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Des hommes et une terre: Le Meursault Goutte d’Or

Publié le par Patrick Essa

Des hommes et une terre: Le Meursault Goutte d’Or

 

L’origine du nom des crus se perd bien souvent dans la mémoire collective. Pourtant force est de reconnaître que nombre d’entre eux ont une sonorité et une « joliesse » incomparables. Le Cru bourguignon sonne et résonne avant que de tapisser le palais et il semble souvent porteur d’une musique  aromatique qui parvient à convaincre avant même la dégustation.

   Goutte d’Or! Est-il possible de porter nom plus évocateur!? Richebourg peut être...ou encore Vaudésir.

   Pourtant le vin qui en provient n’est pas plus doré que celui  des autres crus, sa forme n’évoque en rien une gouttelette d’eau et la teinte de son feuillage au soleil si elle est dorée à l’Automne suit la même coloration que celle des vignes voisines. En revanche au printemps, en l’absence de végétation , au petit matin lorsque le soleil rasant frappe ce coteau pierreux, les petites dents de calcaire qui le constellent scintillent de mille feux. La pierre aura donc marqué ce climat en déterminant son nom et en façonnant sa forme. 

   Pourquoi?

  Éclairer  ce raisonnement revient à observer la partie haute du Cru qui est faites d’un long et haut mur de pierres sèches qui est interrompu par endroit par des barres rocheuses.  En ce lieu  et sur le dessus du secteur, dans des chaumes aujourd’hui arbustives,  le marbre était extrait pour bâtir les maisons et Clos environnants. Ainsi cette Goutte d’Or est-elle quasi naturellement ceinte d’un long mur, vin de pierres ou plutôt pierres de taille ayant déterminés l’enclos de ce cru, il est configuré curieusement selon les pentes diverses qui le marquent et il englobe quelques secteurs comblés qui en des temps pas si reculés laissaient aussi la place aux carriers. Nous percevons ainsi aisément qu’il eut pu à bon droit se nommer Perrières! Mais en la matière à Meursault le nom était déjà pris!

  La Goutte d'Or  - originellement singulière et donc sans S et funestement affligée de celui-ci dans le cadastre actuel! - est ainsi naturellement complexe. Le lieu-dit historique mesure un peu plus de 5 hectares et certaines parties - la partie médiane-sud essentiellement - ont été quelque peu remaniées en raison d'une déclivité dans le sens nord-sud qui générait des difficultés à la mécaniser. D'autre part il est certain que la partie basse non loin du collecteur d'eau et du climat des « terres blanches » a été également remise en forme. Par ailleurs le nom très porteur a été fort souvent employé pour des parcelles contigües - ou  non! - du cru historique et a au final déprécié quelque peu sa qualité moyenne. Ainsi Bouchères - différent, pas moins qualitatif - a été vendu avant les règles strictes des AOC - nous sommes dans les années 50 pour les 1ers crus - en tant que Goutte d'Or pendant plusieurs décennies dans certaines propriétés...autres temps, autres usages!

 

Il en résulte une image qui a longtemps pâti de la joliesse du nom, d'origines pas toujours bien claires et du peu de producteurs le portant véritablement à la hauteur médiatique  - mais produisant tout de même des  vins merveilleux - que lui confère naturellement son terroir. J'entends parfois de ci de là certains non producteurs du cru le minorer nettement par rapport aux cinq autres "majeurs". Ce sont en général ceux qui ne le vinifient pas et le dégustent peu... Et qui la plupart du temps ne le connaissent simplement pas assez. Ils me donnent ainsi une certaine légitimité à leur répondre avec des arguments solides et bien entendu vérifiables sur le terrain:

 

   En premier lieu si l’on excepte les quelques pièces remaniées au sud c'est un cru homogène qui forme un rectangle quasi parfait entre les Luraules au Nord, les Terres Blanches à l'Est  et les Bouchères au sud. En pente régulière un rien plus inclinée dans la partie supérieure haute, la quasi totalité des parcelles le coupent d'Est en Ouest du bas vers le haut. En compagnie des Bouchères ( Bouches-Chères)  il s'agit du cru qui a la plus précise des identités si l'on considère qu'il ne se décompose pas en plusieurs sous lieux-dits. Exception faîtes sans doute des "pointes de goutte d'or" dans le bord haut Nord du cru et de la partie qui verse vers le sud, dont les terres ont été retenues par un muret.

  Il est marqué par une bande rocheuse en son centre et est de ce fait proche de la roche mère en certains endroits, ainsi les plants  ont parfois bien du mal à s'y enraciner et "donnent toujours naturellement peu" sur ce substrat maigre et argilo-calcaire qui est en fait la résurgence du calcaire dur de Comblanchien sous sa forme équinoderme ici qui s’est abaissée au niveau des Corton pour resurgir ici. 

 

  Encore un peu sous l'influence des vents de la Combe d'Auxey, il est sans doute le plus frais - soyons prudent toutefois car ce n'est pas un climat d'altitude - et le plus "tendu" des crus de la commune, deux jours plus tardifs en moyenne en fin de cycle végétatif. Il ne faut surtout pas le couper à trop haute maturité de ce fait car il y perd sa vraie nature.

  Sa couleur n'est donc - comme nous l’avons vu plus haut -  jamais plus dorée qu'ailleurs en dépit de légendes qui aiment associer son nom à la robe du vin. Au contraire il est la plupart du temps clair comme de l'eau de roche.La capacité de garde conférée par sa tension interne affirmée en font l’un des crus qui vieillit le mieux de la commune à mon sens. Il en subsiste des exemples éclatants capables de défier le siècle. Les 1947, 1929 et 1893 que j'ai bu récemment sont encore en pleine forme!

  Petit cru proche du village, découpé en bande il est possédé directement par seulement quelques propriétés locales. La plus grande surface exploitée par un domaine ne mesure que moins de 1.20 ha, une partie de ses fruits fournit le négoce beaunois. A côté de ce grand carré les entités n'excèdent jamais plus du demi hectare.

   Sa forme peut être brutale en jeunesse et à ma connaissance c’est probablement le cru le plus puissant de Côte d’Or avec le vrai Charlemagne d’Aloxe. Vin de haute longévité, il peut en année d’équilibre, lorsqu’il n’est pas funestement chaptalisé, devenir quasi immortel  pour celui qui le vinifie. C’est une sorte d’énigme murisaltienne qui ne ressemble en rien aux Charmes et Genevrieres - archétypes sans aucun doute de l’esprit murisaltien - et qui au fond il n’y a que bien peu de crus qui participent de son originalité en dehors peut être des Grands Poruzots. 

    Je le vinifie  depuis près de 25 ans et à chaque fois je retrouve sa fougue, sa capacité à préserver des ph très bas, des acidités tartriques fortes et des rendements mesurés, sur une incroyable puissance contenue et puis lorsque le moment est venu de vous relever en alors que vous l’ébourgeonnez ou le pâlissez, c’est peut être celui qui avec Tessons offre la plus belle vue sur notre village…la Goutte d’Or est là qui  perle au coin de votre œil car l’endroit procure bonheur et bien être…Indicible. 

 

Ecrit par Patrick Essa producteur de Goutte d’Or

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