dans les communes qui les demandent « contre »le Négoce de la place qui parvient à se ménager en Côte de Beaune - celle où il est tout puissant des "greniers à vins" pour ses vins de « Classe ». Le train des premiers crus passera 20 années après - la seconde guerre mondiale ayant ralenti sa marche - et c'est alors, dans le milieu des années 50 que l'on voit véritablement naître une Côte d'Or "climatisée". Des lors il ne faut pas avoir froid aux yeux pour affirmer que nos parcelles classées sont caractéristiques d’une singularité  multi-séculaire, voire millénaire . Je pense percevoir ici une sorte de réchauffement des esprits pour les avantages que cette « histoire » peux/pourraient impliquer. 

  À l'heure ou Négoce et propriétaires  se sont donnés la main pour " sanctifier " les Climats de Côte d'Or, il est bon de se remémorer le cheminement assez récent de ce concept original et sans aucun doute largement aussi culturellement créé, qu'historiquement avéré. 

  A méditer...

Patrick Essa - Vigneron a Meursault et producteur à Chablis, Gevrey-Chambertin,Aloxe-Corton,Volnay,Pommard, Meursault, Chassagne-Montrachet et Puligny-Montrachet. 2019

 

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