Verticale 2011-1991 de la cuvée « Cistus »
Verticale 2011-1991 de la cuvée « Cistus »
Je n’ai pas forcément le temps en ce moment et encore moins l’envie mais difficile pour moi de ne pas témoigner d’une verticale à laquelle j’ai participé la semaine dernière.
On peut résumer la situation de la façon suivante. Le concours de circonstance a fait que j’ai pu participer à la verticale d’un vin que je croyais connaître alors que je me « fiais » à une expérience de 6 millésimes bus dont pour le 2001 plus de 6 fois. Il se trouve que j’ai bu ces vins bien trop jeunes et que le 2001, millésime considéré comme « le » millésime en Languedoc n’a pas été réussi au domaine. Pire c’est souvent sur les millésimes moyens que le domaine fait plus que tirer son épingle du jeu pour produire des cuvées parfois exceptionnelles comme ce 2002 qui fait partie du trio de ce que j’ai dégusté de mieux à ce jour en Languedoc. Voilà pour le contexte…
« Cistus » est une cuvée produite en AOC Faugères par la famille Vidal-Dumoulin. Le château La Liquière est un domaine historique de l’appellation avec 60 hectares, pour 70 parcelles et 50 cuves au final.
C’est un domaine moins médiatique que d’autres, communiquant moins sur les modes de cultures et la vinification sans souffre (domaine en Bio et doses de souffre très mesurées) mais dont les vins parlent le terroir de schiste dans la durée comme peu sont capables de le faire dans le Languedoc. Cistus a une grosse base de syrah (70%) complétée par 15% de grenache, 10% de mourvèdre et 5% de carignan pour 25000 bouteilles sur 7 hectares. J’aurai l’occasion de revenir sur ces parcelles après un « voyage » in situ au printemps 2014 (Grand Pierre l’invitation est lancée, après les vignes, le repas chez olivier Bontemps avec les vins de François Vidal).
A j’oubliais, le 2011 en vente et à moins de 15€ départ cave, pour ceux qui ont la « malchance » d’avoir des enfants nés en 2011 et 2012, la bonne nouvelle est que vous pourrez pour moins de 30 € avoir un magnum pour les15 ans, 18 ans et même plus de votre enfant… 2012 est très réussit au domaine…
Mes impressions
2011 : un vin encore jeune, le plus en volume de la verticale, un peu marqué par son élevage. Un vin qui a beaucoup plus même si pour moi c’est bien trop jeune. Fraicheur et beau jus, la droiture et finesse leitmotive de cette cuvée sont dans les langes.
2010 : très beaux tanins, très droit, très syrah, peu intense au nez me semble s’être refermé comme pas mal de 2010.
2009 : Plus en rondeur et souplesse que le précédent, sensation de fraicheur qui surprend à la lecture du millésime. Dans le top 10 de ce que j’ai gouté sur le millésime pour l’instant.
2008 : Un peu plus de fond en attaque moins rond, fruit rouge et poivre belle finale qui se rehausse sur une acidité bienveillante. Dans le top 10 de ce que j’ai gouté sur le millésime pour l’instant.
2007 : le même que le 2009 avec plus de fond plus de rondeur une finale plus en place. Autant les deux précédents m’enthousiasment, autant celui-ci me laisse sur ma faim comme beaucoup de 2007 dont j’attends trop et qui n’est pas le millésime annoncé (certains l’ont comparé à 2001 à sa naissance). A regoûter à 10 ans d’âge…
2006 : très belle attaque de bouche profonde et finesse, finale pierreuse schisteuse qui n’a pas fini de se mettre en place. Me plait beaucoup et dans le top 10 de ce que j’ai gouté sur le millésime pour l’instant.
2005 : le plus puissant de la verticale avec une finale qui demande encore un peu de temps. 2005 est le millésime le plus languedocien, un millésime qui me plait « toujours » pas en général, encore pas tout à fait en place dans beaucoup de domaine. C’est le cas ici, à regouter dans 3-5 ans.
2004 : finesse +++ note d’orange avec une finale acidulée aérienne. Pourrait paraître manquer de fond pour le palais languedocien moyen, plaira à ceux qui aiment les Chambolles. Très beau vin de terroir de schistes sur un millésime où il ne fallait pas aller chercher plus (pas de notes compotées et pas de notes végétales). Dans le top 10 de ce que j’ai gouté sur le millésime pour l’instant.
2003 : belle attaque avec du fruit et fraicheur qui surprend pour le millésime, finale pas au niveau parait sur la phase descendante comme les 2003 sur schistes récemment goutés (cuvée olivier de T Navarre et Terrasses Grillées de Guy Moulinier).
2002 : remarquable, peut-être le vin le plus abouti et harmonieux de la verticale, du fond de la fraicheur, une belle complexité aromatique avec grande longue en bouche. Hors classe, la bouteille d’aveugle dans une horizontale 2002 en vallée du Rhône. Dans mon top 3 personnel Languedoc.
2001 : belle attaque mais un peu court, passe après le 2002 remarquable. Je n’ai jamais été fan de ce millésime au domaine, à l’origine d’ailleurs de mon erreur de ne pas avoir plus suivi cette cuvée.
2000 : superbe nez le plus complexe et très François Frère mais finale avec sécheresse (bois ?). J’ai mieux gouté le vin en finale.
1999 : ressemble au 2002 mais avec un peu moins de tout, parait plus jeune par contre que le 2000. Semble vieillir nettement moins vite que d’autres argilocalcaires dégustés récemment et qui me semblaient eux franchement sur la pente descendante. Dans le top 10 de ce que j’ai gouté sur le millésime pour l’instant. Cela faisait d’ailleurs une paire d’année que je n’avais pas bu un 1999 de ce rang en Languedoc.
1998 : fait son âge, pas solaire, finesse, un peu plus concentré que le 2004. Paradoxalement, après un 99 qui m’épate, un millésime dont j’attendais plus alors qu’il est simplement « réussit »
1997 : nez de pinot que je m’explique pas, très fin pour amateur de bourgogne. Pointe d’oxydation, dommage.
1996 : même chose que 97 mais nez plus jeune bouche sans oxydation très fin plus de fond. A rajouter à la série 2002/1999 pour faire un trio de vins REMARQUABLES sur des millésimes loin de l’être.
1995 : on est sur un registre d’épices, agrumes, me fait penser à un pommard Charmot avec cette finesse qui ne se fait pas au dépend d’une certaine concentration. Moins solaire que 98, bref, dans le top 10 de ce que j’ai gouté dans le millésime.
1994 : Plus de fond, très saint-julien dans son équilibre avec rondeur fraicheur et une certaine concentration. Beaucoup d’équilibre et d’harmonie dans ce vin, moins concentré que les vins produits par exemple par Olivier Jullien, Marlène Soria, Didier Barral ou Guy Moulinier sur ce millésime mais quelle harmonie !!!! Grand vin et se partage le podium avec le 2002.
1991 :ressemble au 1994 avec un peu moins de tout mais l’aération semble lui rendre une certaine puissance. Un vin qui cause un peu moins que le Cistes de Peyre-Rose 91 bu en Magnum à la Paulée l’an dernier mais un vin avec plus de finesse aussi et des notes aromatiques moins solaires.
Conclusion
Je manque de recul pour faire le portrait-robot d’un « Cistus ». Sur ce que j’ai dégusté ce soir-là, je retiendrai cette capacité de garde assez phénoménale sur des millésimes plus que moyens, un nez rarement explosif, plutôt sur un versant bouqueté avec des fruits noirs, écorce d’orange avec le temps, parfois alors très floral, et presque toujours des notes épicées. La bouche est droite, sous-tendue par l’acidité et l’équilibre des schistes, la finale demande un peu de temps pour se mettre en place. L’équilibre nord-rhodanien est constant ou presque, seuls 98 et à un degré moindre 95 serait à placer en Languedoc.
Une verticale sur 20 ans d’une cuvée produite en Languedoc vendue moins de 15 euros. Que d’images d’Epinal balayées d’un revers de verre et de clavier. D’ailleurs en écrivant ces lignes je me pose une question à la fois simple et « terrible» : combien de domaine en France seraient capables de sortir une verticale de cette qualité sur les années 2011-1991 en rouge… Il y a 300 ans, des vignerons de la famille Vidal cultivaient déjà la vigne sur les hauteurs de Cabrerolles. Un terroir de tradition, historiquement « protestant » et cela explique beaucoup de choses finalement…
Dany Jaffuel