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Nuits Saint Georges: La Côte des Boudots

Publié le par Patrick Essa

La Côte des Boudots fait partie intégrante d'un ensemble qui se poursuit jusqu'aux grands crus de Vosne Romanée...

Patrick Essa

La Côte des Boudots a Nuits Saint Georges

Ecrit par Patrick Essa - Vigneron au domaine Buisson-Charles - 2018


Quand Stendhal visita la Côte, il l'a trouva "bien laide", marquée par une faible pente et coiffée d'une végétation rase et chétive lui inspirant une étrange sévérité si l'on en juge ses habituelles descriptions raffinées. A t'il été déçu par les vins qu'il a eu alors l'occasion de partager en compagnie de quelques producteurs influents ou ne s'est il simplement pas promené sur les coteaux lorsque la vigne la pare de ses feuilles finement découpées? Nul ne le sait, car parfois une sensation vous imprègne sans complètement être objective. Pourtant au cœur de l'Eté ces pentes mêlant sols noirs et fruits rouges auraient dû éclairer son regard sur Nuits...
....de la sortie de la vallée du Meuzin au chemin de Concoeur la Côte s'étend entre Thorey et Brûlées et forme un ruban uniforme qui englobe deux parties équilibrées que se partagent la cité nuitonne et le bourg vosnier. Au Nord les plus grands vins de Bourgogne qui agitent toute la "planète pinot", au Sud de beaux crus méconnus - enfin presque - qui font l'admiration des connaisseurs avertis, peu enclins à verser dans la démesure tarifaire. Vosne l'aristocrate est pourtant si proche de Nuits la besogneuse...

 

Les premiers crus de la Côte Saint Georges


... Boudots est à un jet de pierre de la Tâche et les Malconsorts le touche. Serait-ce judicieux alors de considérer qu'une frontière villageoise ne résiste en rien à la logique qui régit le fonctionnement d'un terroir? Ici, assurément oui! La Côte Sud de Nuits Saint Georges possède le caractère altier de sa voisine, son inclinaison en pentes douces à fortes et cette capacité à capter les rayons de lumière du levant dès les premières heures de la journée.

Alors pourquoi point de Richebourg et de Romanée sur cette portion de terre loin d'être congrue?

Répondre à cette question c'est un peu expliquer le fonctionnement des hiérarchies qui régissent la Bourgogne. Nuits est comme Beaune, peuplée et marchande, négociante et soucieuse d'approvisionnements réguliers de haute qualité. Sa voie n'est pas dans la mise en lumière ultime de ses climats, elle mise sur le volume plus que sur la rareté et sur le nom de son village avant celui de ses parcelles. Nuits vit dans une ombre recherchée pour mieux gouverner "sa" Côte, Comme Beaune ordonne son Beaunoy et Meursault dynamise la blanche Côte.

Pourtant ce coteau est large et si les climats du Sud sont sous l'influence légère des vents de combe venant de la vallée ou coule le Meuzin, la quasi intégralité de ses crus est protégée des intempéries par ce coteau pelé qui culmine à un peu plus de 400 mètres d'altitude. C'est un des derniers endroits de la Côte d'Or où les parties sommitales ne sont pas complantées des résineux qui ont été importés ici sans véritable discernement par les eaux et forêts il y a plus de cent ans. Sait-on d'ailleurs si ceux-ci n'ont pas changé ces micro-climats si sensibles aux moindres variations. À l'heure où l'on cherche à tout prix à les pérenniser en les classant UNESCO, la question se pose avec acuité.

Ce Coteau des Boudots est sans doute à observer selon des lignes de pente qui définissent des caractères associés aux hauteurs où sont implantés les crus.

Le premier bloc se place entre 250 et 300 mètres et forme une langue étroite et fortement inclinée qui donne des crus aux fruités frais, fins et bouquetés et souvent marqués par de très subtiles et salines acidités. Ainsi Damodes, Richemone, Champ Perdrix et le minuscule En La Perrière Noblot ont ils un caractère commun très énergique et racé. Ce dernier est même l'un des sols pouvant accepter avec bonheur le chardonnay. Essayez celui de Alain Michelot. Je suis un fervent admirateur des Damodes,un cru qui donnent des vins s'épanouissant sur la durée et qui peuvent cousiner avec les Petits Monts vosniers. Les Lecheneaut - qui mélangent la partie cru avec celle de niveau village située au dessus - font ici un vin époustouflant depuis plus de 20 ans. La Richemone descend légèrement plus bas sur le coteau et a tout d'un grand cru hors norme entre les mains de Christophe Perrot Minot qui produit une cuvée "Ultra" pouvant toiser un Echezeaux sans difficulté. Le petit Champ Perdrix est plus incisif et moins dense mais ce vin de cailloux a - chez Alain Michelot - encore une stature étonnante, bien qu'il le vende en village car il une partie haute classée ainsi.

Les climats de mi-pente sont sans surprise les plus complets et, à bien des égares peuvent être comparés aux grands crus du prestigieux voisin. C'est à peine si leur esprit s'infléchit un peu du côté de la puissance grâce à une forme plus ferme conférée par des argiles un plus lourdes et un taux de calcaire actif plus faible. Boudots, Cras, Chaignots et Thorey me paraissent former un quatre majeur qui du Nord vers le Sud passe progressivement de la noirceur d'un fruit mat à celui plus seillant de baies rouges sombres, d'une franche note florale aux épices douces, d'un corps svelte et athlétique à une allure plus charnue.
Boudots est un cru de haute volée, proche de Malconsorts en plus sauvage et fougueux mais avec un peu moins de finesse. Il est sans aucun doute la plus belle expression nuitonne de ce coteau ferrugineux. Vin dense qui peut développer une très grande finesse avec le temps, il vieillit admirablement sur des accents de fruits noirs et d'orange sanguine. Gerard Mugneret produit ici un vin somptueux et le jeune Maxime Cheurlin est en passe d'affirmer un réel talent pour générer des cuvées racées et longues en bouche. Méo et Leroy sont des valeurs sûres.
Cras et Chaignots sont un peu les deux faces d'une pièce parfaitement ciselée. Ils évoquent la douce nature de Vosne, ses notes épicées tout en ne reniant pas le caractère plus austère et moins gourmand des Nuits francs et compacts. Deux très beaux vins en moyenne et une cuvée de Chaignots toujours impeccable chez Gouges.
Les Thorey sont sous la double influence d'une orientation légèrement Sud-Est et des vents de la vallée. Première cuvée pour Lavalle, ils tiennent encore leur rang grâce à une unité remarquable. David Duband produit ici un vin magnifique depuis 1997. J'aime leur distinction et leur finesse.

Le dernier bloc inclut les crus de début de pente. Argillas, Murgers, Vigneronde, Bousselots. Un peu plus sableux, ils livrent des vins un peu plus légers qui s'ouvrent plus vite et qui ne manquent pas de séduction.Le meilleur est sans aucun doute le Murgers qui ressemble un peu aux Boudots avec un peu moins de densité et de profondeur. Plus accessible jeune c'est un vin de séduction au noir fruité très engageant. Méo en produit une cuvée de premier ordre mais en général c'est un cru régulier chez nombre de producteurs.

 

Ecrit par Patrick Essa - 2018

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Carte Pitiot - Servant

Carte Pitiot - Servant

Publié dans Côte de Nuits

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