Le millésime 2009 en Bourgogne : Une grande année!
Un des syndromes les plus typiquement français consiste à faire la fine bouche en minaudant devant ce qui est incontestablement réussi. Une suspicion latente qui ne manque ainsi jamais de naître lorsque l'on a peu à dire sur les manques d'une année d'équilibre et lorsque l'on ne sait au fond comment trouver un angle pour développer une critique constructive. Ainsi je lis sous la plume d'un caviste breton prétentieux et inconséquent une somme considérable de contre-vérité sur le millésime 2009. Celui-ci selon ses dires serait objectivement assez médiocre et ne porterait pas en lui les qualités que requière une grande année. Trois dizaines de flacons dégustés et une opprobre jetée sur l'ensemble de la production d'une région! Sans analyse, sans recul, sans fondement... Je ne peux et ne veux laisser passer autant de contre-vérités platement énoncées. Il y en assez de l'incompétence crasse que certains internautes se font une spécialité de colporter doctement, comme s'ils savaient de manière omnisciente, comme s'ils étaient les messies qu'il faut suivre aveuglément.
Depuis sa naissance le millésime a évolué, depuis sa mise sous verre surtout car il a su au cours de son élevage dépasser le cadre d'analyse qui lui collait aux basques depuis les premiers pressurages et décuvages. Non 2009 n'est pas un millésime lourd et mou, non il ne manque pas de fraîcheur et enfin non il n'est pas dilué, mince et manquant de race. Au contraîre, face à ses pairs de 2008 et 2010 qui sont marqués par une plus grande tension acide, il joue le registre de la classe et de l'élégance et demande une vraie capacité à détecter le substrat des crus qu'il porte de manière si subtile en lui. Les 2009 réussis sont des vins de légende qui claqueront le bec des plus impatients "dégustateurs-frimeurs-poseurs" dans une belle dizaine d'année...lorsqu'ils auront appris à ne plus être ébloui par ce qui brille fort en jeunesse: acidité tranchante et tanins grossiers en particulier.
En attendant voici les "constats" que j'ai effectué au fil du temps lors de cette campagne de récolte, puis d'élevage et enfin de dégustation. Vous y lirez des doutes, des questionnements et surtout bien peu de certitudes. Sans doute par ailleurs est-ce ce ton là qu'il convient de conserver lorsque l'on s'emporte à lire des âneries...mais je suis ainsi, la bêtise et l'erreur m'insupportent! Vous retrouverez cependant dans mon dernier paragraphe des éléments synthétiques plus sereins.-))
écrit le 9/07/2009:
Pour être pragmatique il y a des éléments observables qui sont incontournables :
- le cycle végétatif est en avance et nous vendangerons sans doute début Septembre, ce qui est un bon signe en général.
- Les charges sont confortables, les vignobles n'ont pas souffert de la gelée.
- Le secteur Gevrey-Morey a été grêlé au mois de Mai , pas d'incidence sur la qualité de la récolte, mais en revanche baisse des rendements à peu près certaine.
- L'alternance pluie-soleil qui existe depuis deux mois favorise la pousse de la vigne et des fruits, il ne faudrait pas trop d'eau à partir du 15 Juillet pour lne pas faitre "gonfler" excessivement les grappes".
- Quelques attaques de vers de la grappe ont diminué certaines récoltes.
- Le moral est plutôt "bon"...
Ecrit le 7/09 /2009:
Les pluies sont passées et il fait beau depuis Samedi dans la Côte. Les raisins ont été marqués par les précipitations et se sont gorgés d'un peu d'eau. Nous estimons qu'avec l'épaisseur très satisfaisante des peaux cela ne peut qu'améliorer la qualité si le beau temps se maintien. En effet après une petite perte en alcool les raisins - qui commencent à dorer et parfaitement sains - ont entamé un cycle de reconcentration en sucre, mais également en acididité, ce qui nous conforte dans notre option de couper relativement tard : les rouges le 12/09 et les blancs le 15/09 mais certaines parcelles de village pas avant le 18/09 pour profiter pleinement du bel été indien qui s'annonce. L'objectif est toujours de ne rien corriger en sucre ou en acidité, sans enzymer et sans levurer.
Alors il est certain que nous serons perdant si le temps change et qu'il pleut, mais si cela se maintien...on évoque chez nous les glorieux blancs 79.
Ecrit le 19/09/2009:
Nous avons coupé sans pluie ou presque (deux heures de "crachin" sur la durée des vendanges! ) et nous sommes content d'avoir retardé au maximum la coupe de nos crus car les degrés ont augmenté et les acidités se sont concentrées après le 7/09. En démarrant les rouges le 12/09 et les blancs le 14/09 il est clair que nous sommes fidèle à notre logique du raisin à "pleine maturité sans sur-maturité".
Il y a des raisons objectives d'être optimiste car la vendange était mûr et saine. Pas un Meursault en dessous de 13°1 naturel, sans dépasser les 13°6, des ph qui avoisinent 3.30, des acidités totales aux abords de 4.70 avec des niveaux maliques faibles ( moins 2.0) ce qui signifie - semble t'il - que nous avons coupé mûr car les tartriques sont supérieurs à 4.0. L'aligoté cueilli à 12°5, 4.8 d'acidité totale et 3.25 de ph... Mais celà n'est pas tout il faudra voir comment les vins se comportent en fûts, pendant les fermentations que j'espère peu tumultueuses.Nous y veillerons.
Aujourd'hui nous avons terminé de couper et entonnés à froid tous nos crus blancs après les avoir décanter 24/48 heures de manière statique et solutionné à 30 cl de SO2 par pièce. Les rouges cuvent et si Santenots et Bourgogne fermentent , le Pommard est encore en phase pré-FA pour 4 jours. Nous avons sulfité à 1,8 litres par tonne - ce qui est assez élevé mais je sentais l'année comme celà- les couleurs sont très sombres et comme les degrés sont optimaux ( 13°1 le Volnay, 13° le Bourgogne, et 12°8 le Pommard) nous devrions avoir de beaux équilibres car les tanins sont déjà très fins et croquants. Il reste toutefois à fixer les couleurs, à éviter la réduction avant de les descendre en fûts en les décantant assez "mais pas trop"...bref rien n'est encore fait complètement.
J'écris celà d'une manière que j'espère "la plus neutre" possible, mais il est vrai qu'au fond de moi je pense à blanc 1979 et rouge 1990...donc j'imagine un grand truc. Mais prudence!
Alors aujourd'hui?
2009 est un millésime de séduction, facile, aimable, avenant... Une force sans aucun doute mais parfois une faiblesse si j'en juge les commentaires sévères qui fleurissent de ci de là. L'acidité modérée du millésime lui jetterais un certain discrédit car nombreux sont ceux qui pensent qu'il ne tiendra pas véritablement sur la durée. Je m'en tiendrai à un jugement plus mesuré qui dépend largement des cépages considérés.
Les crus de pinot noir ont un fond, une suavité et une race qui positionne le millésime à l'égal des grandes années que sont 1999 ou 1978. Des vins parfumés, suaves qui possèdent souvent des tanins abondants et très fins et qui se signalent par une extrême acccessibilité. Les meilleurs ont également une énergie imposante et une rare intensité aromatique car ils ont été coupés sur la base de rendements modérés. Ceux-là feront de très grandes bouteilles. Attention toutefois car des crus trop mûrs existent. Ils sont minoritaires mais les rendements naturels confortables de l'année les ont pénalisé. Ils ne sont pas mauvais, mais devront être bu assez vite, dans les 10 premières années de leur vie.
Les crus de chardonnay ont un peu le même profil avec encore plus de disparité. les meilleurs sont proprement extraordinaires de précision, de fruit et d'équilibre, alors que les moins aboutis manquent de pureté, de sensation acide et sont un peu trop enrobés pour être véritablement intéressants. Mais que l'on se rassure le niveau moyen de l'année dépasse assez nettement celui de 2006, 2007 et 2008 et certains secteurs privillégiés ont même donné les plus grands vins de Bourgogne blanc depuis 1979 et 1964. En particulier à Puligny et Saint Aubin mais aussi dans les coteaux de Chassagne et Meursault.
Lire ci dessous les comptes rendus de dégustation liés au millésime:
+ Dégustations de 2009: