Rage against the machine
Qui se soucie de distinguer aujourd'hui les vins qui sont récoltés à la main par rapport à ceux qui le sont avec une machine à vendanger? Personne je crois tant je lis peu de commentaires de dégustation assez renseignés pour le savoir. Les miens compris cela dit. Pourtant combien ce "simple"'fait "caractérise" fortement la qualité du cru qui y est produit!
Oh pas seulement en raison de l'impossible tri qualitatif que ce mode de récolte induit - et surtout que l'on ne me dise pas qu'elle "ne prend pas le pourri" - mais surtout car il s'accompagne d'un vraie "bastonnade" des ceps, d'un égrappage automatique et d' une obligatoire trituration des baies. Cela conditionne par suite très fortement les pressurages, sulfitages et débourbages initiaux et marque bien plus en profondeur que le simple terroir les vins qui en sont issus. Qui n'a dégusté de vins aux tanins rêches, végétaux et durs n'est en plus pas à l'abri des goûts d'ails et d' amertumes prononcées.
Dans les Bourgogne génériques plus de la moitié des récoltes sont sans doute ainsi rentrées, sensiblement moins dans les crus plus huppés mais il y a encore de grands terroirs vendus à prix d'or qui subissent inconsidérément ce process funeste. Chambertin, Charmes, Perrieres... Choquant! Alors la question est aujourd'hui bien simple: quand interdirons nous cette mise en œuvre déshumanisée qui nivelle la qualité des vins bourguignons vers le bas?!
Notons que le Beaujolais et la Champagne ne l'admettent pas dans les cahiers des charges des appellations qui les concernent. A des degrés divers c'est une fameuse réponse à la qualité qu'il est permis d'obtenir avec ce principe.
Il y a un an certains viticulteurs de Morey Saint Denis et Vosne Romanée ont pris "le taureau de fer" par les cornes et ont décidé de l'interdire à partir de 2014 dans les grands crus Grande Rue, Clos de Tart, Romanée, Romanée-Conti et Tâche. Quelle heureuse et emblématique initiative à l'heure où la Bourgogne valorise ses climats par un salutaire classement UNESCO! J'espère que l'ensemble de la viticulture se sentira concerné par cette décision aussi juste que salvatrice pour l'expression de ses vins.
Par ailleurs si la machine à vendanger n'est pas bonne pour les grands crus, elle ne peut l'être pour les appellations génériques. L'outil fonctionne parfaitement ou ne fonctionne pas. Il n'y a pas de demie-mesure possible à mon sens si ce n'est de ne plus avoir à traiter l'humain et/ou à rationnaliser encore un peu plus les coûts. Si je peux admettre le besoin d'économies et de dépenses mesurées dans la gestion d'un domaine, je comprends moins bien la décision de minimiser dès le départ la qualité potentielle de sa récolte.