Hervé Murat: Le surdoué de la Côte de Nuits

Publié le par Patrick Essa

  L'itinéraire d'Hervé Murat n'est pas banal car si sa vocation de vigneron lui est venue par l'intermédiaire de sa famille, son maigre patrimoine initial - partagé avec son frère - ne lui a pas rendu la partie facile pour s'imposer comme viticulteur. Ainsi a t'il créé son petit domaine à la force du poignet en le bichonnant soir et week end, après son travail de tractoriste dans un grand domaine d'Aloxe Corton.

  Ce garçon calme et humble est un travailleur opiniatre, lucide et extrêmement précis. Il suffit de voir le rangement impeccable de ses chais exigus, leur propreté et cette petite touche de "je ne sais quoi" qui fait que l'on arrive à trouver les lieux émouvants et même beau. J'aime quand les choses sont ordonnées pour l'oeil et que celui-ci soit en quelque sorte séduit par l'emprunte première qu'il découvre. J'aime que la personne qui me précède ait envie de me montrer simplement son milieu comme il l'envisage, comme il le vit car je crois à l'élégance des choses, des gestes et des paroles dites ou sugérées.

  Hervé fut il y a près de 15 ans mon élève et son caractère, déjà, était celui du garçon qui savait ce qu'il voulait! Dynamique et direct, il a su se forger depuis le caractère d'un adulte intransigeant et d'un vigneron ayant tous ses sens en éveil. Il n'a pas eu le choix...et c'est sans doute ce qui fait aujourd'hui la différence. Point de corbeil de Musigny, de Romanée ou de Chambertin pour l'aider à mettre le pied à l'étrier, non, juste des rangs de vignes dans les hauteurs, plantées en des secteurs minorés, mais non "mineurs". Et puis, petite griotte sur le gâteau, un "joli bout" de Beaune Tuvilains, juste pour lui mettre "la gagne" en tête et pour l'aider à imaginer les achats qu'il allait pouvoir bientôt s'offrir...

  Je l'ai découvert professionnellement à la fin de 2007 au sortir des vendanges, dans cette période de doute où la gestation du "nouveau" fait suite à la mise de "l'ancien". Il était harrassé mais heureux, car les vins qu'il tenait avaient une allure folle. J'avais alors relaté ma rencontre lucidement mais sans véritablement lui donner la lumière... qu'il méritait déjà sans doute. Il faut du temps pour me convaincre.

   Mais aujourd'hui comme pour Jean-Marie Chaland à Viré Clessé - son alter ego du mâconnais - je sais que le vigneron dispose de son art avec assez de rigueur pour ne pas s'enflammer et qu'il est parti pour en séduire bien d'autres que moi par son adresse superlative de vinificateur et son sens aiguisé de l'interprétation du millésime. Je n'explique pas autrement la sensation de plénitude que j'ai eue en tastant ses 2009 et 2010. Ce sont les vins d'un vigneron intègre et droit qui ont dans leur coeur assez de magie pour être ceux d'un vrai artiste. Ne les laissez surtout pas passer, ces moments là sont si rares:

Le millésime 2009

Le Bourgogne Hautes-Côtes de Nuits Blanc 2009: 23 ares de pinots blancs ont donné pour la première fois en 2009, 1800 bouteilles de cette cuvée fraîche et gourmande qui plaque à la nature de l'année par ses accents souples et sa très belle texture. J'aime la couleur jaune à reflets verts, le nez floral et la bouche visqueuse à matière ample. Un vin équilibré et long. Bien ++

Le Bourgogne Hautes-Côtes de Nuits Rouge « Les Herbues »: Une vigne basse - cas assez rare en Hautes Côtes de Nuits - mesurant 1.52 ha et qui est sise sur les communes de Concoeur et Vilars Fontaine. Son profil est d'emblée séduisant par sa sombre couleur et ses reflets rubis profonds. Les senteurs s'emballent au nez sur des accents de mûre, de fine torréfaction et de griotte sauvage et introduisant une bouche svelte et racée qui évoque les "Vosne" juste au dessous. Quel vin mes amis! Tant par sa richesse que par son accessibilité il revêt la tenue d'un village bien né et sa longueur savoureuse en offre plus encore. Un très grand Hautes Côtes! Excellent.


 Le Bourgognes Hautes-Côtes de Nuits Rouge « Le Clos Duc »: Une vieille vigne d'un demi hectare exposée sud donne ici l'expression des Hautes Côtes de Nuits la plus parfaite que je connaisse. Couleur sombre, tension interne remarquable, tanins abondants et très fins et cette touche inimitable qui signe les beaux terroirs et qui s'exprime sur une petite salinité de façade et une granularité de matière qui happe le palais longuement. Je ne saurais trop vous recommander cette petite perle! Excellent.
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Morey-Saint-Denis « Le Village »: Trois pièces achetées en raisin et provenant d'une parcelle "village" située au coeur de Morey. La robe profonde se pare de reflets pourpres alors que le nez assez discret de prime abord évolue vers des notes épicées très racées à l'aération puis "bifurque" ensuite sur des effluves d'orange sanguine très insinuantes. La matière est concentrée, le grain très fin et l'élevage partiel en bois neuf parfaitement intégré. Un village encore une fois splendide. Très bien +.

Morey-Saint-Denis Premier Cru « Les Charrières »: Situé dans une zone en faible déclivité, solaire et placée juste sous le glorieux Clos de la Roche entre le Clos des Ormes et les Faconnières. Les vins qui en sont issus offrent toujours des sensations mûres à délicatesse affirmée. C'est encore le cas ici avec ce vin qui exprime avec douceur des arômes de fruits  noirs finement confits sur un grain tannique soyeux. La robe rubis moyen se met au diapason de cette expression "côtière" délicate qui n'en possède pas moins une finale aérienne et rémanente.  Très bien +

Chambolle-Musigny « Les Echézeaux »: Un joli village exposé au levant qui repose sur une couche argilo-calcaire de premier choix et qui donne ici un vin très fin, ample et soyeux. J'avoue que ce style de dentelle m'évoque nettement par son croquant sus jacent la "patte" des vins de la maison Groffier. Nicolas et Hervé jouent dans ce registre nerveux, svelte et raffiné qui sied si bien à ces vins de Côte de Nuits. Sans cette tension centrale, ils n'auraient pas cet éclat. Celui là brille comme le rubis de son étiquette! Excellent +.

Nuits-Saint-Georges « La Petite Charmotte »: J'avais un peu peur derrière le précédent, tant sa forme était idéale. Mais encore une fois ce vin de niveau village m'a impressionné. Plus dense, plus carré et plus concentré encore, il est absolument étonnant de sève et de classe. Situé en pied de coteau sur des terres pierreuses il y puise une vraie nature minérale en même temps que des arômes un peu sauvages qui se combinent au bâton de réglisse et à la prune. Grain fin, boisé cacaoté discret. Le choc. Un village Hors Classe. Je crois que c'est la première fois que cela m'arrive!

Beaune Premier Cru « Les Tuvilains »: C'est une belle parcelle de près de 60 ares, située en pied de coteau dans un secteur solaire et argileux, elle donne toujours des crus francs et bouquetés qui exhalte la variétalité du pinot noir en même temps que ce caractère Beaune si séducteur et gourmand. Robe sombre, nez de pivoine et de cerise griotte, tension affirmée pour un vin encore un peu massif qu'il va falloir attendre quelques années mais qui a le potentiel pour largement s'affiner. Très bien +

Publié dans Côte de Nuits

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A
<br /> Pouvez vous clarifier/préciser les millésimes des différents vins dégustés SVP. Merci!<br />
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F
<br /> <br /> Blog(fermaton.over-blog.com)conscience humaine.No-25, THÉORÈME DE CHOPIN.- NOUS SUR-DOUÉ ?<br /> <br /> <br /> <br />
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