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Côte de Nuits: Les grands crus du finage de Morey Saint Denis

Publié le par Patrick Essa

  

   Morey Saint Denis est un village trop méconnu qui curieusement "souffre" au niveau de sa notoritété de la présence notable de cinq grands crus majeurs sur son finage. C'est sans doute l'une des communes - si l'on exclu le cas un peu à part de Vougeot et de son Clos - qui possède le plus de surfaces grands crus proportionnellement aux vignes en production. Ce cinq majeur, s'il éclipse les premiers crus et villages est de très haut niveau en dépit de regroupements de lieux-dits un peu lâche réalisés au moment des classements des années 1930. Point de vin ordinaire en ces contrées mais au contraire une palette assez étonnante de senteurs épicées combinées à une maturité froide et mate qui confre un tellurisme radical à tous les crus. Les vins les plus minéraux issu du pinot noir fin qu'il est permis de déguster et sans doute en leur sein l'un des seuls crus - le Clos de Tart - pouvant regarder Tâche et Conti dans les yeux, sans baisser la tête... 

 

 

 

le Clos de la Roche

 

Le Clos de la Roche est un vin de cailloux. Sans doute situé - plus encore dans sa partie haute -sur une des zones les plus rocheuses de la côte, il est composé d'un substrat superficiel qui ne mesure en moyenne pas plus de trente centimètres puis il est parsemé de bans rocheux très durs qui épuisent régulièrement les charrues et les fessous qui servent à travailler les sols. Placé dans les marnes calloviennes du tiers inférieur du coteau de Morey, il grimpe en une pente régulière - orientée à l'est - jusqu'au début de l'escarpement bathonien. C'est une terre parfaitement drainée qui ressuie vite et qui mûrit aisément. Elle n'a cependant plus toute la parfaite homogénéité que lui conférait le Clos de la roche originel. Celui-ci mesurait alors 4 ha 57 a 40 ca et d'après Denis Morelot au début du 19° siècle rivalisait en qualité avec le Clos de Tart.

  

La création de son appellation d'origine contrôlée en 1936 a englobé de nombreuses parcelles avoisinantes comme cela a été le cas en Echezeaux à Vosne par exemple. Ces terres d'excellentes qualités et tout à fait dignes d'être classées en "grand cru" ont cependant des caractères différents et il est toujours passionnant de déguster ce cru en connaissant son origine, voire son assemblage de diverses origines. La finesse aérienne du bas des Mont luisants, les très parfumés Fremières, Froichots et Mauchamps, le côté altier des Chaffots et la sève des Chabiots composent un puzzle d'arômes souvent envoûtant en dégustation comparative, y compris dans les vins "nouveaux". Le Clos de la Roche initial a gardé cette plénitude de constitution et ce côté épicé et sauvage unique, qu'il faut absolument avoir dégusté à maturité pour évaluer les ultimes potentialités de ce cru d'exception. Ce Clos de la Roche originel est assez peu étendu et si l'on s'en tient au cadastre de Lavalle il n'englobe que moins de 5 hectares de ce cru. A ma connaissance seul le domaine Raphet en produit un "pur" car les autres englobent tous des parcelles contigües. C'est le cas de Ponsot, Dujac, Leroy,Remy, Duband et Rousseau. Notons toutefois que Duband et Leroy n'ont qu'une faible proportion d'un autre lieu-dit. et que le plus important producteur de ce cru originel est Ponsot avec près de 1 ha 65a.

 

Mesurant aujourd'hui 16ha 90a 27ca comprises entre les Latricères, les Combottes et le Clos saint Denis, le Clos de la Roche donne régulièrement des vins athlétiques, fougueux et très vineux qui portent en eux de violents arômes d'épices (poivre, cannelle et girofle) et de fruits noirs. C'est un vin de longue garde, toujours constitué sur une acidité juste et une richesse tannique qui n'exclu nullement la finesse. Improbable mélange du Tart et du Chambertin, il est un peu le Mouton-Rotschild de la Côte de Nuits: "A nul autre second!"

 C'est un cru qui a la chance de compter de nombreux excellents producteurs parmi ceux qui le vinifient. Je citerais Virgile Lignier et Armand Rousseau pour la finesse du grain de texture; Hubert Lignier (aujourd'hui toutefois la majeure partie de sa parcelle de 1 hectare est exploitée pas sa belle-fille Kellen Lignier) pour la race absolue de ce cru épicé et droit et bien entendu le domaine Ponsot qui sur ses trois hectares livre année après années un vin naturel, tellurique et d'une délicatesse rare. Il existe également de très bons Clos de la Roche au domaine Pierre Amiot, au domaine Arlaud, chez l'excellent Jérôme Castagnier, au domaine Duband, au domaine Raphet et dans l'esprit "vendanges entières" chez Dujac.

  J'ai été favorablement impressionné ces dernières années par la tenue de ce climat qui possède une grande régularité et dont pas un vigneron à ma connaissance ne tire un vin moyen.Par ailleurs ses prix n'ont pas flambé comme dans les grands crus de Vosne, Chambolle et Gevrey et il est permis d'en trouver aux abords de 50/70 euros, ce qui est toujours une très belle affaire. Si je devais choisir parmi les grands crus bourguignons qui sont encore - un peu - accessibles (Corton, Echezeaux, Charmes, Ruchottes, Chapelle, et Latricières Chambertin, Clos de Vougeot, Clos Saint Denis) je le placerais en tête de liste avec Charmes mais avec une meilleure unité. Et comme je suis certain que vous recherchez les bonnes affaires, vous pourriez essayer d'acquérir quelques flacons chez Jérôme Castagnier,Pierre Amiot, Virgile Lignier ou chez les frères Marchand. Le meilleur de la Bourgogne est ici proposé à des niveaux de prix attractifs...

 

 

Le Clos Saint Denis 

 

   Ce grand cru de Morey est peu étendu et situé dans la partie médiane du coteau qui domine le village. Le sol connaît une pente douce à cet endroit et est composé d'un susbstrat marno-calcaire moins caillouteux que dans le Clos de la Roche voisin. Il réunit aujourd'hui 4 lieux-dits très qualitatifs qui ont tous des caractéristiques morpho-géologiques similaires: le Clos saint Denis originel, Maison Brûlée, Calouères et une partie des Chaffots. Ensemble ils mesurent 6 ha 62 a 60 ca. Moins connu que les autres il s'agit également du plus délicat et du plus fin des grands crus de Morey et l'on peut facilement le rapprocher des Musigny, Amoureuses et Griottes tant sa texture souple possède un soyeux avéré.

 

  J'aime toujours sa forme discrète qui le rend moins démonstarif que ses pairs en jeunesse mais qui en revanche procure en bouche une sensation tactile sensuelle quasiment inégalée dans la côte. Un grand Clos saint Denis rivalise au vieillissemnt avec les meilleurs crus du nuiton et sait séduire par son infinie complexité aromatique épicée et délicatement florale.

  Les excellents producteurs ne manquent pas sur ce petit finage et je vous recommande particulièrement celui de la famille Heresztyn (Calouère) toujours très aérien, finement réglissé et d'une douceur inouïe, celui du domaine Pierre Amiot, régulièrement délicat, parfumé et "giroflé" de manière racée et ceux bien entendu des domaines Dujac et Castagnier. Le domaine Arlaud quant à lui possède ici un peu moins de 20 ares  partagées entre le Clos saint Denis originel et un "bout" de Chaffots contigu, juste au dessus. Il en tire souvent l'un des vins les plus délicats de la commune.

 

 

Le Clos des Lambrays

 

Le clos a longtemps appertenu à la famille Cosson. Madame Renée Cosson fut une des figures emblématiques de la Côte dans la première moitié du 20°siècle. Soucieuse de tirer la quintessence de ces très vielles vignes, elle a produit jusque dans les 50 des vins qui se positionnaient - sans être classés en grand cru - parmi le meilleur de la production bourguignonne. le Clos des Lambrays lui doit une partie de sa légende. Celle-ci est au fond assez récente car on ne trouve pas trace de ce Clos dans les écrits du début du 19° siècle. Il naît semble t'il sous ce nom alors que Louis Joly le possède. Il le baptise en associant les Lambrays aux Bouchots et Larreys voisins et en lui attribuant le nom de Clos des Lambrays à une époque où les origines sont plus nébuleuses qu'aujourd'hui. Le terroir est cependant exceptionnel et la famille Rodier qui rachète celui-ci en 1866 continue d'exploiter sous ce nom ce "grand cru classé" avant que des revers de fortune ne pousse Albert Rodier à le vendre à notre chère banquière parisienne Cosson. A partir de 1938 et jusuq'au début des années soixantes la propriété s'enferme derrière ses murs et vit hors du temps. Elle ne diffuse ses vins qu'après quatre à cinq années d'élevage en fûts usagés et produit toute une série de vins hors normes - glorieux 37 et 47 - qui se vendent au compte goutte...ou pas du tout!

 

 

De manière concomittente l'état du vignoble dépérit et s'il subsistait jusque dans les années 70 des vignes franches de pieds, elles achèvent leurs vies dans le courant de cette décennie. Le clos est racheté par la famille Saïer et deux autres actionnaires en 1979 et depuis lors confié aux soins exigeants de l'excellent et méticuleux Thierry Broin. il y aura des changements de propriétaires et d'actionnaires dans le courant des années 90 mais l'équipe technique en place n'a que peu varié depuis lors, même si les méthodes culturales et les process de vinifications ont largement progressés...comme partout en ces contrées!

Le terroir des Lambrays couvre une superficie exacte de 8 ha 69 a 75 ca et il varie nettement selon la situation qu'il ocupe dans le coteau. Les parties basses très argileuses apporte, le corps, le fruit, les notes épicées et la relative accessibilité au cru. Les parties médianes plus inclinées vers l'est, solaires, sont composées de terres argilo-calcaires, bien ventilées qui autorisent une parfaite maturation des raisins et des états sanitaires idéaux. Elles apportent un côté racé, droit et très "séveux" au grand vin et s'approchent très nettement du caractère du Clos de Tart. Le dessus plus marneux, mûrit un peu plus tardivement et complexifie les Lambrays au niveau de la finesse en apportant une certaine fraîcheur à l'ensemble. Ainsi le cru est-il avant tout unique par l'assemblage de ses différentes composantes morpho-géologiques, en cela il diffère très nettement du "mini" Clos des Lambrays (5 ares) de la famille Taupenot-Merme - par ailleurs excellent également - car celui-ci est uniquement positionné dans le bas du cru.

 

 


 Le Clos de Tart 

 

  Vinifié depuis le millésime 1996 par Sylvain Pitiot, le Clos de Tart a connu une forte évolution au niveau de son expression depuis cette date. Naguère marqué par une extrême finesse, un élevage très discret et des arômes quelque peu évanescents, centrés sur les fruits rouges et des accents floraux racés, il s'exprime aujourd'hui sur la force de cuvaisons plus longues, d'élevages généreusement boisés et de matières plus serrées. Ce changement de cap est sans doute pour beaucoup dans sa reconnaissance internationale actuelle car le grand cru se montre désormais aussi concentré que les plus grands vins bourguignons tout en gardant sa finesse incomparable liée à un terroir hors du commun et classé comme tel sans la moindre variation depuis toujours.

 

  Ce terroir situé sur le finage de Morey Saint Denis représente pour beaucoup le lieu ultime de l'expression du pinot noir en Côte de Nuits. Mélange de la finesse cambuléenne et de la puissance gibriaçoise, il possède la sève du Chambertin, les notes épicées du Clos de la Roche et cette formidable puissance interne que l'on trouve en Bonnes Mares dans la partie qui précisément se situe sur Morey. On sait d'ailleurs assez peu en général qu'il subsiste environ 30 ares de Bonnes Mares classées dans le Clos et que celles-ci sont élevées à part depuis quelques années par un célèbre éleveur, amateur de bois neuf.

  Le cru est situé sur un coteau pentu en son exacte partie centrale, bordé au sud par les Bonnes Mares et au nord par le Clos des lambrays qui monte plus haut sur la pente et regarde légèrement le nord-est. D'une contenance de 7 hectares 53 ares, monopole de la maison Mommessin, il possède une grande homogénéité au niveau de son exposition et est "avantagé" par une plantation des ceps dans le sens nord-sud, soit en fait légèrement en dévers, ce qui vous pouvez me croire n'avantage pas le tractoriste, mais en revanche confère une maturation des plus uniformes aux baies. Son sous sol date de la période bajocienne du Jurassique, il est composé de terres brunes mêlées de petits cailloux draînants et ressuie très vite. Quelques affleurements de roches le marque par endroits et -de manière très originale- il est traversé par une veine calcaire qui part des Bonnes Mares situées au dessus de la carrière Ponnelle. Il puise de ce substrat  une merveilleuse finesse de constitution potentielle  et semble n'avoir aucun équivalent à ce niveau en dehors des Bonnes Mares qui vont jusqu'à lui à partir de la vigne du domaine Robert Groffier. Légèrement moins incliné vers le levant dans la partie basse et situé à cet endroit sur des terres plus argileuses qui lui donnent une très légère rusticité et des accents épicés très caractéristiques, il est vinifié selon 5 à 7 lots différents, disposant de spécificités particulières, puis unifié au moment de la mise en bouteille.

 

  Embouteillé après 18 à 20 mois d'élevage dans des chais climatisés en première année et enterré dans d'extraordinaires caves sur trois niveaux en seconde année, il libère dès sa naissance des arômes floraux généreusement boisés et terriblement séducteurs. Un vin noble et aristocratique est alors diffusé au compte goutte à des prix qui aujourd'hui sont forts proches de ceux de la Romanée et des meilleurs Richebourg et Musigny. Il vous en coûtera environ 300 euros au départ de la propriété en ce moment et c'est sans doute le seul élément qui me laisse dubitatif avec ce cru...

  

Bonnes-Mares - Finages de Chambolle et Morey

 

   Les Bonnes-Mares font sans aucun doute partie des vins les plus riches et concentrés de Bourgogne. Dans la lignée des Renardes, Richebourg, Rugiens et Chambertin, le finage exprime sa nature puissante sur un corps athlétique et extrêmement dense. Sans doute est-il même l'archétype du vin parfumé, plein et séveux de la Côte de Nuits tant il exhalte la perfection des arômes conférés par un substrat argilo-calcaires mêlé de marnes blanches, complexe et unique.

 

 

 

   Il mesure 15 ha 5 a 72 ca  sur lesquelles  deux zones morpho-géologiques sont entremêlées. Des terres rouges dans la partie basse du cru et certaines zones médianes hautes et des sols plus blancs dans les parties élevées plus marquées par les marnes. Situé en grande majorité sur Chambolle, entièrement orienté vers le levant, le grand cru fait également partie du finage de Morey pour 1 ha 51 a 55 ca. Les meilleurs domaines du cru produisent des vins qui assemblent les deux origines - comme Roumier et De Vogüe - mais certains petits producteurs vinfiant moins de 40 ares produisent de petites merveilles d'équilibre et de raffinement: Arlaud, Bart,Groffier, Mugnier, Bertheau entres autres

 

  Patrick Essa - MAJ le 27/12/2013

 Reproductions interdites sans autorisation de l'auteur

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