Le millésime 2013 en Côte d'Or
Nous sommes le 14 Décembre 2013 soit environ 8 semaines après le début des vendanges qui ont commencé il y a 8 semaines. Les blancs et rouges ont quasiment tous achevé de dégrader leurs sucres et s'il subsiste quelques chardonnays qui bouillonnent doucement, le plus gros du "travail" de la première fermentation est achevé. Dans ces conditions les vins s'éclaircissent et commencent à revêtir leur couleur finale. Cette année les robes rouges sont assez profondes et intensément rubis alors que les blancs sont très clairs avec des reflets verts marqués. Année tardive et froide, 2013,tout comme 2008, 2010 et 2012 à été véritablement bénéficiaire d'une fin de cycle végétatif clémente après des débuts catastrophiques qui ont fait penser au pire. Nous n'étions pas fiers au mois de Mai!
La grêle a encore une fois marqué la Côte de Beaune des rouges et sa précocité a surtout fait perdre la moitié des raisins en moyenne SANS impacter la qualité des baies restantes qui étaient aérées et saines après un tri attentif. La Côte de Nuits n'a elle pas souffert de la grêle et ses charges potentielles étaient naturellement mesurées en raison du filage et de la coulure des grappes car la floraison, très étalée, ne s'est pas toujours parfaitement déroulée mi-juin. Côte Châlonnaise, Chablisien, Mâconnais et Nuiton furent donc plus épargnés par les intempéries mais comme le beaunois leur cycle végétatif fut des plus aléatoires et au final tardif.
On sait toutefois, grâce aux enseignements du passé que la Bourgogne aime ces millésimes en retard et que c'est alors que ses climats arrivent à prendre le dessus pour encore mieux affirmer leur nature profonde. Une vigne qui souffre et produit peu livre très souvent des fruits plein d'énergie qui savent à merveille dynamiser les papilles. Que l'on se souvienne des 66, 78 ou encore 1985. Tous nés et vendangés par des temps froids et pluvieux et qui sont aujourd'hui si fringants encore dans les verres. On retiendra aussi que les fruits 2013 étaient sains et que les pinots étaient même vraiment superbes. Je vous demande donc de reconsidérer les positions selon lesquelles ce millésime serait mal né. Rien ne me paraît plus faux car le vin se vinifie avec les fruits, pas avec le climat qui les génère de manière plus ou moins chaotique. Dans ces conditions comment sont ils en ce moment dans les fûts? Eh bien je vous prie de me croire ils suivent une voie qui fera d'eux de bons exemples de nos terroirs sans avoir la moindre honte si on les compare avec les trois millésimes qui les précèdent:
Bourgogne Aligoté: curieusement c'est une appellation qui a souffert car les fruits ont mal passé la fleur fort souvent. En particulier à Bouzeron. Il en résulte une production globale confidentielle faites de fruits joliment mûrs, équilibrés et concentrés. Le peu qu'il y a sera excellent. Misez sur ces vins à petits prix.
Bourgogne issus du Chardonnay: villages et génériques ont près peu souffert de la grêle et fort peu du botrytis qui n'est apparu véritablement en Côte d'Or qu'après la pluie du 4 Octobre. Les acidités sont fortes, les Ph bas et les degrés compris entre 11.2 et 13.2 degrés. Les vins auront un cœur tartrique puissant ainsi qu'un fruité frais sur les agrumes sans aucun doute marqués. Coupés plus tard en Octobre ils pourraient tutoyer les 2010 en étant plus fins et sans doute moins opulents car moins marqués par le botrytis. Je préfre! Grands vins à attendre du côté de Rully et Chassagne et sans doute aussi un peu plus au sud dans le Mâconnais. Les crus situés sur les coteaux (premiers et grands) sont moins bien lotis sur le plan des quantités car entre coulure et millerandage, ils ont un profil très denses qui est souligné par de fortes acidités en même temps que par une maturité fraîche qui évoque la tension des 85 et 90. Ils pourront être d'une rare plénitude si les FML se passent sans heurt et sans trop traîner sur la durée. Pour l'instant ce sont sans doute les énigmes à suivre de 2013 mais j'ai confiance car ils sont plus purs et moins marqués par les amers que le millésime précédent.
Bourgogne issus du Pinot Noir: entre un "catastrophisme" annoncé par des esprits chagrins ne se fiant qu'au dates et climats et euphories de ceux qui ne jurent que par les rendements et les degrés, le cépage noirien survit... Plutôt bien. Le Nuiton suit une voie peu productive et qualitative depuis 2010 et enchaîne donc un quatrième millésime "très bon sans être grand" et en hausse constante. Le Beaunois est également régulier mais passe des rendements mesurés à la quasi et systématique pénurie de raisins. Pour autant les vins seront comme en 2012 de fort bonne qualité . Certes comme pour les chardonnays construits sur des équilibres acides présents mais surtout sur des matières saines et concentrées et cela annonce des vins très parfumés, gourmands et racés. Les tendances réductives des vins qui partent en FML (fermentation Malo lactique) seront toutefois à surveiller mais elles ne me paraissent pas devoir gâter le fruité sain initial. Voilà des crus qui de plus en plus lorgne vers le couple 79 et 78 avec une tendance encore plus nette pour le second.
Bien entendu je me fie aux observations faîtes en mon domaine - Buisson-Charles - et ces conclusions n'engagent que mes modestes déductions. Cependant loin de me laisser aller à un discours de circonstance visant à "vanter" les mérites du millésime coûte que coûte, j'observe avec toute l'objectivité de celui qui "vit" ses cuvées au quotidien en me centrant sur ce qui se passe effectivement dans les caves et cuveries. Chacun est par ailleur ici même LIBRE de venir compléter et/ou corriger ces écrits...