La Tâche - Grand cru de Vosne Romanée
Le domaine de La Romanée Conti est un mythe qui fonde la qualité des vins ultimes, un nom qui fait rêver la planète vin, devant même Yquem, Ausone ou Pétrus. Il produit des vins chers, contingentés et inaccessibles à la plupart des acheteurs car tout ce qu'il distribue est immédiatement considéré comme valeur étalon et la demande dépasse plusieurs dizaines de fois l'offre qu'il met en vente.
Son offre?
Schématiquement 25 hectares produisant entre 80 et 130.000 bouteilles dont les prix à la propriété oscillent entre 350 et 1300 euros si l'on a la chance d'être admis comme allocataire et que l'on accepte de panacher sa commande avec mesure...
La Bourgogne a ainsi sa vitrine très haut de gamme et respecte avec ferveur sa prééminence depuis plus de deux siècles.
Aujourd'hui toutefois les "amis" de Bordeaux sont parvenus à vendre des productions de plus de cent hectares plus chères que cette Romanée Conti. Ainsi ces dernières années tous les premiers crus classés et assimilés partent des chais avec entre 20 et 30% de plus-values sur la Romanée Conti qui est produite sur moins de deux hectares. Celle-ci reste toutefois la première sur le marché de la revente et de loin...et son nom ne semble pas le moins du monde souffrir de cette concurrence de l'instant.
Le Domaine serait-il au dessus des règles définies par le marché? Sans doute. Une visite à Vosne dans les chais qui jouxtent la Saint Vivant suffit à convaincre le visiteur qu'il entre en en terre de tradition, où les excès et le superflu n'ont pas le moindre droit de cité. Permanence du style et de forme qui n'exclut pas les progrès et les évolutions ancrant également les lieux dans le présent...Les ordinateurs ne sont jamais loin de la pierre mais se fondent dans une sorte de douceur de vivre séculaire.
La Tâche est le second plus grand vin de Bourgogne après la Conti, si l'on se fie à sa réputation locale. Devant Musigny, Chambertin, Tart et Richebourg elle donne souvent tout le meilleur Bourgogne possible avec une originalité aromatique que je n'hésiterais pas à placer en tête de tous les vins de la planète, à l'égale de la merveilleuse Landonne de Guigal. Pourtant c'est un climat qui a changé. Intégrant il y a près de cent ans à sa forme originelle - qui ne mesurait qu'un peu plus d'un hectare - la quasi totalité du climat des Gaudichots. Cette terre argileuse de fin de coteau, presque plane est donc devenue plus caillouteuse, pentue et sans doute marquée par une nervosité un peu plus fraîche à cette époque. Un choix qui certes entérinait des usages vieux de plusieurs décennies mais qui toutefois à considérablement changé la figure de ce Climat hors norme. Au pays de la permanence climatique on a parfois eu la main leste pour définir de nouveaux découpage et "maximiser" le nom magique d'une étroit ruban de terre.
Désormais - depuis l'entre deux guerres en fait - le grand cru mesure près de 7 hectares et donne entre 15.00 et 20.000 bouteilles par an. Plus grand que Lafleur à Pomerol, aussi large que le Clos de Tart et le Clos Saint Denis et près de dix fois la petite Romanée de Liger-Belair qui avait la même taille que lui historiquement.
Ce n'est plus à proprement parler un vin rare, mais en revanche il est très "recherché". Une nuance qui plaide nettement en sa faveur...
Les terres sombres de ce cru ferrigineux donnent un vin qui repositionne la nature variétale du pinot noir très en retrait.
Lorsqu'on le déguste à l'aveugle en compagnie des autres crus du domaine dans le même millésime, il se montre moins proche qu'eux de ces notes de griottes amères mêlées à la caroube qui signent la plupart du temps les vins jeunes du domaine. Ce profil d'élevage un peu saillant qui évoque le bâton de réglisse sur un boisé de haute qualité un peu torréfié, en même temps que les senteurs poivrées des vins issus de vendanges entières partielles s'estompe au bénéfice d'accents plus subtils, finement fumés et épicés. La couleur est toujours rubis, profonde et semble figée dans le temps. Les tanins procurent une dimension tactile quelque peu rugueuse et ferme en jeunesse. En bouche la ligne épicée, finement mentholée et marquées par les fruits noirs mûrs et une trace verte ligneuse se montre parfois d'une complexité fougueuse unique. J'en ai - trop peu - dégusté - enfin plutôt bu! -mais sur des millésimes qui couvrent plus de 60 ans et de qualités variables. Sa permanence dans le temps est assez étonnante.
Je lui préfère souvent à titre personnel le Richebourg pour une brutalité sauvage encore plus marquée mais ce vin là est incontestablement hors norme.