De la vigne au verre: acidité et acidification?
Apporter un changement à la structure analytique d'un vin est un acte légalement encadré selon les règles inhérentes aux appellations d'origines contrôlées. Modifier artificiellement les équilibres obtenus naturellement dans les fruits récoltés a cependant des effets dont il est utile de connaître les causes. Essayons d'y voir plus clair:
En premier lieu réacidifier est un acte correctif qui peut être rendu nécessaire par un déséquilibre analytique des fruits récoltés. Lorsque les valeurs d'acidités totales d'un vin sont trop faibles au regard du ph et du potentiel alcool il est parfois nécéssaire d'ajouter -dans les vins en moût une dose d'acide tartrique. Cela s'effectue en général lors de la fermentation alcoolique en cuve et permet d'extraire plus aisément les couleurs tout en évitant les montées d'acidité volatile. Bien menée c'est une opération quasiment indétectable car une partie de cette acidité se dégrade. Le ph s'abaisse et le vin apparaît avec un fruité plus frais. Les blancs ne sont quasiment jamais réacidifiés pendant les fermentations alcooliques sauf en ca sde grave manque du pôle tartrique. Une opération qui doit pêtre alors menée après essais et surtout avec d'infinie précautions.
On peut également réacidifier sur vin fermenté avant ou après FML. Le dosage doit ètre très mesuré car sinon le vin a tendance à sécher et il apparaît rêche, dur et en cas de mauvais dosage, métallique. Cette seconde méthode est difficile à maîtriser et peu sont ceux qui aujourd'hui l'utilisent. Elle se détecte en dégustation par une matière brulante qui laisse un picotement artificiel sur l'extrémité de la langue. C'est un défaut rédibitoire. On ne peut chaptaliser un vin ré-acidifié, c'est interdit par la loi. Mais il faut savoir que certains oenologues ont longtemps conseillé ces deux pratiques concomittentes. La règle était simplissime: pour 100kg de sucre on ajoutait 3 kg de tartrique. Une vraie faute qui a bousillé nombre de crus dans les années 70/80 et après...
Pour le blanc le cas est plus complexe car ils vivent mal les réacidifications tartriques qui augmentent souvent le rythme de fermentations alcooliques en fûts. Les blancs n'aiment guère être corrigés en vin par du tartrique qui procure une fausse sensation minérale en durcissant la trame et en laissant une trace saline prégnante sur les finales. Le côté " je suce le cul d'une pile " ... Si comme moi vois avez essayé cela étant petit!-)) En général les blancs plats, mous ou sans longueur sont corrigés avec de l'acide citrique au moment de la mise en bouteille. Se développe alors dans le cas d'un dosage trop important une sensation de lime exagérée qui caricature le vin et gomme la fine impression noble et iodée de l'acidité naturelle.
Les blancs qui sont acidifiés sont souvent issus d'années mûres, chaudes et/ou précoces. L'objectif du vigneron est de les rendre plus frais, plus salivants...plus marchands en somme. Il est de ce point de vue assez symptomatique de constater que ces accents vifs parfois excessifs sont considérés par certains dégustateurs comme le degré ultime de l'expression de la qualité d'un cru. Il s'agit à mon sens d'une erreur d'appréciation car si la concentration d'un vin ne peut être décuplée, rien n'est plus simple que de corriger une acidité faible en usant d'artifices.
Les rouges qui peuvent être corrigés en dehors d'un ajout à la cuve sont à mon humble avis inintéressants.
Le mieux est de ne jamais corriger en acceptant le caractère des fruits récoltés et en adaptant l'élevage à leurs spécificités.Sinon les trames tanniques se durcissent irrémédiablement et l'acidité qui "pétille" alors sur le bout de la langue est aussi dérangeante que désagréable sur le plan de l'équilibre organoleptique.
D'autres modes d'acidifications peuvent être mis en place et il me semble que les meilleurs consistent surtout à agir sur la plante dans les vignes en supprimant les herbicides et en gérant avec mesure les amendements. Inéluctablement les potentiels acides auront tendance à augmenter dans des fruits moins nombreux et plus concentrés. Agir naturellement en amont pour éviter de rectifier intempestivement en aval est toujours plus judicieux et génère à coup sûr les plus grands vins de terroir...
A bon entendeur!
Patrick Essa - MAJ le 18/01/2014
Bases sur l'acidité: http://papiersuniversitaires.wordpress.com/2012/05/18/oenologie-de-lequilibre-du-vin-par-emeric-chebrou-bouet/