La Bourgogne du Sud: Caractères généraux de l’appellation Pouilly-Fuissé

Publié le par Patrick Essa

La Bourgogne du Sud: Caractères généraux de l’appellation Pouilly-Fuissé

  En dehors de Chablis, les appellations bourguignonnes de niveau « village » sont souvent circonscrites à un seul bourg. Il existe toutefois  quelques rares exceptions qui voient dans certaines zones le village principal « déborder » sur celui qu’il jouxte. Ainsi les Santenots de Volnay sont ils sur Meursault, Premeaux abrite quelques uns des meilleurs crus de Nuits Saint Georges et Brochon voit ses Evocelles revêtir la casaque de Gevrey- Chambertin si proche. Ailleurs Lafite en Médoc est un Pauillac qui a quelques arpents sur Saint Estèphe...et cela ne nuit en rien à son homogénéité! 

   Rien à voir me direz vous car nous sommes sur un vin d’assemblage! Eh bien justement si, le Pouilly Fuissé est souvent une association de différents terroirs si ce n’est de cépage - car son chardonnay est ici le seul autorisé -  et il doit une partie de sa popularité à son équilibre remarquable et à sa régularité sans faille.  Une constance conférée par une mosaïque de terroirs très complémentaires qui selon une culture éprouvée participent à de

 belles cuvées « rondes » que n’exclut pas la singularité de climats isolés. Ces derniers étant  évidement les meilleurs d’entre eux quand à leur exposition.

 

  La force de ce vignoble est sans doute aussi à relier à son nom porteur, très vite - comme Chablis - commercialisé par les puissants négoces du vingtième siècle à des niveaux de prix accessibles sur des qualités médianes impeccables. Ce vin friand, souple et complexe a toujours eu un inimitable esprit sudiste sur un cœur et une énergie « nordienne » plus froide. 

   Pourquoi?

   En fait une des explications données est géologique et est très étroitement liée à la variété des substrats qui composent l’appellation. Comme souvent lorsque l’on veut expliquer un Cru, le terroir est « sacralisé » car il serait à l’origine du caractère ou de la définition - de ce vin, comme s’il lui donnait une dimension unique. Je pense qu’il n’y a pas que celui-ci qui influence et je vais essayer de sérier ici les différents facteurs qui déterminent le profil de ce vin et des crus qui en sont issus. 

 

   En premier lieu le soulèvement alpin a permis de constituer une multitude de plissements et de failles dans cette zone en voyant s’effondrer le fossé bressan qui a donné  la plaine de Saône à l’Est et le fossé de La Grosne à l’Ouest. Ces reliefs verticaux ainsi créés ont fait émerger des roches dessinant de larges coteaux positionnés entre 220 et 450 mètres. L’homme au fil du temps y a positionné la vigne sur près de 800 hectares, intégralement situés en pentes selon une idéale exposition au levant. Ces coteaux parfaitement ventilés, drainés naturellement par leurs inclinaisons ont pu être colonisés sous l’influence séculière des moines de Citeaux, puis par des générations de vignerons opiniâtres et soucieux de qualité blanche.

 

   En second lieu la latitude des lieux donne au chardonnay - qui rappelons le est natif de ce secteur - une régularité de production qui est à nulle autre pareille. Jamais ce vin n’a véritablement souffert des manques de maturité que les chardonnays plus au nord peuvent connaître, même si aujourd’hui le réchauffement climatique  nivelle largement les valeurs. Il est assez évident également que les lieux permettent de cultiver ce cépage à des altitudes plus élevées qu’en Côte d’Or où il s’épanouit pleinement entre 220 et 320 mètres ou qu’à Chablis qui est encore 100 mètres plus bas par rapport au niveau de la mer. Le fait même que le climat est ici plus clément ailleurs est démontré par la possibilité assez unique de pouvoir réaliser des cuvées de raisins cueillis à haute maturité. Nommées « Levroutées » elles signalent que le chardonnay peut ici flétrir sans pourrir tout en concentrant sucre et acidité pour proposer un vin de type « demi sec à doux »  qui n’est ni un liquoreux comme le Sauternes, ni une sélection de grains nobles  alsacienne car il est souvent peu impacté par le botrytis. « Stylistiquement »  il évoquerait plus le Jurançon moëlleux aux raisins séchés par le vent mais sans son acidité tranchante. A découvrir.

 

   Le troisième caractère est sans doute à relier à une très originale conduite de la vigne qui a vu les vignerons la conduire  avec une variante de la taille Guyot que l’on appelle la taille en « arcure ». Destinée à éradiquer la possible acrotonie qui voit les premiers bourgeons de la baguette sur laquelle ils se trouvent  dépérir au profit de ceux de son extrémité elle est aussi assez productive lorsque le vigneron choisit de faire deux arcures sur un même cep. La maturité possible induite par le climat et les densités un peu moindre qu’en Côte d’Or - souvent 8000 pieds par hectare contre 10 à 11.000 - autorise cette région, où depuis plusieurs décennies l’équilibre financier passe par une production suffisante,  à générer 60 hl/ha. Toutefois comme les rendements sont dorénavant limités à 58hl/ha sur les Pouilly-Fuissé avec nom de lieu dit (60 pour les autres) et que la vigne a ici une belle vigueur, nombre de vignerons ont opté pour la taille en « arcure simple ». Le « mouchage » des bourgeons des extrémités - il s’agit de leur suppression - étant un des moyens permettant de contrôler avec rigueur la charge par pieds. 

 

  Enfin évidemment la nature morpho-géologique du secteur marque notablement les fruits qui en proviennent et de manière concomitante les Crus qui y sont élaborés. Quatre communes ont le droit de produire le Pouilly-Fuissé - Fuissé, Solutré-Pouilly, Chaintré et Vergisson. Sur un peu moins de 800 - 761 exactement - hectares ces bourgs ont des caractères forts distincts et ils ont enfin acquis la possibilité  de pouvoir promouvoir leurs climats en les hissant au statut de « premiers crus » pour les meilleurs d’entre eux, un accessit mérité qui a bien des égares est une juste reconnaissance de cet A.O.C. qui a vu le jour dès 1922 puis officiellement par décret en 1936. Plus encore s’agit-il à mon sens de réparer une erreur historique de classement. 

  Nous passerons chacun de ses terroirs à la loupe au cours de nos investigations...

...à suivre donc.

 

Patrick Essa -2018

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