Gevrey-Chambertin: Le millésime 2011
Gevrey-Chambertin: Le Millésime 2011
Plantons le décor...
Voici deux ans que la majeure partie des vignerons de la commune de Gevrey-Chambertin se mobilise pour présenter ses vins "prêts à la mise en bouteille" à l’hôtel de la Poste de Beaune. Durant le Week End de la Vente des vins des Hospices de Beaune, l'idée de livrer une première approche de la future production de la commune a germé dans l'esprit de quelques producteurs audacieux, animés par la volonté de positionner tous les flacons sur un pied d'égalité, afin qu'un large panel de professionnels et amateurs puisse les évaluer et les commenter. Ce canevas de départ ne peut que réunir mon adhésion la plus sincère car enfin voilà une entreprise où Le vigneron convie la presse et les internautes et pas l'inverse!
Ce choix est évidemment risqué à plus d'un égard:
- En premier lieu il retarde la "mise à disposition" des vins sur le marché - appelons un chat un chat -de l'évaluation du vin en refusant ce phénomène qui nous est arrivé directement de Bordeaux par l'entremise des fameux "primeurs" qui consacre dès les six premiers mois de leur vie certaines immortelles réussites en conditionnant bien souvent leur potentiel commercial et in fine leurs prix.
- En second lieu il place l'appellation Gevrey-Chambertin en décalage face aux autres communes car les vins des autres régions bourguignonnes ont bien souvent déjà été "vus" et "lus" depuis belles lurettes et les stratégies commerciales d'achats sont souvent déjà opérées.
- De manière plus insidieuse le vigneron qui accepte de voir son vin critiqué sait qu'il ne le sera pas uniquement par un journaliste avec lequel il a peu ou prou tissé une relation de travail. Il ne sait pas réellement quels sont les valeurs des invités et est à coup sûr obligé d'attendre diverses publications pour jauger de la manière dont son cru a été dégusté. Le palais de l'internaute, n'est pas celui du journaliste, qui n'est pas celui du vigneron...chacun ses critères de notation.
- Enfin si l'idée est novatrice, elle ne peut réellement fonctionner qu'avec un minimum de participation de la part des journalistes, rédacteurs et vignerons. Pas simple de mettre tout ce petit monde en phase avec la seule volonté d'objectiver des résultats en recherchant une juste et saine évaluation.
Vous l'avez compris, certains ont plus à perdre qu'à gagner dans ce type de confrontation car l'effet de champ qui est associé à cette dégustation est inévitable. Comment bien déguster un vin lorsque l'on passe derrière une bouteille de "haut vol"? A l'inverse, l'élégance derrière des tanins rudes s'en sortira toujours à son avantage, même si elle masque une moindre matière. Selon l'emplacement le cru sera mis en valeur ou minoré. Les dégustateurs ont beau le savoir,ils n'en restent pas moins humains.
Qui, comment et pourquoi
Pour toutes ces raisons - et sans doute également pour d'autres - certains vins n'étaient pas présents car l'endroit, le lieu et les gens ne reçoivent pas encore - ou plus - leurs adhésion, car il est quelque peu périlleux de se voir renvoyer dans les cordes pour une bouteille qui se déguste mal quand elle vaut entre 30 et 300 euros.CQFD. Point de Claude Dugat, de Dugat-Py, de Bachelet, de Fourrier, plus de Rousseau, Drouhin Laroze, Bouvier ou Sylvie Esmonin. Certaines marques commerciales sont devenues si grandes qu'elles négligent la base qui de toute manière ne peut les atteindre, d'autres sont négligentes ou alors "vexées" car il est évident que nos notes - Maclart, Nanson, Filduf et moi car il n'y eut que celles-ci en français et/ou en anglais - de l'année dernière ont été décortiquées avec acuité et que si elles étaient laudatives à plus de 95 %, certains avis négatifs - ou pas ! -un peu tranchés ont plus que certainement déplus.
Les réactions aux articles de l'année dernière
J'ai passé de nombreuses heures l'année dernière à fignoler mon compte rendu en essayant d'offrir aux lecteurs de mon site une vision claire des climats qui portent les crus, puis en abordant chacun de ceux dégustés avec la sincère intention de donner un point de vue argumenté. le regard ni bienveillant, ni excessivement sévère d'un vigneron qui vinifie et élève des vins et qui sait bien quelles sont les difficultés à les accoucher... Je n'ai quasiment eu aucun retour des vignerons de Gevrey-Chambertin, pas un mot, pas un mail, pas une critique C'est ainsi, les producteurs lisent, commentent et bien entendu critiquent eux aussi mais ce que vous faites est "normal", vous êtes là pour, c'est votre Job...Non!Passons.
Je tenais bien entendu à être présent à cette dégustation car Gevrey, c'est une partie de mes racines et surtout c'est un vin que j'apprécie pour sa classe naturelle, sa puissance et la formidable densité qu'il a potentiellement et qui lui confère le titre envié de plus grand vin de garde de Bourgogne. Ni plus, ni moins. Et puis Jérome Galeyrand, David Rossignol, Gérard Harmand, Philippe Charlopin Jean-Michel Guillon et tous ceux qui oeuvrent à la logistique de cette journée mérite respect et attention. Ils vous convient à taster la crème de la crème, le moins que vous puissiez faire est d'honorer l'invitation sans vous poser de question et en admettant dès le départ... que les retours seront à nouveau bien peu nombreux.Soit. Les 22.000 vues de mes articles de l'an dernier me vont très bien au fond. -))
Les vins dégustés montraient de significatives nuances de forme. Bien plus qu'en 2010 où la qualité du millésime avait un peu nivellé les valeurs et les expressions. Sans nul doute 2011 est un millésime de styliste et l'adresse des vinificateurs a opéré de significatives différences au niveau des réussites. Certains producteurs ont survolé les débats en proposant des vins de très belle facture là où d'autres se sont moins bien sortis des pièges du millésime: matière moyennement concentrée et pureté des vins parfois entachées de goûts et arômes peu nets. Je ne parlerai que de ceux que j'ai apprécié tant les autres méritent une attente supplémentaire pour s'affirmer et ou s'affiner.
Les villages:
Jerome Galeyrand a fait de beaux vins purs et fins en particulier avec son Croisettes. Comme souvent Les Etelois de Rossignol-Trapet brilllent par leur finesse là où la cuvee du cousin Jean Louis Trapet est plus ample et carrée mais avec une sacrée race. Beaux "Vieilles Vignes" de Gerard Harmand et superbe Vigne Belle de Thierry Mortet. Philippe Charlopin m'a épaté avec ses "Vieilles Vignes" très
soyeuses. Je citerai encore Damien Livera pour le "Clos Village" mais avec moins de classe et de fond qu'en 2010. Le reste allait de bon à moyen mais ne m'a pas vraiment fait vibrer. Certains boisés outranciers provenaient plus du prélèvement sur un fût neuf de l'échantillon que de la réelle harmonie finale de la cuvée, j'ai donc exclu ces vins pour moi trop "pommadés". Cela ne signifie pas qu'ils ne seront pas au niveau après mises en bouteilles. Un vin était entaché de faux goût de mauvais bois et un autre marqué fortement par la pyrazine (le fameux goût de coccinelles) comme dans certains 2004.
Les premiers crus:
Une bouteille survolait l'ensemble, le Clos Prieur de Thierry Mortet, un vin superbe est entrain de naître. Je le place au même niveau qu'un grand cru cette année. Suivirent dans des styles différents les premiers crus de Gerard Harmand-Geoffroy et Philippe Leclerc. Le premier sur un bois dominateur et une touche un rien animale, le second sur des accents volatiles mais aussi - Cazetiers surtout! - d'une formidable puissance. Philippe leclerc fait des vins qui ont de la personnalité, on aime où on aime pas, mais cela dégage! Très beau Bel Air de Charlopin et Poissenot - vif et boisé - de Humbert et Geantet ainsi qu'Estournelles de Philippe Rossignol. Accessit à la cuvée de Petite Chapelle de Rossignol-Trapet mais dans un registre un peu ferme. Les autres étaient soit trop sirupeux - pourquoi rechercher à l'excès le sucré du boisé et des maturités de chateauneuf - soit un peu maigres, soit carrement marqué par la note de pyrazine de l'année.
Les Grands Crus
D'abord je salue la sportivité des domaines qui n'ont pas eu peur de présenter leurs grands crus dans cette confrontation. J'étends même mes louanges à ceux qui l'avaient fait l'année dernière et qui ont été un peu "distraits" cette année car sinon je ne comprendrais pas le sens de leur raisonnement. Gageons que l'année prochaine ils seront à nouveau de retour car les vins de Rousseau et Gelin ont manqué. Par ailleurs POURQUOI le négoce ne vient-il pas ici se faire tirer le portrait? Ils ont de beaux vins, la Vente des Vins est aussi - et même surtout - LEUR domaine, LEUR pré-carré à bien des égards. Il faut les encourager à pointer le bout de leur nez à l'hotel de la Poste. Qui ne souhaite avoir ici La Chapelle de Jadot, Le Clos de Bèze de Faiveley, le Chambertin de Bouchard, Latour et Bichot ou la Griotte de Drouhin? Ces toujours excellents vins y seraient en très bonnes compagnies. A bon entendeur(s)...
La dégustation a prouvé une fois de plus que le Chambertin est le plus grand cru de la commune, sans l'ombre d'une contestation tant en 2011 - année pas simple sur le plan végétatif il faut quand même le dire - il a dominé ses pairs. Ceux présentés étaient éblouissants quoi que de styles différents: La race tellurique de Damoy - superbes 2011 après des 2010 qui ne m'avaient pas complètement convaincus à l'époque - et la classe naturelle des Rossignol-Trapet et Trapet qui ont produit des quilles d'anthologie.
Parmi les "grands crus B" les Mazis Chambertin semblent avoir été privillégiés cette année car trois sur quatre étaient dignes de leur grand terroir: Harmand-Geoffroy, Naddef, Guillon ont su dynamiser des fruits d'honnête qualité n'ayant pas l'équilibre de ceux d'une année idéale. Chapeau. Je retiens ensuite un élégant Mazoyères de Taupenot-Merme, une Chapelle en dentelles de Cécile Tremblay, une autre plus brutale et sèche de Livera. Les Charmes ne m'ont guère impressionné, un accessit toutefois à celui de Geantet.
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