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Le Corton: le seul grand cru ayant plus de 1000 ans?

Publié le par Patrick Essa

Le Corton:  le seul grand cru ayant plus de 1000 ans?
Le Corton:  le seul grand cru ayant plus de 1000 ans?

Introduction: Aloxe-Corton Aloxe est le diamant de la Côte de Beaune. Seule commune à produire des crus rouges et blancs au plus haut niveau de la hiérarchie et à joindre son nom de village au cru de Corton, elle possède avec Chablis la plus grande surface de grands crus de Bourgogne. Certes Pernand et Ladoix participent quelque peu de sa gloire, mais les meilleures zones sont possession de la commune et il n’est, à mon sens de meilleurs Corton-Charlemagne et Corton rouges. Pourtant le village d'Aloxe reste discret et le prix de ses vins est de manière très heureuse parmi les plus raisonnables de Côte d'Or. Quels sont donc les éléments qui expliquent cet étonnant paradoxe tout en positionnant ces vins dans une classe à part entre premiers et grands crus des autres communes?

 

   En premier lieu, sa diversité et son étendue. La colline forme une sorte de rognon flanqué de pentes fortes et très régulières en son sommet et d'étages médians et bas plus adoucis. Exposée Est, Sud et Ouest ce coteau arrondi bénéficie d'influences éoliennes diverses et de secteurs frais et chauds. Difficile dans ces conditions de trouver ici une vraie unité en dehors du substratum des sols. Un grand cru vaste qui tout comme le Clos de Vougeot - qui est beaucoup moins pentu que lui cependant - se doit d'être appréhendé selon des secteurs bien identifiés.

 

  En second lieu la puissance du négoce Beaunois qui est ici largement propriétaire et qui a  contribué il y a 80 ans à classer une large part du site en grand cru pour obtenir des approvisionnements réguliers et très qualitatifs. Certes la plupart des vignes sont dignes de leur statut mais quelques secteurs trop élevés et/ou trop tardifs sont peu en phase avec le potentiel qu'une terre de grands crus doit avoir.

 

  En troisième lieu les volumes de productions produits ne rendent en rien le Corton rare et difficile à acquérir. Si la qualité est là bien souvent, sa notoriété n'est pas au niveau des micros parcelles du Nuiton ou des blancs de Montrachet. Plus de 120 hectares portant le patronyme de Corton le rangerait presque au rang de cru "prêt à porter" face - par exemple - au 1.4 ha des Criots Bâtard "hautes coutures" par exemple!

A bien des égares la commune d'Aloxe a été contraintes de partager "son" Corton avec ses deux voisines de Ladoix et Pernand. Ces deux communes joignantes de son finage lui ont largement fait plier le genou pour s'approprier le nom du prestigieux Cru auquel elles n'avaient historiquement pas droit. Cette forme d'imposture admise de nos jours est née au début du vingtième siècle lorsque le parlement a décrété une loi autorisant les tribunaux à procéder à la délimitation des appellations contrôlées. Ainsi, depuis de nombreuses années les crus sélectionnés par le négoce de la place de Beaune "à la tasse" étaient classés sur la qualité avérée des vins une fois vinifiés et il était d'usage constant de largement puiser dans les communes limitrophes pour "multiplier" la production sans, pensait-on, léser l'acheteur.

   Ces "vins de classe" n'avaient toutefois pas les mêmes cahiers des charges que ceux qui de nos jours sont issus d'origines déterminées selon des règles définies par avance. En somme aujourd'hui le sol confère le nom là où il y a moins de cent ans la qualité de ce qui était produit conférait un nom à la cuvée sans que l'on soit trop regardant sur l'origine elle même! On comprend aisément pourquoi, au moment de classer les sols, les syndicats qui se sont créés dans les années 1920 ont eu la volonté de poursuivre la vente plus lucrative de vins de "premières classes"/ Grand Cru plutôt que de "villages" ou " premiers crus" écoulés avec Ladoix ou Pernand comme village de référence. Aloxe tenta de se rebiffer en ne voulant admettre que le Rognet de Ladoix dans un premier temps et en laissant "Charlemagne" à Pernand sans lui adjoindre le précieux sésame "Corton"...l'affaire fit grand bruit, les syndicats communaux se déchirèrent, les jugements se succédèrent et sans entrer dans toutes les arcanes de ce feuilleton qui anima longtemps le beaunois, un terrain d'entente fut trouvé en attribuant à chaque commune des secteurs Grands crus estampillés "Corton".  

   Durant tout le vingtième siècle les communes de Pernand et Ladoix ne cessèrent d'étendre leurs "pré-carrés en Corton" et des sols aux valeurs agrologiques moindres obtinrent des accessits à tous le moins généreux. Nous y reviendrons lors des chapitres concernant ces finages mais il me paraît évident aujourd'hui que pour comprendre les crus de cette commune et leurs incroyables potentialités, il faut les re-classer selon une logique plus rigoureuse, en déterminant une hiérarchie qui auraient dû apparaître dès l'origine des appellations. Elle en tirerait aujourd'hui un prestige mérité qui s'est quelque peu dilué de nos jours. Hélas, car ce grand Cru à son meilleur est incomparable.

 

Corton "Premiers" Grands Crus:

Des "classes" existent dans l'imaginaire des producteurs communaux et pas un je crois ne sait que la trilogie "Clos du Roi, Renardes, Bressandes" forme un rectangle unique qui porte en lui la meilleure partie de l'esprit du Cru. Vous lirez sur le site une analyse détaillée de chacun d'eux où leurs caractères respectifs sont isolés car je pense qu'ils méritent d'être reconnus à l'égal des meilleurs dans des chapitres qui leurs sont dédiés. Selon une classification de type bordelaise qui sied parfaitement à la colline, ces trois climats pourraient largement avoir le droit au titre de "Corton premier grand Cru".

Entre mythe et réalité: Le Corton Clos du Roi

    Envisager le Clos du Roi de Corton en un texte concis est une bonne manière de montrer que je n'ai que fort peu de goût pour  les légendes invérifiables qui embellissent la vérité afin d'en tirer profit. Celles qui entourent le Corton sont innombrables et la constance avec laquelle elles mettent en avant "l'historicité romantique" de cette grande colline devrait être négligée et combattue.

  Ainsi une des premières affirmations que l'on retrouve dans les considérations récurentes sur la colline est qu'elle serait le trait d'union entre la Côte de Beaune et la Côte de Nuits. Rien ne me parait plus faux, tant le substrat qui la compose, l'altitude où ses grands crus se trouvent, la pente qui les caractérise, son influence éolienne et sa morpho-géologie générale en font "un monde à part" très étroitement lié au beaunois.

  Son histoire est d'ailleurs entièrement liée au puissant négoce de la place de Beaune qui par nombre d'aspects a ici réussit à imposer une vision de vins de "classe" plus que de crus singulièrement identifiés et identifiables. Grand cru rouge du beaunois, unique et pourtant constellé de climats pouvant tous être Corton en même temps que localisés par le nom ancestral de son cadastre, il est un Janus qui, "improbablement", aurait des faces différentes en même temps qu'une nature unique. Le petit village d'Aloxe ne s'y est d'ailleurs pas trompé au moment de changer de patronyme en le complétant avec le nom de son meilleur cru, il a simplement et logiquement choisit Corton. Longtemps d'ailleurs il a refusé d'octroyer ce nom a ses voisines de Pernand et de Ladoix et les bagarres syndicales furent sévères au moment de désigner quelles terres auraient droit au prestigieux épithète de Corton. Heureusement le célèbre Clos Charlemagne chevauchait de longue date Pernand et Aloxe, sinon...comme le nez de Cléopâtre, cela eut pu changer la donne!

   Ainsi sans prétendre à l'omniscience je vous livre ici quelques faits historiques avérés:

   Nous sommes certain que les coteaux d'Aloxe, Pernant et Ladouée ( sic)sont en culture depuis le septième siècle car les évêchés environnant conservent des traces d'échanges de biens ou de frais liés à leur entretien. Comme souvent alors, les biens ecclésiastiques sont octroyés par le pouvoir en place et travaillés par des bras paysans. Ainsi, en 858, Modoin évêque d'Autun, cède ses terres de famille noble à la cathédrale qu'il dirige et ce sont les bras du vigneron Jonas qui s'occupent de celles-ci. Dès cette époque les coteaux sont divisés en quartiers qui correspondent à des entités cultivées par les ordres ecclésiastiques, la propriété nobiliaire et celle moins conséquente des notables bourgeois.

   Il y a dès lors des lots - clos ou non - qui sont propriétés ducales car la Bourgogne est sous la domination de ceux ci. Peu enclins à poser genoux à terre devant leur suzerain roi de France en laissant des revenus leur échapper, ils afferment ces terres en les faisant cultiver pour en vendre le fruit et en consommer le vin. Il est ainsi assez vain d'imaginer qu'ils nomment ces terres " Clos des Ducs " à ce moment là. D'autant qu'Aloxe ne possède aucune construction ducale et que le vin est acheminé par chariots à l'hôtel des Ducs de Beaune, la voisine. On comprend aisément que le raccourci communément admis consistant à signifier que ces derniers soient devenus les " Clos des Roi " que nous connaissons aujourd'hui n'a guère de sens. Ce sont des vignes ayant appartenu au roi après avoir été celles des Ducs... nuance.

   L'histoire nous apprend que les grands Ducs de Bourgogne dominent la région de 1363 à 1477 soit une période - la Toison d'Or - qui est éloignée des empereurs carolingiens de près de sic cents ans! Charlemagne est couronné en 800 et son père possède ces terres d'Aloxe par l'entremise de la Cathédrale de Saulieu dont il est suzerain. On pourrait imaginer ici que la générosité carolingienne a conduit ses rois à doter les établissements ecclésiastiques. Que nenni! C'est essentiellement Charles Martel - grand père de Charlemagne - qui a confisqué des terres aux bourguignons pour les attribuer aux religieux de Saint Andoche de Saulieu car il leur reprochait de s'être trop tièdement battus face aux Sarrazins à Poitiers! On le voit la grande histoire résiste aux images d'Epinale naïves qui seront créées de toute pièce quelques siècles plus tard.

   Sur le plan cultural on observe avec acuité que c'est au cours de cette époque que le cépage pinot - sous une forme sans doute plus rustique - évolue progressivement vers le pineault ou pineau fin bien plus souvent baptisé "noirien" du Beaunoy. La terre de Corton est progressivement défrichée et représente pour la part ducale environ 100 ouvrées (4 hectares) en exploitation à la mort de Charles le Téméraire en 1477. Louis le onzième - probablement sans véritablement le savoir tant la domination politique lui est plus importante - voit alors ses terres cultivables lui échoir, les paysans restant évidemment en place et rien ne change véritablement pour eux en dehors de la "destination" de ses fruits du "Courton" comme on l'appelle alors. Cela se fait difficilement car la couronne royale n'est pas la bienvenue en ces contrées.

   Le Clos du Roi n'est à ce moment qu'un simple lieu-dit dont l'usage est essentiellement oral et qui est considéré avec Renardes et la partie basse du Corton originel (les vignes situées au dessus de ces deux climats sans aller jusqu'aux vignes sous le bois qui sont méprisées) comme la meilleure partie des vins d'Aloxe car elle regarde directement le levant et se trouve en terre de "milieu" sur le coteau. Près de 300 années de misère s'écoulent et les vignes royales sont bien mal entretenues jusqu'à la révolution française qui se fera un devoir de revendre les biens nobiliaires - et donc royaux - non sans entériner, pour mieux vendre la parcelle, des usages constants et loyaux attribuant officiellement à la parcelle le nom de "Clos du Roi-Corton". La parcelle passe toutefois de 4 à près de 10 hectares circonscrit entre Pougets Languettes, Bressandes et Renardes... Et n'a probablement jamais été ceinte d'un vrai mur! Comme en Conti des Sans-Culottes se servent de la " noblesse" d' une terre pour la vendre plus chère selon 7 lots identiques. Pour le moins surprenant!

  Dans le courant du Dix Neuvième siècle le banquier Ouvrard - qui possède le Clos de Vougeot entier et la Conti entre autres! - réussira à remembrer la quasi intégralité du cru puis il sera divisé à la fin de ce même siècle qui le connaîtra sous le nom de Clos du Roi-Corton uniquement. Puis le phylloxera passera par là avant de voir le Corton replanté en règes rectilignes sur des portes greffes américains et d'être classé grand cru au milieu des années 1930. Ainsi pour la première fois, juste avant la seconde guerre mondiale, naît le Corton Clos du Roi.

  Pourquoi ne l'avoir nommé Clos du Roi Corton? Et bien simplement car le Corton est déormais officiellement situé sur 3 communes et que son identité première est le cru, qui dès lors est mis en avant...simple non!!? J'en vois certain sourire.

  Clos du Roi mesure 10,74 hectares et forme un - quasi - parfait rectangle orienté à l'Est sur une pente ferme comprise entre 270,04 et 320,52 mètres. Son sol du bathonien chargé en oxyde de fer et fait de laves qui se délitent confère aux vins une nature rude et athlétique qui évoque le Champans de Volnay ou le Rugiens de Pommard avec une noirceur de fruit plus prononcée et une impression de plénitude encore plus forte parfois. Climat très homogène, parfaitement drainé et moins marqué par le calcaire que ceux du nuiton, il livre une partition sombre, ombrageuse et d'une rare intensité tannique et demande de la patience. Peu de crus ont cette forme austère et cette ligne générale puissante qui pourtant n'a absolument rien de terrienne. En effet les Corton sont des vins solaires qui captent à merveille la lumière et les vents grâce à une altitude élevée à ce niveau d'appellation et grâce à la bonne inclinaison de son coteau large, régulier et parfaitement filtrant qui draine les eaux de pluies et capte les sels minéraux qu'elles libèrent. De ce fait même il se positionne dans la commune comme un cru plutôt élégant et fin. Curieuse impression qui ne doit jamais faire oublier qu'il est toujours plus ferme et tannique que tous les crus du nuiton et du beaunois réunis en dehors de Nuits et Pommard. Il est un peu le Cailles de Nuits mais plus sûrement équilibré comme la partie supérieur des Epenots de Pommard.

   A l'évidence Clos du Roi est un vin paradoxal car sa maturité de climat solaire n'est pas celle d'un cru chaleureux, tout au contraire, sa situation médiane haute laisse poindre des accents aromatiques fruités qui jouent sur un registre discret en faisant bonne place à une expression épicée d'une très fine subtilité. Les zones marneuses et cette terre imprégnée de potasse expliqueraient elles ce caractère quelque peu sauvage? Sans doute car ce vin de race, altier et dominateur est destiné à la maturation sous verre. Il ne pardonne jamais aux vinificateurs qui le sous-estiment et veulent forcer sa nature en cherchant le muscle ou - à contrario - en développant artificiellement une expression euphémisée d'une incongrue et inutile délicatesse. La vendange entière lui sied à merveille et sa chance est de souvent être complanté de plants fins qui autorisent ce mode opératoire complexe à mettre en œuvre mais si gratifiant lorsque cela est réussi. Je me souviens d'un éblouissant Clos du Roi 97 de Sénard qui transcendait encore la dimension du climat et puis d'autres jeunes, vieux, très vieux parés des atours nuancés et finement "réglissés/ligneux" de raisin non égrappés qui peuvent illuminer une cuvée.

    De nombreux grands crus possèdent des terres de nature et de valeurs agrologiques variables, ce n'est pas véritablement le cas en Clos du Roi, même si la partie supérieure est plus fortement inclinée et qu'elle ressuie plus vite. Le sol de "laverottes" est assez homogène, sombre et semble marquer tous les vins d'une  égale signature avec une profondeur de texture digne des meilleurs Richebourgs vosniers mais sans ses accents floraux et son infinie douceur. Cru du Beaunoy très affirmé il ne ressemble donc en rien aromatiquement à ses pairs du Nuiton ou du Sud de Beaune et pourrait même, je crois, perturber le dégustateur qui y est habitué car sa complexité provient des ses aspérités tanniques et de son équilibre très original centré sur une musculature saillante, une acidité discrète et une expression aromatique qui met les fruits frais en retrait. Point de griotte ou de fraise des bois à Corton mais en revanche cette sensation de croquer dans une mûre sauvage qui vient juste d'arriver à maturité en y associant des effluves de poivre blanc, de pivoine et d'un rien de cannelle...Corton est un grand seigneur et Clos du Roi son représentant le plus vibrant du côté de la puissance maîtrisée car il n'a pas la sauvagerie de Renardes voisines ou la texture plus souple du Bressandes en dessous de lui.

  Je vous recommande ceux de Sénard, De Montille, Dubreuil-Fontaine, Guyon, Maratray-Dubreuil et Chandon de Briaille. Tous ont en commun le caractère  séveux de ce grand cru de très haut niveau.

 Le Corton-Renardes:

Corton est le plus vaste des grands crus bourguignons. Il englobe la quasi totalité de la fameuse "Montagne de Corton" que se partagent les villages de Pernand-Vergelesses, Aloxe Corton et Ladoix-Serrigny. C'est une appellation assez difficile à appréhender car elle mêle des expositions variées, des substrats géologiques différents, des cépages multiples, des noms différents sur un même climat et cerise sur le gâteau a le droit de s'exprimer en blanc et en rouge sur toutes ses parcelles! Et encore cela serait-il simple si certains blancs n'avaient le droit de se nommer en quelques endroits "Corton-Charlemagne" et en d'autres "Corton blanc", voire "Charlemagne" seul...Le consommateur peut y perdre son latin et a bien du mal à distinguer en moyenne une vraie unité dans cette complexe "mer" de vignes.

   Pourtant les vins ne manquent pas d'atouts, tant ils peuvent transcender leurs sols et s'exprimer avec une puissance tellurique inouïe. Ainsi produit-on ici sur certaines parcelles les rouges les plus corsés que le cépage pinot noir peut engendrer, aussi denses que les Chambertin et intenses que les Richebourg vosniers, avec un "je ne sais quoi" de plus sauvage et de moins raffiné, mais également avec un potentiel de longévité hors du commun.

   Placé sur des sols argilo-calcaires bruns mêlés d'oolithe ferrugineuse et de fragments d'amonithe de l'oxfordien, le pinot noir s'épanouit ici sur un substratum de première qualité. Le coteau est exposé au levant, bien draîné, pentu en sa partie haute( Le corton) et moins incliné à partir des parcelles médianes et basses( renardes, Bressandes et Clos du roi). C'est un des endroits qui procure le plus de robustesse au très délicat pinot noir et il semble que de tout temps on l'ait considéré comme un très grand vin de garde.

   Renardes est le plus racé et le plus personnel des crus de la montagne de corton. Une capacité de garde qui le place dans les crus les plus inoxydables de bourgogne.Sauvage et fumé il est masculin et demande un peu de temps avant de se livrer. Positionné au milieu du coteau sur le finage d'Aloxe Corton, il borde les Cortons positionnés sur Ladoix au Nord et surplombe le très qualitatif Bressandes. Zone de faible pente, caillouteuses, marquées par des argiles à larges feuillets et bénéficiant d'une superbe orientation vers l'Est, il mûrit toujours bien et ne souffre que fort peu souvent de la pourriture.

  Pour illustrer mon propos j'ai ouvert deux vins de propriétaires situés à Chorey les Beaune, un 2010 de Maillard et un 2011 de François Gay.Bien entendu ils ne viennent que conforter de nombreuses impressions anciennes dont les bouteilles couvrent la période 1929 -2012.

 Ce qui est fascinant est sans aucun doute la permanence aromatique de ce vin qui est invariablement marqué par des notes épicées mêlées à une très subtile animalité sous jacente. Ce petit côté sauvage ne dérive jamais - lorsque la bouteille est aboutie - vers des accents foxés vulgaires qui tirent l'olfaction vers la venaison ou la fourrure humide, il s'agit alors de défauts de vinifications ou plus souvent d'une évolution déficiente en raison d'un bouchon défectueux ou  d'une mauvaise entreposition.

  Un Renardes est avant tout un vin puissant et dominateur à l'épaisseur tannique affirmée et au grain tactile dégrossi sans être parfaitement poli, surtout lorsqu'il est jeune. Ce vin de sève demande à fondre sa matière et les deux exemples qui me servent en sont de vibrant témmoins. Sur une année concentrée comme 2010 ou plus fluide comme 2011 le cru conserve ce côté un peu anguleux sans pour autant perdre sa race affirmée. Moins "Côte de Beaune" qu'un Savigny ou un Volnay, il n'a pas non plus l'expression fraîche des crus du nuiton sis en milieu de pente, il fait un peu penser - au niveau de son équilibre -  à certain Hermitages - dont le Méal - produit beaucoup plus au Sud.On le servira avec des gibiers en sauce et même si la mode est aujourd'hui passée il fait un excellent compagnon pour le fromage. 

  Je le tiens pour l'un des cinq vins rouges de Bourgogne ayant la plus grande longévité potentielle.

Corton Bressandes:

   10351082_822761297780682_1742277480956534152_n.jpg On imagine aisément les pentes abruptes de la Montagne de Corton, ce rognon de terre coiffé d'une épaisse chevelure de résineux se caractérise par des pentes larges et fortes qui forment une mer de vignes sur lesquelles s'articulent différentes vagues de ceps formant des blocs distincts qui constituent les crus. Ainsi Bressandes est au pied de Clos du Roi et des Renardes, là où les plissements du terrain forment une sorte de long rectangle régulier qui pourraient faire penser à un cru de plaine.

    N'a t'il d'ailleurs pas été cultivé par des gens du plat pays de Bresse?

   La légende est belle mais On ne le sait véritablement car ce nom récurrent dans le beaunois pourrait aussi avoir été attribué par les abbayes et moines réguliers qui ont mis en culture ses lieux selon des quartiers qu'ils ont à coup sûr identifiés. Est-ce un hasard si Bressandes, Clos du Roi, Grèves et Perrières sont tous des noms que l'on retrouve à Beaune la cité voisine? Sans aucun doute non. Mais bien malin qui aujourd'hui saura retrouver les origines de ces noms de crus!

  Bressandes est un cru qui n'a historiquement jamais eu la notoriété des vignes du Roi ou des Renardes mais il est patent que le Clos Charlemagne originel - qui mesurait moins de trois hectares! - non plus! Le Corton d'Aloxe est un vin rouge corsé et à peu près uniquement cela jusqu'au moment ou le phylloxera ravage la colline, soit à la fin du 19ieme siècle. Son vin blanc est modérément estimé et ses Bressandes considérées comme une très bonne cuvée, pas une "grande".

  Toutefois ces classements de "climats" historiques ne sont guère pris en compte par un marché qui évalue ses vins "à la tasse", c'est à dire en fonction de leurs qualité gustatives avérées, ce pour chaque millésime. De surcroît les communes voisinent d'Aloxe prennent l'habitude de vendre leurs meilleures cuvées en Corton et jusqu'au milieu des années 1930 - soit avant la législation des appellations d'origine - le cru de Corton est un cru de sélection et la plupart du temps d'assemblage. Bressandes est avec ces deux voisins du dessus parfois identifiés mais il n'a pas la réputation de ceux-ci et Lavalle au milieu du 19 ieme siècle le positionne en première cuvée alors que Clos du Roi - Corton et Renardes - Corton sont " Hors Lignes". Voilà qui est à l'évidence fort juste.

  Le syndicat d'Aloxe militera d'ailleurs pour un Corton restreint à son finage et avec la volonté avouée de ne pas y associer les finages de Pernand et Ladoix. Cela débouchera sur une guerre de personne et juridique extrêmement nourrie qui verra de nombreux vignerons monter au créneau pour défendre leurs idéaux et bien entendu leurs intérêts. La guerre mondiale, le temps, les changements de génération et sans doute aussi une vision plus productiviste d'après seconde guerre mondiale aboutiront à un très large découpage qui classera la quasi intégralité des grands et premiers crus naturels de la montagne sur la plus haute marche d'un podium n'en comptant qu'une!

    Ainsi Bressandes est sans doute plus un "super premier" qu'un "vrai grand" et les prix où il se vend le positionnent finalement bien mieux que son classement dans la hiérarchie du Beaunoy.

   Mesurant 17,42 hectares il est officieusement le plus grand cru de la Côte de Beaune et sans doute l'un des plus accessibles car sa diffusion est loin d'être confidentielle. Zone orientée plein Est formant un replat au dessus des Maréchaudes il est composé d'une terre ferrugineuse fort caillouteuse. Chargé en potasse le substrat est encore assez filtrant et c'est un secteur qui réssuie vite en évitant aux fruits de se gorger d'eau. À une altitude moyenne de 260 mètres il a incontestablement un potentiel de cru racé et parfumé sur un registre assez élégant dans le contexte de la Montagne.

  Il a aussi pour lui de s'ouvrir assez tôt et de libérer des arômes insinuants de pruneaux et de réglisse finement fumés sur un corps svelte et harmonieux. Cru régulier qui évoque le Champans Volnaysien et plus encore pour ces notes épicées le Pezerolles de Pommard. Mais soyons clair ce cru est avant tout un Corton et il préserve de ce fait une certaine noirceur dans son fruité et un grain tannique un peu sauvage et austère.

 J'aime les vins du domaine Jacques Prieur d'une profondeur toujours incroyable, le style de Nadine Gublin magnifie le Cru et puis aussi les superbes vins du domaine Edmond Cornu de Ladoix et de ceux dont vous observerez les étiquettes en bas de cet article.  Régulièrement des vins sensuels et pleins.

 

 

Corton "Second" Grands crus

Après l'indéniable podium précédent, des lieux-dits peuvent être considérés comme de vrais Grands crus potentiels ne méritant toutefois pas de faire figurer une origine précise sur leurs étiquettes. Tous peuvent bénéficier de la qualité d'un bel assemblage de différents secteurs. De fait, l'usage veut que ces cuvées soient moins fréquemment revendiquées. Une forme de sagesse à saluer.

Corton Les Paulands:

la Colline est "pentue", large, profonde et comporte une partie médiane où la déclivité s'abaisse pour faire apparaître ses meilleurs secteurs à Vignes. Dans ce périmètre orienté plein Est qui verse doucement en direction de la plaine et qui inclut Clos du Roi, Bressandes et Renardes est encore situé le petit "Paulands". Ce petit carré d'un peu plus de un hectare positionné dans le prolongement des Maréchaudes vient mourir sur les premières pentes Nord-Sud du bon premier cru Valozières et se situe juste sous les Bressandes. Pourtant son sol plus argileux et moins calcaire avec des nuances gréseuses le distingue nettement de ses pairs. Non à cause de sa position plus basse, car son drainage est optimal mais surtout car il développe une nature giboyeuse et sauvage qui parfois le font comparer - à tort! - aux Renardes. Il n'en a toutefois ni la puissance, ni le côté austère et en dépit de son fruité noir prononcé se comporte plus comme un vin à la présence plus immédiate. Bouqueté et charnu il préfigure les Maréchaudes voisins avec sans doute un rien moins de finesse. Mais la nuance est ténue. A-t'on en ce lieu retrouvé une statue de Pallas à la fin du 18 ième siècle ou l'usage vernaculaire a t'il modifié et fait évolué le vieux terme "Pol" qui signalait une terre humide? Bien peu sont aptes à le dire avec justesse. Toutefois, sachant que le bas du climat - classé en premier Cru - a fait l'objet de travaux de drainages importants, il apparaît logique de s'en tenir à la seconde hypothèse. Deux propriétaires se partagent ce petit climat grand Cru, 20 ares au domaine Denis et 80 ares environ pour le domaine Senard. Les deux en tirent une cuvée puissante, un rien rustique et qui s'affine avec le temps.

Corton Maréchaudes:

  4,46 ha sous Bressandes, entre Les Vergennes de Ladoix et les Paulands, la terrasse des Maréchaudes surplombe la partie Sud du village de Ladoix. Encore élevée sur le coteau et composée de sols bruns foncés argileux du bathonien cette zone rectangulaire est idéale pour produire des vins rouges charnus et svelte qui s'affirment sur un grain de texture poli et une finesse constitutive étonnante.

Lorsque l'on observe le positionnement du Cru sur le coteau depuis le bas de la colline, il apparaît assez évident que le classement des deux zones premiers crus a été pensé selon une logique liée à l'inclinaison des sols. La partie haute du grand Cru est quasiment plane, peu large, organisée en terrasses et fait directement suite aux Bressandes dont elle reprend le sol argileux, profond, sombre et collant.

Une bonne partie de ces Vignes est orientée Nord-Sud pour allonger les rangs et sans doute aussi pour procurer un rien plus de fraicheur aux raisins. En dessous de ce secteur "terrasse"'le sol est plus léger et se montre plus "pentu", les vins perdent ici en puissance ce qu'ils gagnent en finesse.

Le bas est curieusement composé de trois parties "premier cru" - Maréchaudes de Ladoix, d'Aloxe et Clos des Maréchaudes de Ladoix -que se partagent Ladoix et Aloxe mais qui se vendent en Aloxe premier cru. L'Aloxe-Corton Clos des Maréchaudes est ainsi un premier cru situé sur la commune de Ladoix et le grand Cru Corton Clos des Maréchaudes du domaine du Pavillon n'a pas d'existence cadastrale...comprenne qui pourra!

On le constate, Corton est miné par les particularismes plus ou moins tolérés par l'administration et qui au final le dévalue mais ce dont nous sommes à peu près sûr, est que le nom du Cru provient de l'ancien vocable "Maresche" qui signalait une terre marécageuse.

   Les Maréchaudes de Chandon de Briaille, Maldant et Capitain ont toujours eu un caractère fin et assez subtil, je vois les recommande si vous êtes amateur de pinot plutôt élégant.

 

Corton Chaumes: un cru classé Second « A »

 

 

   Parmi les éléments qui permettent de classer un cru, il est évident que se plonger dans les classifications passées oriente nettement le jugement. Chaumes a ainsi été « adoubé » cru hors ligne au milieu du dix neuvième siècle par le «docteur Lavalle dont le livre - pourtant peu détaillé sur les crus - fait aujourd’hui encore largement autorité. C’est un peu comme  si dans un siècle nous nous projetions sur des valeurs associées aux notes actuelles - et seulement à celles-ci - des publications de Robert Parker. Peu crédible il me semble.

   Pourtant tout au long des décennies qui ont jalonné l’histoire de la montagne de Corton  ce cru  que d’aucuns décrivent comme plutôt « mineur »a conservé sa notoriété locale et semble même être toujours aussi respecté. 

  Qu’en est-il alors de sa véritable valeur lorsque des faits tangibles sont mis en exergue?

  En premier lieu le climat se compose de plusieurs parties distinctes qui toutes ont le mérite de se situer sur une pente douce,drainante et filtrante qui regarde le Sud. 

   Car au fond et c’est bien de cela dont il s’agit, ce petit bout de terre multiple verse du côté de la chaleur en prolongeant naturellement le coteau du Charlemagne originel. Sous celui-ci en une langue étroite sa partie Chaumes et « Voierosse » absolument parfaite, au dessus de la route qui mène à Pernand, constitue l’une des zones les plus qualitatives du bas de ce coteau fort allongé. Peu revendiquée, elle est plantée de pinot noir pour une large proportion et alors même qu’elle touche le Charlemagne sur des sols forts comparables - un rien plus siliceux - elle ne peut comme « Languettes »ou « Pougets » au dessus de lui revendiquer le statut de Corton-Charlemagne en chardonnay. Je pense à une funeste omission, à une erreur de jugement ou plus simplement à des intérêts qui n’ont pas rencontrés la logique judicieuse à mettre en œuvre...Corton blanc seulement tu seras. Soit, mais parmi les meilleurs! Ici près de la moitié du Corton docteur Peste des Hospices de Beaune y est produite. Un gage de qualité évident!

   Les habitants d’Aloxe savent bien qu’en Chaumes des carrières ont longtemps été exploitées dans la partie basse du climat et que celles-ci furent comblées par des remblais uniquement prélevés sur la Montagne. En ce temps là on était sérieux...ou peu soucieux de charrier des tombereaux de terre depuis les bas de plaine! En observant le coteau il semble assez évident que seules les secteurs qui aujourd’hui sont classés en « village » ont dû voir les carriers travailler la fameuse pierre de Corton. De ce fait même on comprend aisément que cette terre rougeoyante est très caillouteuse et calcaire et que pinots et chardonnays s’y expriment avec un rare bonheur. 

   Sous la route de Pernand une étroite bande de terre prolonge Chaumes et Voierosse mais également le Charlemagne et la partie ouest faites de 14 rangs orientés Est-Ouest qui forment un merveilleux et inconnu petit Clos qui est une sorte de pépite parmi les pépites dans ce secteur béni entre tous. Propriété de la famille Meuneveaux il est aujourd’hui complanté de chardonnay fins qui livrent un Corton blanc de très haute volée. Juste à côté de lui la maison Latour possède également un presque carré de Chaumes qui autrefois était isolé - jusque dans les années 50 - mais qui aujourd’hui entre dans la cuvée très importante de Corton-Grancey.

   In fine, ce modeste climat autrefois planté d’arbres puis mis en jachère - en Chaumes! - a tout d’un grand et son statut semble ne pas pouvoir souffrir de discussion tant ses expressions blanches et rouges multiples plaident pour une qualité régulière et parfaitement digne du nom de Corton. 

   Un second grand cru classé « A » en quelque sorte...

 

Superficie du Climat : 6ha 64a 78ca

Ce Climat s'étend sur tout ou partie du ou des lieu(x)-dit(s) suivant(s) :

(Tout) Les Chaumes

SUPERFICIE : 2ha 76a 98ca

(Tout) Les Chaumes et la Voierosse

SUPERFICIE : 3ha 87a 80ca

 

 

 

Corton Clos des Meix, Corton Combes, Corton Clos de la Vigne au Saint: Sudistes et austères?

 

  La pente - où plutôt les pentes - joue un rôle majeur dans les Corton qui sont sur le finage d’Aloxe, en ce sens qu’il n’est de climats classés en grand cru qui ne bénéficient d’une exposition au levant ou au Sud sans être idéalement drainés. Ainsi lire à droite ou à gauche que « Meix, Combes et Saint » sont sur des sols plats pour les minimiser me fait sursauter. Car cela est simplement faux!

   Par ailleurs on évoque avec une grande constance les expositions Sud comme étant solaires et précoces et susceptibles ainsi de développer un caractère chaleureux. Mais évidemment cela n’est pas aussi simple!

   Il suffit de se promener sur le chemin des Combes qui sépare morphologiquement - quasiment -  le finage d’Aloxe, de celui de Savigny en une sorte de raie basse où s’écoulent les eaux   pour sentir les vents de la vallée sèche - une Combe donc! - venus de Pernand et comprendre qu’entre humidité, influence éolienne et soleil se joue une partition équilibrée qui n’efface  en rien la qualité extraordinaire des terres de ces trois petits grands crus que d’aucuns imaginent secondaires. 

   Le problème est que « Google map », les classements passés et les rumeurs « vernaculaires » ne permettent pas de déterminer avec acuité le potentiel des lieux. Ainsi  plus qu’un œil jeté sur une carte ne suffit à expliquer une singularité associée au climat, un rapide amalgame de toutes les connaissances livresques ne détermine en rien une valeur « agrologique » objective. 

   Pour être plus clair il est absolument certain qu’en dehors de la pratique régulière de la dégustation de ces vins et de leurs vinifications croisant les différents types de sol, les âges de vignes et la manière  de les cultiver, il est assez illusoire de vouloir préciser leurs qualités effectives. Ce qui va suivre est donc purement intuitif et n’a sans doute aucun équivalent mais au moins une chose est certaine, j’ai dégusté de nombreuses fois chacun de ses crus depuis plus de trente  ans! Simplement car Corton m’a toujours fasciné et que je ne comprends au fond pas pourquoi sa place se réduit aujourd’hui à une sorte de portion congrue dans le concert des grands crus. 

   Le Clos des Meix - incluant le Meix Lallemand - le Clos de la Vigne au Saint et sans doute Combes en partie haute furent des possessions ecclésiastiques des collégiales de Saulieu puis de Saint Lazare à Autun et il est d’usage de croire que ces possessions leurs furent transmises par Otton descendant de Charlemagne aux abords de l’an 1000. Le bas du secteur étant dévolu aux carriers dont il subsiste encore - voir photo - de larges barres rocheuses. Le hameau de Chaumes qui termine l’endroit à l’ouest est d’ailleurs sans aucun doute « posé » sur les restes des tailles des ouvriers d’autrefois et je ne suis pas loin d’imaginer que le coteau était beaucoup moins essarté sur les hauteurs qu’aujourd’hui et que les primes vignes blanches d’Aloxe se situaient au dessus et en dessous de ces modestes - à l’époque - constructions. Le rouge lui, avait pour habitude d’être positionné au levant et il est assez évident que le Nord d’Aloxe portait ces vignes de noiriens... tout comme aujourd’hui! 

   L’ancien Alussia des huitièmes et neuvièmes siècles est devenue « Aloxe » au fil du temps et des évolutions langagières, puis les lieux-dits qui n’étaient pas encore des crus prirent les noms de ceux qui s’en occupèrent. Ainsi le Saint de la « vigne au Saint » fait il référence aux hommes d’église, saints hommes qui la possédaient quand le Clos des Meix était alors le Clos des Meix du Chapitre...d’Autun! On le voit les dénominations puisent toujours chez les hommes autant que dans la nature...cas des Combes qui séparent les deux autres crus et qui évoquent la  morphologie du terrain. 

   Ces trois entités en forment une assez uniforme et pourraient à bon droit se ressembler car  ce rectangle incliné assez fortement vers le Sud a en apparence un équilibre qui ne manque pas de séduire le regard. Postez vous vers les affreux bâtiments en ruine de feu le domaine de la « reine Pedauque » pour vous en convaincre, sinon visualisez les photos ci dessous.

    Si les trois crus reposent sur des substrats calcaires chargés d’oolithe ferrugineuse ils ont chacun une réelle personnalité qui de manière ténue mais certaine les distingue nettement. Il est également temps d’en finir avec les exégèses un peu surannées de ceux qui envisagent la classification des crus de Corton selon leur altitude. Ainsi la côte Saint Jacques est-elle bien plus inclinée que celle de Chambertin en moyenne...et pourtant qui placerait les Evocelles devant La Chapelle!? Oui, je sais nous sommes ici à Gevrey, mais ce qui est vrai au Nord ne l’est plus 20 kilomètres plus  bas? 

   Un peu de sérieux s’il vous plaît. 

 

   Le Clos des Meix qui appartient entièrement au domaine Senard  est un merveilleux petit Clos qui a appartenu au chapitre de saint Mamesse d’Autun. Ce lieu chargé d’histoire inclut les 55 ares du Meix Lallemand dont on ne connaît aujourd’hui  la juste origine du nom. Serait-ce un ancien régisseur des lieux? Peut être...

   Ce Clos des Meix fait face en sa partie Est à celui du Chapitre, lui aussi inclus dans le climat des Meix mais sans en avoir le statut puisque c’est aujourd’hui simplement un premier cru, toutefois  très prisé. Ce climat formait à l’évidence une ancienne et historique entité. 

   Lorraine Senard produit dans son Clos deux vins de haut niveau qui savent tirer parti de la mixité de ce grand cru janus qui parvient à maintenir finesse et densité sur le pinot fin et le chardonnay. Avec le temps le chardonnay impose son raffinement de  texture et sa belle énergie interne alors que les pinots se montrent très élégants sur un bouquet fruité qui exalte les petits fruits rouges et les notes de réglisse. Sans doute est-ce dû à ses terres fines et siliceuses qui ont une juste proportion d’argiles et de cailloux. 

 

Superficie du Climat : 2ha 71a 43ca

Ce Climat s'étend sur une partie du climat Les Meix qui mesure  en entier 4ha 06a 85ca

 Le grand cru compte donc 2ha 16a 43ca dans les Meix et 55 a dans le Meix Lallemand. 

 

Le Corton-Combes lui fait suite et démarre après le mur du Clos des Meix. Partie haute et inclinée au Sud du climat plus vaste des Combes de niveau village qui est à ses pieds, il ne lui ressemble en rien mais au contraire participe de toutes les qualités des Chaumes et Voierosse au dessus de lui et du Clos de la vigne au Saint qu’il touche à l’Ouest. Les vins sont assez profonds et de bonnes gardes, j’ai de bons souvenirs avec ceux de Genot-Boulanger et du vaste domaine d’Ardhuy. J’imagine toutefois que le secteur est à l’évidence plutôt destiné à produire de grands Corton blancs. Sa pente ferme, son exposition Sud et les courants frais de la petite Combe qui serpentent sous lui depuis Pernand devraient les rendre aussi puissants que parfaitement mûrs. 

Superficie du Grand Cru  : 1ha 69a 17ca

Ensemble du climat des Combes: 8ha 31a 09ca

 

 

Le Clos de la Vigne au Saint est situé juste sous les Chaumes et Voierosse entre les Chaumes proprement dites à l’Ouest et  les Combes à l’Est, c’est une zone parfaitement homogène qui en une pente assez ferme regarde le Sud et de ce fait en fait un lieu assez précoce. La maison Louis Latour produit ici un vin assez délicat, peu coloré et intensément parfumé qui indique nettement que la zone est plutôt favorable aux vins blancs, mais étrangement il n’en n’est aucun dans ce cru qui ressemble beaucoup aux Chaumes non loin. Comme les deux précédents il n’a pas le statut qu’il mérite car il se montre en tous points très supérieur aux crus récemment élevés au rang de « grand » sur Ladoix-Serrigny comme les Carrières, les Hautes Mourottes ou les Grandes Lolières.  

   Son statut de Clos est virtuel car il n’est pas géographiquement et physiquement  entouré de mûrs de plus d’un mètre de haut. En fait je pense que le secteur n’a ici jamais vu de véritable Clos. Un peu comme le Bèze de Gevrey où les Forêts de Nuits. 

  Feu le domaine Bellang de Santenay a produit ici un excellent Corton jusqu’en 2009, plus en retenue qu’en puissance et assez délicat pour séduire les amateurs de pinots fins. La parcelle a aujourd’hui été vendue au domaine des Croix qui ne revendique plus son origine je crois. 

Corton Clos de La Vigne au Saint :2ha 46a 22ca

 

 

Corton Perrières, Corton Grèves, Corton Clos des Fiètres 

 

  Parmi les légendes colportées sans fondement dans le monde du vin, l’improbable austérité constitutive des Corton me paraît être largement erronée, tant celle-ci est le plus souvent à associer aux dates de récolte et aux manières de vinifier dont usent les producteurs pour élaborer leurs vins. Ainsi Corton serait un vin dur et long à se faire ayant de manière concomitante une longévité proverbiale. Comme si une austérité initiale signifiait une maturation sous verre longue et idéale! Évidemment cela est parfaitement naïf et surtout faux car Corton est vaste et multiple et car pas un de ses climats ne semblent avoir la même manière de s’exprimer. 

    Ainsi Perrières qui encadre une ancienne et importante carrière de marbre n’est il pas plus représentatif de la dureté de son substrat que Grèves le voisin n’est un cru militant. Ses associations sols-caractères sont d’ailleurs l’un des écueils majeurs à la compréhension des crus de ce coteau car comme ailleurs le vin vinifié est surtout singularisé par la manière dont la viticulture est menée. En effet les équilibres gustatifs dépendent plus de la réalité analytique des fruits récoltés et par suite de la manière de l’obtenir selon les « disciplines » culturales envisagées. Bien entendu le sol répond aux exigences de celui qui le cultive et sans doute à t’il en lui une part non négligeable de l’identité possible du vin. Ainsi il en edt en quelque sorte l’ADN mais aucunement son géniteur. 

   Aujourd’hui la carrière des Perrières est devenue la formidable cuverie de Grancey appartenant à la maison Latour, principale propriétaire de ce formidable coteau de Corton. Pensée sans ostentation dans le courant du 19 ième siècle par le marquis de Jean Gabriel de Cordoüe, achevée en 1834, elle incluait alors les solutions techniques les plus en avance de leurs temps, celles-ci étant d’ailleurs à bien des égares plus exigeantes que celles des nôtres car les raisins des vendanges étaient évidemment moins susceptibles d’être refroidis ou pompés sans climatiseur et sans électricité!  Sa conception selon plusieurs niveaux - imaginez cinq étages différents! - acheminant les raisins en wagonnets dans les cuves par le haut puis faisant descendre par gravité les moûts et vins avant de les élever et les mettre en bouteille,  est encore aujourd’hui un modèle qui doit nous conduire à réfléchir aux solutions les plus efficaces et simples à mettre en œuvre car ce sont toujours celles-ci qui sont les plus respectueuses de la matière première et de sa « mise en œuvre ». En plein phylloxera les Latour rachètent ainsi ces Vignes - dont les Perrières et les Grèves - à la toute fin du 19 ième siècle au Comte de Grancey qui avait épousé la fille du Marquis de Cordoüe, Eugénie en 1839. Respectueuse elle créera des années plus tard, une fois le vignoble parfaitement reconstitué, la fameuse cuvée d’assemblage de Corton-Grancey, en grande partie faites des anciennes vignes du Comte. 

 

 Le Corton Grèves est de taille restreinte puisqu’il mesure 2ha 31a 69ca. Seuls quatre producteurs exploitent les lieux mais la maison Latour ne l’isole pas car la cuvée entre entièrement dans le Corton-Grancey et les Hospices de Beaune assemblent leur parcelle dans la cuvée du « Docteur Peste ». La maison Jadot et le domaine des Croix depuis quelques millésimes produisent sur ce sol maigre, caillouteux et assez peu argileux au plan superficiel des vins assez fins- surtout le second-  et plutôt construits sur l’élégance. En fait dans un registre assez éloigné de cette fameuse image du Corton rude. 

   Je le rapproche souvent des « Bressandes » voisines et bizarrement plus que du grain de texture des Perrières qui est pourtant situé sur le même étage que lui au Sud et au dessus de lui à l’Ouest. C’est un vin rare et méconnu qui vous surprendra  je crois par sa race formelle. Son nom trouve un écho à Beaune dans un climat qui n’est que premier cru mais qui curieusement est beaucoup plus célèbre que lui. Évidemment le nom de Grèves n’est pas une extrapolation d’une révolte vigneronne mais plus simplement un lien proche  de sa nature graveleuse et grénue.

 

 

Le Corton-Perrières mesure près de 10 ha mais se partage en deux zones distinctes qui sans aucun doute typent fortement son expression. Ce climat caillouteux qui enchâsse la cuverie  de Grancey comporte donc en sa partie haute un sol maigre, brun clair, peu argileux où les plants ont tendance à souffrir ce qui naturellement les poussent à produire peu. De ce fait il mûrit assez précocement et se montre d’une maturité affirmée lorsqu’il n’est pas récolté trop précocement et son grain de texture toujours souple en font un des vins les plus délicatement fins du secteur. 

Une seconde zone se trouvent au Sud de la cuverie de Grancey et sur une pente douce inclinée au levant et ayant des terres un peu plus profondes donnent des vins plus corsés Plusieurs producteurs en tirent un vin de haut niveau et vous trouverez de splendides vins au domaine Meuneveaux ou très récemment vinifiés par  Lorraine Senard du domaine Comte Senard. 

   

  Le Corton Clos des Fiètres est sans aucun doute le plus méconnu de tous les vins de la colline. Sa taille minuscule - 1,10 ha - et le fait qu’il soit pour partie inclus dans la cuvée « Charlotte Dumay » des Hospices de Beaune en font un vin très difficile à trouver. 

  Touchant le village et faisant suite au coteau des Perrières avec une inclinaison légèrement Sud il est constitué en fait d’une terre assez riche qui autrefois a dû servir de cimetières car le terme Fiètre provient de l’ancien français « Fiertre » signifiant « Châsse ». On a par ailleurs découvert ici comme aux Cras à Meursault trois sarcophages carolingiens. 

   Quelques domaines le produisent avec constance sur de petites parcelles. Le premier d’entre eux est la maison appartenant au très grand groupe Picard « au Pied du Mont Chauve », les deux autres étant situés à Meursault, le domaine Vincent Bouzereau et le domaine Fouquerand qui le déclinent en blanc et en rouge. Sa nature mixte autorise de très beaux vins dans les deux couleurs. 

  

 

Les Corton Rognets, Vergennes, Mourottes, Carrières, Grandes Lolières, Toppe au Vert et Moutottes

 

  Corton est un très vaste coteau qui sur trois communes abrite nombre de parcelles aux orientations et altitudes différentes. On ne saura jamais véritablement quelles raisons ont conduit à des classements aussi généreux hormis la commune d’Aloxe son village naturel d’origine. Car étendre vers l’Ouest, sur Pernand, le Charlemagne et vers le Nord le Corton rouge était déjà extrêmement permissif et de nature à satisfaire tous les propriétaires et syndicats des villages de Pernand et Ladoix, mais parvenir à conquérir quelques bouts de Charlemagne sur des parcelles distantes de près de 2,5 kilomètres du lieu originel fut un acte de bravoure confinant à l’exploit! 

   Rien de typiquement « Charlemagne » ne subsiste en Rognets ou Mourottes car ce sont des terres qui regardent le levant quand la nature de ce blanc unique est évidemment, éminemment Sudiste. Cela ne signifie en rien que les vins n’ont pas de grandes qualités, simplement ce sont des blancs de Ladoix qui auraient au même titre que Gréchons ou Nagets dû former un bloc singulier. Il en aurait plus de force et n’aurait point fait d’ombre au reste de cette commune qui peine à trouver une identité auprès des acheteurs. 

   Lavalle ne fait que la mentionner au milieu du dix neuvième siècle et le vingtième la laisse de côté en en faisant - un peu comme la voisine Chorey - une appellation discrète et mineure où le bon vin se négocie à des prix attractifs pour l’acheteur soucieux de maîtriser son budget et insensible à la notoriété du nom de cru. Ce finage étrange entaillé d’une combe sèche, constellé de carrières comblées et de lieux de dépôts carriers possède les orientations les plus diverses et des pentes aux inclinaisons parfois vertigineuses. Morcelé, peu uniforme ce finage touche au Sud les Renardes et les Bressandes en leur offrant un prolongement tourmenté et un nombre de lieux-dits grands crus conséquents et peu étendus. 

    Classer ces pentes, creux et bosses fut sans aucun doute complexe car la main de l’homme a ici particulièrement remanié la topographie des lieux laissant des fronts de taille et des buttes de déchets d’extraction, tout en autorisant apports de terre, mûrs et terrasses pour que la vigne puisse s’implanter et être mise en culture. Encore aujourd’hui parcourir ce relief montre à l’œil non avisé une morpho-géologie curieuse et bien peu évidente à comprendre même si comme toujours ce sont les parties hautes qui furent choisies pour autoriser la culture du chardonnay,  le plus souvent dans les terres les plus claires...mais pas uniquement. 

 

Les Corton-Vergennes (3.45ha) furent baptisées ainsi il y a probablement un peu plus d’un siècle. Ce climat aux formes irrégulières comporte un Clos et une butte de gravats probablement  issues des déchets de tailles d’une carrière voisine. Il a appartenu à la famille du Comte de Vergennes, Charles Granier, qui fut un excellent  ministre des affaires étrangères de Louis XVI. Est-ce pour cette raison qu’en dehors  du Charlemagne il est le seul blanc du secteur à pouvoir mettre son nom en plus de « Corton »sur son étiquette? Ou est-ce plutôt en raison d’un parcelle cultivée par les Hospices de Beaune à la suite d’un don fait par son ancien propriétaire, Paul Chanson? Toujours est-il que ce vin blanc magnifique trouve avec ce nom de haut lignage un patronyme à sa hauteur. 

  Ces terres blanches, calcaires et caillouteuses sont pauvres et la vigne y souffre assez pour donner des raisins concentrés ayant une profondeur de texture incomparable et surtout si différentes des Charlemagne. Vin de finesse, éclatant et aérien, il peut regarder dans les yeux les plus belles cuvées de la Côte lorsqu’il est à son meilleur. Les Hospices et Chanson, mais également le Château de Meursault produisent ici des vins d’une très belle énergie.

   Le domaine Cachat possède quant à lui un Clos dans la partie basse des Vergennes, très différent et produit en rouge,  il ressemble beaucoup plus aux Maréchaudes qui ne sont pas très éloignées car le sol est plus profond. Un vin élégant et raffiné. 

 

Les Corton-Rognets (12ha 40a): Les crus de la montagne de Corton ont en général une morphologie régulière faites de pentes plus ou moins prononcées sur des rectangles de terre quasiment découpés à la règle. Le Rognets est lui beaucoup moins bien « cafastré »  car on l’a en partie « rogné » pour le séparer du Corton d’Aloxe, avec des zones hautes médianes et basses qui autorisent des différences stylistiques notables. Sa partie haute située dans le prolongement des Renardes d’Aloxe est en fait un Clos à la mode bourguignonne puisqu’il n’est pas complètement ceint de mur. La maison Faiveley a eu la possibilité dans les années Mille neuf cent trente de lui donner le nom assez inespéré de sa marque commerciale. Ce « Clos des Corton Faiveley » est donc naturellement un Rognets mais est désormais connu comme une des entités rouges les plus qualitatives du secteur...alors qu’elle n’a qu’une quasi inexistante historicité. Un mystère qui n’en n’est pas un tant cette zone médiane élevée, posée sur un calcaire dur mêlé d’éboulis et d’argile, est qualitative. Le reste du climat n’est pas moins bien loti si l’on excepte les quelques  carrières comblées qui ne peuvent prétendre à toute la complexité du cru mais un fait est certain presque tout le Rognets est au niveau d’un cru d’élite. Les parties basses sont un peu plus humides et procurent aux vins une richesse de sève plus marquée, les zones médianes et hautes ressemblent fortement aux Renardes voisines avec un côté très sauvage et une race sanguine étonnante. Ici les domaines Méo - en bas - Clavelier - en haut produisent des crus largement au niveau des belles appellations du nuiton qu’ils bonifient également. A des prix plus attractifs.

 

   Les autres lieux-dits  grands crus sis sur le finage de Ladoix - Mourottes, Lolieres, Carrières, Mourottes, Toppe au Vert  - n’auraient pas dû être élevés à ce statut tant ils ne semblent pas pouvoir obtenir la qualité ultime que l’on réclame logiquement à ce niveau. Le cas des Mourottes et Toppe au Vert est résolu puisqu’il n’en n’existe pas de revendiqués. Les vins sont assemblés ou déclassés en premier cru par le domaine Capitain qui montre ici un certain bon sens et un grand sérieux. 

   Les Mourottes, Hautes et Basses sont des terres assez élevées qui donnent des Charlemagne assez fins mais qui manquent un peu de fond et de consistance. Évidemment il en est de fort bien vinifiés qui peuvent donner le change quand ils sont élevés avec des bois de haute qualité et avec maestria mais toutefois leur potentiel n’a rien à voir avec les « vrais » Charlemagne sur Aloxe. Il en est un peu de même pour le minuscule « Les Carrières » qui est aussi confidentiel que méconnu. Le niveau de cru de Ladoix leur irait parfaitement...mais je me répète! 

 

 

 Il est courant de lire des auteurs qui affirment  que les situations élevées des vignes sur les coteaux font également partie des  endroits les plus frais. Comme si le climat changeait diamétralement de température  sur l’année à  quelques dizaines de mètres d’altitude près et comme si en s’élevant sur le coteau le vignes générerait des vins à l’expression plus froide et vive! 

  Naïveté quand tu nous tiens. 

  Pas plus que la plaine aurait une situation « chaude » ou solaire les faces « pentues » élevées, exposées au levant ou au Sud ne sont pas des endroits où le froid procure plus - ou moins! - d’énergie aux vins. En fait ces déductions ampoulées émanent de personnes n’ayant pas à confronter leur travail sur des pentes viticoles et surtout ne pouvant observer quotidiennement ce qu’il s’y passe. 

   Oui, la neige fond plus tardivement dans les parties hautes qui sont en général sous influence des bois au dessus d’elles, oui, ce qui est abrité des vents et du soleil préserve une température plus fraîche mais non, pas sur tout un secteur et surtout pas durant les moments où la vigne est en période de croissance végétative. En fait les expositions déterminent essentiellement le moment où la vigne démarre son cycle végétatif en influant sur la longueur de celui-ci et par suite sur la durée que la vigne mettra à générer des fruits mûrs, physiologiquement. Dès lors ce qui est important a trait à la régularité des « sites » à autoriser des fruits parfaitement équilibrés. On comprendra aisément que le raisonnement est ainsi, assez différent. 

   Il est par ailleurs tout à fait probable que c’est cette adéquation entre la situation morpho-géologique d’une parcelle et la permanence qualitative qu’elle induit qui a dans le passé conduit les observateurs du vignoble à classer de manière empirique leurs valeurs agronomiques. 

 

    Le Bois de Corton forme une sorte de « calotte chevelue » dont la toison est faites de nos jours de résineux. Il n’en n’a pas toujours été ainsi car les feuillus étaient naguère bien plus ras et moins touffus et frais que ce que l’écosystème actuel laisse paraître. Sait-on d’ailleurs si cela n’a pas quelque peu changé la donne climatique pour ce cru si évidemment solaire qui, au fond, n’a à peu près aucune raison d’être le vin le plus austère et rude de la Bourgogne rouge et blanche. C’est un peu comme si l’on vous expliquait que faire du ski sur une butte quasi plane est beaucoup plus vertigineux  et sensationnel que le faire depuis le sommet des Grands Montheys!

   Le coteau est idéalement exposé au Sud-Sud-Est et atteint régulièrement les  maturités les plus avancées du beaunois et du nuiton réunis...mais ces vins seraient durs et longs à se faire? Allons donc! 

   Encore une fois il faut absolument se débarrasser de cette idée aussi absurde qu’ancrée sciemment dans les esprits par des générations de producteurs soucieux de coller à cette forme stylistique définie essentiellement en des temps où austérité  et tannicité permettait de signifier que les vins pouvaient s’exporter sans dommage. Nous n’en somme plus là, heureusement!

   Parmi les climats d’Aloxe trois d’entre eux, mixtes, sont immédiatement situés sous le bois si l’on excepte Le Charlemagne. Ils ne sont donc pas plus frais ou froid que Chaumes et Combes sont chauds mais ils ont le droit de produire du Corton rouge avec mention de leur origine et également du Corton-Charlemagne.  Exactement comme le Santenots murisaltien qui rouge devient Volnay-Santenots alors que blanc il s’étiquète Meursault-Santenots. 

 

  Ce qui les caractérise tous les trois est leur propension à autoriser une idéale maturité aux deux couleurs en préservant une réelle complexité de cru et une singularité étonnante. Ils sont un peu les sphinges de la Montagne car parfaitement aptes à générer des vins de très longues gardes selon les choix de plantation de leurs producteurs. Toutefois évidemment les hauts ont tendance à blanchir là ou les bas aiment à être complantés de noiriens. Il y a toujours une logique chez les vignerons...mais pas toujours car évidemment des contre-exemples existent.

 

  « Le » Corton est entièrement orienté à l’Est et est formé de deux bandes étroites orientées Nord-Sud et qui sont parallèles. La première, la plus vaste et large est située sous le bois de Corton mesure un peu plus de 7 hectares, la seconde sur 4.5 ha est juste  en dessous de la première et est plus proche  dans son esprit des Clos du Roi et des Renardes en dessous d’elle. De ce fait même de nombreuses parcelles sont complantées dans le sens Nord-Sud en travers de la pente, et évidemment cela a une incidence sur la maturité des fruits. Ce choix viticole est tantôt guidé par une volonté de capter la lumière, tantôt et plus sûrement pour faciliter la culture de la parcelle en allongeant les rangs positionnés sur une pente assez modeste. Cela complique toutefois le travail des enjambeurs et induit un important travail de mains. 

   La partie haute plantée quasiment entièrement en chardonnay sur un substrat calcaire maigre et de couleur claire a le droit aujourd’hui de s’appeler Corton-Charlemagne, alors que curieusement elle porte l’historique « Corton blanc » qui est un vin très différent du Charlemagne car moins vineux et plus directement marqué par ces terres pauvres et son emplacement induisant des vins aériens et plus fins que puissants. On aime aujourd’hui l’emmener sur des sentiers aromatiques plus incisifs qui exaltent une nature svelte et un bouquet d’agrumes parfois simpliste alors que sa nature florale très délicate est minorée. Je vois cela comme une forme d’incompréhension du secteur car il n’est plus vraiment lui même. Possiblement proche du merveilleux Vergennes de Ladoix à son meilleur, il est très différent aujourd’hui comme hier des Charlemagne qui versent vers le Sud.

   La partie basse, plus argileuse et encore plus étroite est une des meilleures terres à pinot de la Montagne. Parfaitement drainée, idéalement exposée au  levant - comme toute la Côte de Beaune - et à une altitude comprise entre 279 et à peu près 300 mètres, elle cumule tous les ingrédients permettant d’offrir aux plants de pinot une exceptionnelle maturité en même temps qu’un équilibre parfait. La maison Bouchard est ici très majoritaire -comme dans le dessus - et produit un vin sombre et assez profond qui par choix ne cherche pas la douceur. Un style classique, un peu ferme.

 

Le Corton Les Languettes (7ha 23a 75ca) est en fait l’exact prolongement du Corton et constitue comme lui une « langue » de terre qui borde le bois se situant au dessus. Il descend toutefois plus bas que « Le Corton », vient tout contre le Clos du Roi et au dessus des Perrières et commence en sa partie ouest à regarder le Sud-Est. Le nom évoquerait la morphologie des lieux ou - sans doute plus justement - une ancienne petite chausse dont les vignerons usaient lors de leur labeur dans les vignes. De ce fait ces sols maigres sont un peu plus solaires et sa maturité un rien plus précoce. Des sols blancs à bruns foncés marqués par le calcaire en font une idéale terre à blanc fin et délicat qui peuvent s’appeler Charlemagne. Ils n’en n’ont pas la texture puissante et cette matière exceptionnelle qui singularise les meilleurs secteurs de Charlemagne - et surtout « Le » Charlemagne - mais s’expriment sur une élégance qui est très beaunoise et qui évoque la Côte des blancs entre Meursault et Puligny avec un peu moins de tension. Quelques rouges sont ici produits et comptent parmi les plus élégants de la commune lorsqu’ils sont vinifiés dans ce sens et récoltés à pleine maturité. Autrement ils peuvent confiner à la maigreur et perdent potentiellement leur statut de grand cru. 

 

Le Corton Pougets (9ha 83a) annonce Le Charlemagne qu’il touche à l’Ouest et montre un changement important d’orientation car orienté Sud-Est-Sud il se montre  plus précoce et solaire que son voisin en dépit de sa position élevée dont une petite partie touche le bois. Considéré comme une magnifique terre à blanc il donne essentiellement des Corton-Charlemagne même si Rapet et Jadot produisent ici des cuvées rouges profondes et racées. Ce secteur est pour moi la partie « premier cru » du Charlemagne car il n’a rien d’un Corton blanc en ce sens que sa vinosité est plus affirmée et pas tout à fait le grain de texture ultime du climat « Le Charlemagne » qui a bien des titres possède plus de profondeur et de complexité. Grand cru est donc un costume un peu grand pour lui comme le versant Ouest du climat « En Charlemagne » sur Pernand. Sa face orientée Sud sur des terres pauvres et pierreuses annoncent la nature du plus grand blanc de Bourgogne mais il n’en n’a pas toute la magie.

Le Grand cru Corton-Charlemagne

 

   La commune d'Aloxe a été contrainte au fil des décennies de partager "son" Corton avec ses deux voisines de Ladoix et Pernand. 

   Ces deux communes joignantes de son finage lui ont largement fait plier le genou pour s'approprier le nom du prestigieux Cru auquel elles n'avaient historiquement pas droit. Cette forme d'imposture admise de nos jours est née au début du vingtième siècle lorsque le parlement a décrété une loi autorisant les tribunaux à procéder à la délimitation des appellations contrôlées. Ainsi, depuis de nombreuses années les crus sélectionnés par le négoce de la place de Beaune "à la tasse" étaient classés sur la qualité avérée des vins une fois vinifiés et il était d'usage constant de largement puiser dans les communes limitrophes pour "multiplier" la production sans, pensait-on, léser l'acheteur.

   Ces "vins de classe" n'avaient toutefois pas les mêmes cahiers des charges que ceux qui de nos jours sont issus d'origines déterminées selon des règles définies par avance. En somme aujourd'hui le sol confère le nom là où il y a moins de cent ans la qualité de ce qui était produit conférait un nom à la cuvée sans que l'on soit trop regardant sur l'origine elle même! 

   On comprend aisément pourquoi, au moment de classer les sols, les syndicats qui se sont créés dans les années 1920 ont eu la volonté de poursuivre la vente plus lucrative de vins de "premières classes"/ Grand Cru plutôt que de "villages" ou " premiers crus" écoulés avec Ladoix ou Pernand comme village de référence. 

   Aloxe tenta de se rebiffer en ne voulant admettre que le Rognet de Ladoix dans un premier temps et en laissant "Charlemagne" à Pernand sans lui adjoindre le précieux sésame "Corton"...l'affaire fit grand bruit, les syndicats communaux se déchirèrent, les jugements se succédèrent et sans entrer dans toutes les arcanes de ce feuilleton qui anima longtemps le beaunois, un terrain d'entente fut trouvé en attribuant à chaque commune des secteurs Grands crus estampillés "Corton".  

 

   Durant tout le vingtième siècle les communes de Pernand et Ladoix ne cessèrent d'étendre leurs "pré-carrés en Corton" et des sols aux valeurs agrologiques moindres obtinrent des accessits à tous le moins généreux. Nous y reviendrons lors des chapitres concernant ces finages mais il me paraît évident aujourd'hui que pour comprendre les crus de cette commune et leurs incroyables potentialités, il faut les re-classer selon une logique plus rigoureuse, en déterminant une hiérarchie qui auraient dû apparaître dès l'origine des appellations. Elle en tirerait aujourd'hui un prestige mérité qui s'est quelque peu dilué de nos jours. Hélas, car ce grand Cru à son meilleur est incomparable.

 

  Corton est par le jeu de ces extensions le plus vaste des grands crus bourguignons. Il englobe la quasi totalité de la fameuse "Montagne de Corton" que se partagent les villages de Pernand-Vergelesses, Aloxe Corton et Ladoix-Serrigny. 

 

  Appellation  complexe à appréhender car elle mêle des expositions variées, des substrats géologiques différents, des cépages multiples, des noms différents sur un même climat et cerise sur le gâteau a le droit de s'exprimer en blanc et en rouge sur toutes ses parcelles! Et encore cela serait-il simple si certains blancs n'avaient le droit de se nommer en quelques endroits "Corton-Charlemagne" et en d'autres "Corton blanc", voire "Charlemagne" seul...Le consommateur peut y perdre son latin et a bien du mal à distinguer en moyenne une vraie unité dans cette complexe "mer" de vignes.

 

  Pourtant les vins ne manquent pas d'atouts, tant ils peuvent transcender leurs sols et s'exprimer avec une puissance tellurique inouïe. Ainsi produit-on ici sur certaines parcelles les rouges les plus corsés que le cépage pinot noir peut engendrer, aussi denses que les Chambertin et intenses que les Richebourg vosniens, avec un "je ne sais quoi" de plus sauvage et de moins raffiné, mais également avec un potentiel de longévité hors du commun. Les blancs quant à eux sont sans conteste les plus vineux et les plus riches de Bourgogne et demandent une patience infinie avant de se livrer pleinement. Ils ne sont jamais meilleur qu'après 25 ans de maturation et certains exemples de bouteilles centenaires peuvent encore aujourd'hui défier le temps.

 

  Les Corton-Charlemagne sont en général plantés sur les versants sud, sud-est et sud-ouest de la "Montagne" et forment une bande médiane à haute qui monte jusqu'aux sapins qui coiffent le coteaux. Plusieurs sous lieux-dits le composent mais les plus recherchés sont proche de la fameuse croix du Charlemagne qui est située au coeur du finage : En Charlemagne,Languettes, Pougets. Quelques zones existent également du côté de Ladoix et dans la partie qui regarde l'ouest sur Pernand, mais celles-ci sont un peu moins qualitatives en dépit de leur statut de grand cru. Il convient donc de connaître avec précision le parcellaire de ces presques 100 hectares de vignes blanches - dont près de 72 hectares de Corton-Charlemagne,  selon les dernières déclaration de récolte - sans négliger la qualité de la viticulture qui l'accompagne.

   

   La colline est très pentue et marquée en ces endroits par des sols clairs, caillouteux et filtrants du jurassique supérieur. Ces terres blondes exposées sud donnent des vins d'une force interne ahurissante qui peuvent parfois évoquer la trame tannique d'un vin rouge en déclinant des arômes épicés extrêmement originaux. Le fait de pouvoir planter différents types de pinots - blancs, liébaut, beurot- en complément du chardonnay dominant, voire d'associer l'aligoté - un usage ancestral- marque encore plus ce vin vibrant et unique lorsqu'il est réussi. Las, l'oenologie moderne a beaucoup niveller le cru ces 15 dernières années en demandant aux vignerons de couper plus précocément leurs parcelles. Le vin y a sans doute perdu un peu de son âme vineuse, tout en se "recentrant" sur des canons plus actuels liés à la tension acide. Je suis parfois dérouté par le conformisme de l'appellation sur ces dernières millésimes, mais il reste que lorsque le vin est réussi, il peut dominer de la tête et des épaules n'importe quel très grand vin blanc.

 

   Plusieurs zones ne recoupant pas nécessairement les lieux-dits cadastrés peuvent être il me semle isolées:

 

En premier lieu la zone originelle qui est positionnée "à cheval" sur les communes des Pernand-Vergelesses et d'Aloxe-Corton et qui regroupe la partie Est du lieu-dit En Charlemagne - les vignes qui regardent le Sud - et l'intégralité de celle qui la suit sur Aloxe-Corton et qui se nomme "Le Charlemagne". Les vignes sont orientées Sud et ce côté très solaire leur procure toujours une puissance interne insurpassable en même temps qu'une nature mûre et épicée - la fameuse cannelle du cru - d'une rare originalité. Il s'agit de la zone la plus typée Charlemagne et sans doute à mon sens de la seule qui possède toutes les qualités de ce grand cru unique. Elle mesure moins de 30 hectares.

 

  En second lieu la zone Ouest du lieu-dit En Charlemagne qui est aussi intéressante au niveau de son substrat mais qui, plus froide, donne des vins plus directements vifs et tendus avec une olfaction qui évoque d'avantage les agrumes que les fruits blancs et une matière souvent moins riche et puissante. C'est la zone qui exhalte sans doute le plus le fruité variétal du cépage et qui parfois est parsemée de pinot blanc pour conférer aux vins un peu plus de viscosité sur leur trame acide.

 

  Une troisième zone englobe Languettes et Pougets sur Aloxe-Corton et est d'une rare élégance car l'exposition qui verse vers l'Est impacte le cru du côté d'une "floralité" aussi étonnante que racée. Les vins qui en sont issus sont potentiellement les plus fins et distingués du coteau et souvent ils rivalisent avec le secteur originel en année d'équilibre. Climats réguliers d'une étonnante sensualités, ils sont sans doute les "fils" des vins que l'on trouve sur la Côte des Blancs entre Meursault et Chassagne au niveau de leur équilibre, de leur texture et de leur profil olfactif.

  Le secteur du dessus du climat « Le Corton » quasi exclusivité de la maison Bouchard est très original et donne des vins salins et racés qui peuvent en année chaude développer une finesse de texture incomparable. Toujours impeccablement vinifiés ces vins excellents sont hélas parfois marqués par des doses un peu élevées de sulfite qui leur procurent une pureté « sulfitique » évidente mais qui a tendance à amaigrir un rien trop la matière première initiale formidable qui est la leur. A contrario, ils vieillissent parfaitement. 

 

   La dernière zone inclut les parties situées sur Ladoix-Serrigny qui  font suite aux vignes rouges d'Aloxe (Bressandes-Clos du Roi-Renardes) et qui me semble moins denses et moins qualitatives en ayant plus le profil de beaux premiers crus en raison autant de leur situation élevée que d'un substrat moins qualitatif pour la production d'un Charlemagne racé. Ainsi Hautes Mourottes, Mourottes et Carrières devraient être exclus de ce grand cru car ils n'en ont pas toute l'extrême puissance. Le meilleur endroit du secteur est sans aucun doute les Vergennes mais il se vend soit en rouge soit en Corton-Vergennes sans mention de Charlemagne.

 

Ecrit par Patrick Essa - 2018

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Le Corton:  le seul grand cru ayant plus de 1000 ans?
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Publié dans Corton, Aloxe-Corton

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