Livre web: Les crus de Chablis
Les crus de Chablis
Ecrit par Patrick Essa, vigneron à Meursault au Domaine Buisson-Charles et producteur de Chablis - 2019
Avertissement liminaire: ce texte, comme l'ensemble de ceux mis en ligne sur ce site, n'est pas une compilation d'informations antérieures provenant d'autres sources, il est l'expression originale d'une analyse personnelle qui croise savoirs de terrain, dégustations régulières depuis plus de 25 ans et expériences de vinifications. Les seuls éléments effectifs sur lesquels je m'appuie proviennent de savoirs géologiques et/ou historiques publiés par des chercheurs et scientifiques uniquement. Voir la bibliographie mise en ligne.
En 1935 le vignoble de Chablis est dans une situation précaire. Moins de 600 hectares sont plantés et la région se remet à peine de sa destruction par le phylloxera et des affres d'une grande guerre qui a décimé ses forces vives en emportant nombre de jeunes vignerons. Si le négoce continue de diffuser des vins dont les origines sont peu vérifiables et que le nom du village est déjà devenu un "marque" plus qu'un vin issu d'un finage icaunais délimité, les crus nés dans le haut moyen âge souffrent pour être reconnus à leur juste valeur.
Chablis est un vin de cailloux pour beaucoup de dégustateurs car il évoque avec constance la minéralité faites vin blanc. Les indices qui convergent vers ce caractère accepté sont nombreux: la région est située dans la fraîcheur d'un Nord extrême pour le chardonnay, son sol est calcaire, son relief est fait de combes, de vallées sèches et de pentes abruptes et surtout les pierres petites, grandes, érodées, superficielles ou profondes jonchent son substrat au niveau de toutes les altitudes qui le composent.
Des le douzième siècle les moines cisterciens de Pontigny et ceux de l'abbaye Saint Martin de Tours remanient considérablement le déjà fort ancien vignoble de Chablis en défrichant avec méthode les pentes versant vers l'Est et le Sud Est qui entourent la vieille ville et se prolongent vers les villages avoisinants. Ces derniers disposés en étoile autour du "bourg mère " sont alors sous domination champenoise au Nord et Bourguignonne au Sud et les ententes pour essarter les meilleurs coteaux donnent lieu à de multiples ententes et controverses.
Mais les moines qui observent la règle cistercienne sont aussi rigoureux qu'opiniâtres, diplomates et patients et les cerfs qui les servent feront de ces contrées l'un des plus vastes et qualitatifs ensemble de vignes au beau milieu d'un royaume de France qui fluctue au gré des frondes, luttes intestines et guerre en tous genre. A bon droit il est permis dès lors de signifier que le nom des Chablis est pensé et conçu par une gestion monacale capable de situer "hors des aléas politiques", et créé par des bras paysans. Parmi ces derniers de nombreuses familles ont encore des racines en "pays" Chablisien.
Ce vignoble n'est alors pas conscient de la nature géologique des sols sur lesquels naissent leurs crus d'un petit raisin à grappe serrée dit "beaunois". Il est toutefois évident que ce nom de cépage est importé par les cisterciens d'une Côte d'Or qui alors se nomme pays Beaunoy. Le monde bourguignon apporte une part culturelle qui se mêle aux usages anciens et ainsi le fameux "César" antique qui est souvent récolté pour produire des rouges vermillons commence à reculer au profit du " pineau blanc" ou du gouet... Desquelles les souches de chardonnays et pinots semblent provenir directement.
Des géologues peu assurés brandissent alors - début du 20 ieme siècle - le spectre du kimmeridgien pour entériner la valeur agrologique nécessaire et suffisante à sa production en méprisant cordialement, et de manière sectaire et inconsidérée, les autres étages géologiques. Une rigueur excessive qui s'avèrera de plus, bien approximative avec les investigations plus poussées qui suivront.
Quelques vignerons visionnaires décident alors de classer les meilleures terres en adoubant 5 grands crus: Vaudésir, Clos, Valmur et Grenouilles sur Chablis et Blanchot qui les jouxte sur Fleys. Deux ans plus tard Bouguerots et Preuses les rejoindront, le premier fort critiqué en dépit d'une petite zone touchant Preuses et Vaudésir plus qualitative. En 1937 ce "sept majeur" représente près d'un quart du Chablis de noble origine et Grenouilles est alors le cru qui se poitionne juste devant Preuses et Bouguerots dans l'esprit des Chablisiens qui continuent même de tenir en plus haute réputation peut être les secteurs de la Côte de La Fourchaume sur la Chapelle Vaupelteigne, de la Montée de Tonnerre sur Fleys et de Mont de Milieu, trois zones historiques incontestablement reconnues depuis le 16 ième siècle. Signalons toutefois que si le bas du climat a les pieds proches du Serein et des Grenouilles croassant, le dessus lui, a toujours été considéré comme aussi qualitatif que la Moutonne, les Clos et les Vaudésirs. Sans compter qu'au moment des classements les Envers des grands crus étaient en bois ou en friches et que le bas des Clos servait de prés en certaines zones pour les cheveaux que l'on utilisait lors des travaux viticoles quotidiens.
Chablis Premier Cru: La Côte des Vaillons et des Lys
Le vignoble de Chablis est original, son épicentre est formé par le coeur de ses très réputés grands crus qui surplombent la rive droite du Serein, les premiers crus de ce secteur les prolongeant naturellement. En revanche le reste du vignoble semble partir en large côtes perpendiculaires à la ville même et colonise les Vaux (petite vallée) de la rive gauche.
Ce sont des crus forts différents qui naissent sur ces coteaux pentus orientés vers le sud-est et marqués par un substrat kimméridgien car ils s'expriment de fort belle manière sur la durée si l'on sait être patient. Ils font alors partie du cercle restreint des vins issus du chardonnay à fort caractère tellurique et revêtent souvent un équilibre général qui place le vin lorsqu'il est produit sur des rendements mesurés en situation de minéralisation de ses arômes. Entendez par là une ligne générale qui implique des sensations olfactives iodées et une subtile alchimie entre amertume de bon aloi et salinité de l'impression tactile que laisse le liquide sur le palais et l'extrémité de la langue.
La plupart des vins de la région ont une forme technique impeccable et une pureté d'ensemble satisfaisante que leur confère souvent les élevages en cuves thermo-régulées et une mise en bouteille relativement précoce après huit mois d'élevage. J'aime boire ces "formats" simples dans leur jeunesse et ne cherche rien d'autre alors que leur fruité primaire magnifié par des arômes floraux primaires parfois envahissants. Mais je sais qu'il est également possible de trouver des cuvées plus ambitieuses, issues de rendements raisonnables, moins mécanisés et élevés dans une optique de vieillissement. Ces dernières seulement me paraissent devoir mériter la véritable "aura" que ces vins à l'époustouflant potentiel peuvent revendiquer.
Vaillons est situé en face de la ville de Chablis, perpendiculairement aux grands crus qui sont de l'autre côté de la ville. Le lieu-dit originel est assez peu étendu - environ 15 hectares - et situé au coeur de la Côte en sa partie haute et médiane mais comme souvent les crus qui sont voisins ont le droit de prendre son nom où de s'affirmer seuls. Cependant, à part les Lys, les cuvées de Mélinots, Sécher,Châtains, Roncière, Beugnons et Epinottes sont confidentielles. Et puis soulignons que cette côte pentue est homogène et qu'aucun Vaillons ne naît sur des surfaces de piètre qualité.
Le nom « Les Lys » n’apparait pas avant 1816, où il est mentionné pour la première fois. On signalait alors en ce lieu un îlot de vignes, dîtes de «Champlain ». Toutefois on retrouve sur deux plans, datés de 1770 et 1789, la parcelle de « Séché » qui aboutit par le haut au «chemin des lis». A partir de 1816, quelques propriétaires, bientôt imités par d’autres, ont surnommé leurs vignes de « Champlain » du nom du chemin voisin. Le nom « Lis » existait, mais selon certaines sources n'aurait rien à voir avec la fleur, ni la couronne royale. Pour d'autres en revanche il s'agit d'un ancien secteur historiquement appelé "Clos des Roys" et qui était selon la légende propriété de ceux-ci.
Sur le cadastre de 1829, la partie superieure du lieu-dit « Champlain » fut baptisée « Les Lys » par un arpenteur. C’est donc entre 1816 et 1829 que « Les Lys » s'affirment pleinement. Son nom proviendrait alors du mot « lisière », dérivé de « lis », du latin LICIUM « bordure, lisière, frontière » ou de ce Clos royal fameux qui est aujourd'hui oublié de tous.
Ces crus de Vaillons et Lys et les quelques sous lieux-dits qui le complètent sont parmi les crus de la rive gauche du Serein les plus fins et distingués. Loin d'avoir l'intensité de Montmains ou la magie équilibrée de la formidable Côte de Léchet ce sont des crus les plus délicats et subtils qui demandent un peu de temps pour s'ouvrir pleinement. Assurément un cru de haute volée dans un écrin naturel splendide. Je suis toujours subjugué par les accents floraux des crus les mieux exposés et par leur capacité à vieillir en préservant une fraîcheur et une tension unique. Je me souviens de Lys 1947 somptueux, de Beauroy de plus de trente ans impeccables de vivacité et d'énergie et de glorieux Vaillons fins, distingués et d'une suprême élégance.
La Côte de Léchet à Milly:
Les origines de la vigne à Chablis ne sont pas clairement établies et ce qui s'y passe avant le haut moyen âge est assez obscure même si l'on est à peu près certain que la région portait déjà des plants de vignes. Il est de coutume d'identifier l'abbaye de Pontigny - fille de Citeaux en Côte d'Or - comme instigatrice de la viticulture sur les pentes raides des abords du village de Chablis. Cela renvoie quelque peu les inepties écrites par les tenants d'un chablisien aux accents "champenois" dans les cordes même si la chatellenie de Chablis fût sous la domination distante de cette région voisine durant une période assez longue... Mais nous reviendrons sur ce fait et ses origines dans des chapitres ultérieurs!
Une tradition orale insistante affirmant que les moines plantaient face au levant, il est probable que la "Grande Côte de Milly" fut parmi les zones cultivées en premier par leurs soins. Cette bande de terre extraordinairement pentue - jusqu'à 38% - fait face aux vignes de Champlain (AOC village) et aux hauts des Lys, cette côte là est un peu la jumelle de celle de Vaillons qui lui fait suite au Sud. Elle est composée de deux lieux-dits, la Côte proprement dites et une zone basse médiane moins pentue et un peu plus argileuse dénommée "Le Château".
Jean-Paul Droin, vigneron émérite et historien en définit l'étymologie ainsi: " Prononcez « Côte de l’Chet », cette zone est défrichée et plantée en vigne depuis fort longtemps. « En Léché » est cité en 1429, orthographié au cours des siècles selon les arpenteurs et les notaires «la cheë », « léché », « le ché » fut même substitué par « grandes côtes de Milly » en 1610. Pourquoi ne pas voir ici un lien avec le verbe « lâcher » du latin LAXICARE, LAXARE, dans le sens d’abandonner, de laisser tomber ? Cette côte aurait-elle était abandonnée un temps ? Un lieu-dit, situé sur la commune de Chichée, s’appelle « Côte Lâche », ce qui le confirmerait. Mais « Côte de Léchet » pourrait aussi tirer son origine du mot « laîche », du pré latin LISCA, nom d’une plante poussant dans les lieux humides. Le fond de la vallée aurait alors donné son nom à la côte. Autre hypothèse, en vieux français le mot « lèche » désigne une mince tranche de pain, à l’origine du mot « lichette », synonyme en langage familier de petite quantité. Certaines années, après le gel, la coulure, la grêle et les insectes ravageurs, les vignes produisaient si peu qu’il n’y avait pas lèche dans cette côte ! "
Cru pentu, solaire et fort étendu - 37 ha classés - reposant sur un sol argilo-calcaire du kimmeridgien, il possède les fameuses petites huitres fossilisées "exogira virgula"qui ont servi de fil conducteur géologique à l'élaboration des classements en ces contrées. C'est également une des zones solaires les plus marquées du chablisien. Cru très qualitatif en raison de sa finesse et de son grain souple et plein qui le distingue nettement de ses voisins, la Côte de Léchet est sans doute l'un des crus les plus sensuels de Chablis. Ce cru est toujours construit sur une jolie maturité car ses pentes abruptes lui confère un excellent drainage et une idéale insolation. Ce fait notable conjugué aux vents qui s'engouffrent dans cette vallée sèche permettent à ce Climat de ne quasi jamais souffrir de forte pourriture. Il voit alors ses fruits minéraliser ses arômes et y puise un équilibre vif, droit et énergique en même temps qu'un caractère discret, fin, souple et retenu qui demande du temps pour être évalué à sa juste valeur. Moins démonstratif que Montmains, La Fourchaume ou Montée de Tonnerre, il en a assurément la stature et peut même regarder les grands crus dans les yeux après un long vieillissement. Je le tiens pour le cru le plus sous-estimé du Chablisien.
La Côte des Montmains, Forêts et Butteaux:
Orthographié « Montméen », « Montmoyen » dès 1537, autrement dit le mont moyen, « Montmains » est un "mont" se trouvant à une altitude intermédiaire entre deux côtes plus élevées. Il fait partie du vignoble originel de Chablis qui s'est probablement développé sur les pentes orientées au Sud Est dans les vallées faisant face au village.
Ce cru célèbre de la rive gauche du petit cours d'eau Serein a été mis en culture dans des temps immémoriaux et de manière certaine dès le troisième siècle de notre ère sous le règne de l'empereur romain Probus. Quelques siècles plus tard, en 867, le roi Charles II dit le Chauve (petits-fils de Charlemagne) transmet aux moines de Tours le bourg de Chablis et le monastère de Saint-Loup, ils viendront plus tard y déposer les reliques de Saint Martin. Ils développent la vigne sur les coteaux qui fond face au Serein, cœur historique du vignoble chablisien et emplacement actuel des meilleurs crus. En 1118, les moines de Pontigny concluent un accord avec les moines de Saint-Martin de Tours leur donnant le droit d'exploiter trente six arpents de vignes autour de Chablis (soit environ vingt-deux hectares). Pour vinifier et entreposer leur vin, ils firent construire à Chablis le « Petit Pontigny », dont le cellier existe toujours, et qui abrite aujourd'hui de nombreuses manifestations vigneronnes et sert de siège au Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne à Chablis.
La question est aujourd'hui de déterminer quelles furent les premières côtes plantées? Si beaucoup d'observateurs évoquent les coteaux des sept grands crus actuels, certains font à bon escient remarquer que les moines ne plantaient que très rarement en plein Sud et qu'ils auraient pu en premier lieu coloniser les vallées sèches de Léché, Montmoyen et Vaillon, soit un vignoble qui part du village de Chablis pour aller en direction des actuels bois de Milly. Ces zones assez fortement inclinées au Sud Est possédant toutes les caractéristiques morpho-géologiques requises par des moines cisterciens venant - ne l'oublions pas - d'une Côte d'Or où toutes les vignes regardent le levant de face. Je pense plausible de souligner que ces coteaux correspondaient en compagnie des grands crus aux 550 hectares que le Moyen Age reconnaissait à ce vignoble.
Beaucoup plus tard, dans le courant des années 1970/80 les nombreux premiers crus du bassin sédimentaire chablisien furent regroupés en grandes entités pour une meilleure lisibilité. Ainsi les pentes de Montmains qui portent également Forest et Butteaux furent toutes autorisées à se nommer Montmains. Dans les faits toutefois il existe nombre de viticulteurs qui revendiquent les noms ancestraux. A bon droit il me semble. La côte est vaste et mesure plus de cent dix hectares.
Des Butteaux à l'Ouest aux "vrais" Montmains à l'Est elle forme une entité cohérente posée sur une pente un peu moins forte qu'en Léchet et Vaillon mais qui peut atteindre les 20%! Elle est située sur la rive gauche du Serein. Entre Butteaux et Montmains ses 110 hectares regardent le Sud Est. Son sol de l'étage kimméridgien est marqué par les fameuses huitres fossiles de type "exogira virgula" qui ont servi de "référence géologique" au classement des zones de production de la région. Un substrat clair, arilo-calcaire, situé sur une zone pentue et filtrante procure aux raisins une dynamique interne étonnante qui peut aller jusqu'à des expressions sévères en jeunesse lorsque le millésime est froid.
Cette zone constitue sans doute l'un des endroits les plus septentrionnaux où le chardonnay peut s'épanouir en donnant des crus de haute qualité. Forest ou Forêts - qui a légalement le droit de s'appeler Montmains - mesure seul près de 21 hectares mais seule une petite partie de ses producteurs revendique ce nom, il en est de même pour Butteaux, plus rare encore. De petites parties des Chablis "Villages" Vaux Miolot, Vaugerlains et Ecueillis ont droit légalement de devenir Montmains, ce sont des zones à sols comparables.
Le vin le plus "éclatant" et célèbre du secteur est sans doute celui du domaine Dauvissat qui sur plus de 4 hectares de Forest s'est fait une très large - et méritée - réputation avec le nom de ce cru. Mais vous en trouverez aussi d'excellents "specimen" chez Raveneau ou Moreau-Naudin. Les vins ont un caractère notable de silex frotté et de mousseron d'automne et se livrent assez aisément en jeunesse. Montmains est le plus accessible, Forest est plus droit et salin et Butteaux un peu plus frais est aussi parfois un rien austère. Mais évidemment la patte du vinificateur donne aussi une belle singularité aux vins, et je n'évoque ici que les traits principaux. J'apprécie ce cru intense et plein pour sa forme très typique qui en fait un Chablis très reconnaissable, le chardonnay du Nord dans toute sa pureté.
La Côte de la Fourchaume:
La Fourchaume est à Chablis ce que Morgeot est au village de Chassagne-Montrachet, une constellation d'étoiles/climats qui gravitent autour d'un cru célèbre depuis des temps immémoriaux. Suite logique des grands crus de la cité de Chablis situés sur la rive droite du Serein, cette côte qui regarde majoritairement le Sud-Est est aussi vaste que qualitative.
Possession de la petite bourgade de La Chapelle Vaupelteigne, le cœur historique originel du cru est aussi bien positionné sur le coteau que les sept grands crus. Il possède par ailleurs l'avantage de ne posséder aucun envers plus frais et tout comme les autres climats classés premiers crus ses pentes sont comprises entre 130 et 200 mètres d'altitude, soit un vignoble situé en moyenne 100 mètres plus bas que ceux des blancs de Côte d'Or.
On a tendance à l'ignorer mais cette portion sur La Chapelle est sans doute la plus parfaite du vaste ensemble que regroupe aujourd'hui le premier cru et qui comprend donc: Fourchaume et une partie de Vaupulent à La Chapelle-Vaupelteigne; le Sud de Vaupulent et Vaulorent sur Chablis même; la Côte de Fontenay sur Fontenay près Chablis et « L'Homme Mort » sur Maligny. Assez curieusement ce vin est avec constance décrit comme le plus souple et le plus précoce automatiquement de la région, hors sous ce nom cohabitent les expositions les plus diverses et les pentes les plus variables, Il est des lors assez peu rigoureux de le singulariser de manière aussi tranchée.
En effet du presque plat de Vaulorent qui jouxte les Preuses du Nord aux pentes sèches du dessus de l'Homme Mort, en passant par l'homogénéité d'une Côte de Fontenay à dominante Est-Sud-Est il est clair qu'il faut considérer au moins quatre grands blocs dans ce cru mesurant plus de 100 hectares au total et tous marqués par le substrat kimmeridgien.
Le premier bloc au Sud de la Côte de la Fourchaume est celui de Vaulorent qui est séparé des autres Fourchaume par la vallée de Fontenay et coiffé par les bois frais du Taillis. Sa partie médiane qui plonge vers le Serein et qui est orientée Sud Est est la plus parfaite du climat et pourrait par son insolation idéale, sa pente régulière et son substrat kimmeridgien offrir un possible " super premier " si les vins étaient isolés. Ils n'ont à mon sens pas toute la subtilité et la tension austère des meilleurs grands crus et les accents fréquents de mandarine que l'on perçoit ici en année humide signale un impact évident du botrytis que l'on ne retrouve pas sur le lieu-dit originel. La partie qui s'engouffre dans la vallée de Fontenay, orientée Nord-Ouest est plus tardive et moins vibrante. Les vins de Vaulorent sont toutefois à leur meilleur de fiers crus évoquants quelque peu les Preuses avec un caractère un rien plus élégant mais moins de puissance. Buvez celui de William Fèvre.
Juste en face de ce Vaulorent un peu inégal se trouve une Côte de Fontenay très homogène et à même de livrer des fruits de nature fraîche qui exaltent la tension et autorisent une parfaite minéralisation des arômes. Elle n'a toutefois pas la richesse des meilleurs Vaulorent mais les Fourchaumes qui naissent en ces lieux ont une ligne pure, racée et saline d'une rare noblesse. Les vents de la vallée sui assèchent les raisins et font reculer les maladies n'y sont pas étrangers. Par ailleurs seule la meilleure portion du coteau est classée car les vignes plus tardives et hautes sises sous le bois Mitais en sont exclues.
Le troisième bloc est extraordinaire, situé à cheval sur Chablis au Sud et La Chapelle Vaupelteigne au Nord, il comprend les Vaupulans et la Fourchaume originel. Au Sud-Est ces pentes franches et uniformes captent idéalement les rayons du soleil pour autoriser des maturations précoces qui donnent des fruits toujours bien chargés en degrés. Le risque est ici de cueillir un peu trop mûr et de se laisser aller à des rendements un peu généreux, car alors les vins perdent leur caractère "Nordien" et confinent à une mollesse que certains dégustateurs lui reprochent parfois. Mais il ne s'agit pas d'un effet de terroir, plutôt d'une interprétation imparfaite du vinificateur. La zone de Vaupulans qui jouxte la Côte de Fontenay est un peu plus tardive en moyenne mais peut précisément contrer cette naturelle tendance à la douceur.
Enfin au Nord l'Homme Mort sur Maligny est un climat un rien plus frais dans sa partie haute qui génère des crus fins et très délicats, ce que son nom curieux ne suggère que fort peu. Quelques producteurs l'individualisent car il devient recherché depuis que le célèbre Adhemar Boudin du domaine de Chantemerle l'a popularisé. Je pense toutefois que les vignes de Maligny ne sont pas en moyenne aussi qualitatives que les secteurs de Chablis et La Chapelle mais selon le vigneron... Les choses peuvent changer!
Le Mont de Milieu:
Planté en moyenne à des densités inférieures à 6000 pieds par hectare, le vignoble qui recouvre le bassin sédimentaire chablisien remonte sous sa forme actuelle à l'immédiat après guerre. En effet même si la vigne colonise ces coteaux depuis au moins deux millénaires, les plantations du 21ième siècle ont été décidées et organisées selon un cahier des charges et des décisions politiques " modernes " ayant moins de 60 ans.
La date essentielle à retenir est sans doute celle du "grand gel" de 1956 où la quasi totalité d'un vignoble déjà affaibli 70 ans plus tôt par un phylloxera dévastateur, disparaît. Chablis au début des années 1950 ne représente plus que 500 hectares et si ces crus ont été classés en 1938 et reconnus par des appellations d'origine, il continue d'être le blanc le plus copié frauduleusement de la planète en étant produit plus souvent à l'étranger qu'en Basse Bourgogne.
Dès lors les vignerons d'avant guerre souffrent, passent à la polyculture, arrachent les zones moins favorables et laissent les prés parsemer les bas de pente et le fond des Vaux pour faire paître vaches et chevaux, nous sommes alors très loin d'un paysage de type 19ieme siècle où le moindre bout de terre portait des paisseaux de vignes blanches et où le vignoble couvrait 40.000 hectares sur l'ensemble de l'Yonne, faisant de lui un des deux ou trois plus grand département de vignes de ce pays!
Dans les années soixante le vignoble opère soudainement une réelle révolution "copernicienne" et - comme toute la viticulture française selon des rythmes variables - entre de plein pied dans une logique plus productive qui vise à sauver son nom, à étendre son finage pour lui redonner son importance passée et à poursuivre les replantations engagées à la fin des années 1950. Pour cela il faut autoriser une meilleure mécanisation, lutter efficacement contre le gel et restructurer des cuviers obsolètes qui progressivement devront - au rythme des extensions - réceptionner des récoltes deux, trois, cinq, dix fois plus conséquentes. Un autre monde viticole naît...
...Le Chablis traditionnellement élevé en petits fûts de 132 litres pour être mieux acheminé sur une route d'Auxerre longue et périlleuse puis débité sur les quais de la ville et transporté à Bercy, trouvent dans les grands contenants d'acier et les les cuves inox un compagnon rationnel idéal. Sa face de "Janus bachique" change sous l'impulsion dynamique d'une nouvelle génération ambitieuse, cet ancien bon vin de "bois et de chêne" se mue en cru de cuve et les habitudes culturelles et culturales changeant sa pureté de toujours devient l'expression néo-nouvelle d'un élevage "transparent". Un tour de passe-passe étonnant mais si humain qui toutefois connaîtra quelques farouches résistances chez des producteurs refusant cette méthodique évolution d'un vin qu'ils voient se métamorphoser.
On appellera curieusement à la rescousse le voisin géographique champenois pour valider certaines pratiques éloignant Chablis du reste de la Bourgogne. Pourtant le vin pétillant du Nord refuse la machine à vendanger, plante ses vignes plus serrées, ne taille pas de la même façon, ne vinifie aucunement comme le chablisien et est marqué par des sols très différents. En dehors d'un modèle commercial qui ne marque en rien les vins...tout y est différent!
Le vrai lien historique existe pourtant, il se situe dans les Monts de Milieu. Ainsi nommés car ils séparaient une cité de Chablis en son hameau proche de Fyé sous domination des Comtes de Champagne, d'un village de Fleys au Nord qui était possession des Ducs de Bourgogne. Mais nous sommes alors dans le haut Moyen Âge et ces coteaux étaient avant tout mis en culture par les abbayes Saint Martin de Tours d'Auxerre et par les cisterciens "bourguignons" de cœurs de l'abbaye de Pontigny ayant pignon sur rue à en leur domaine du Petit Pontigny à...Chabis même. Ce vin est donc bourguignon par essence, hier comme aujourd'hui. L'oublier revient à revendiquer une très hypothétique autonomie qui ne résiste pas à la lecture fine d'une histoire tourmentée et ne fait aucunement honneur à l'éblouissant potentiel de ce vin tranquille bourguignon jusqu'au bout des ongles ...unique!
Sur plus de 35 hectares le climat de Mont de Milieu - prononcez Mont de Miyeux - se partage entre Fyé et Fleys et, encore sous sa forme historique d'origine, il est sans conteste le plus homogène de tous et sans doute l'un des quatre meilleurs de la commune. Avec la Côte de L'chet il est pour moi le plus à même d'être classé au même niveau que le sept majeur de la région. Cru de la rive droite du Serein idéalement exposé au Sud-Est sur une pente abrupte et régulière montant de 120 à 205 mètres.
Son sol kimmeridgien calcaire est assez pauvre et fait souffrir des plants de chardonnay souvent anciens car le secteur a été préservé un peu mieux qu'ailleurs des gelées de 56. Planté depuis des temps immémoriaux ce sol autorise potentiellement des fruits sains, peu marqués par les pourritures possibles de fin de saison . Il en résulte un vin souvent idéalement "mur mais point trop" qui autour de 12 degrés potentiels livre des arômes finement iodés qui ont tendance à exhaler avec le temps des effluves de mousseron de printemps et de chèvrefeuille. Un délice rare.
Les producteurs sont ici très réguliers et le Mont de Milieu est souvent un vin profond, droit et d'une persistance impressionnante. Parmi ceux que je connais le mieux les domaines Droin, William Fèvre, Barat et Pinson font des vins remarquables mais j'apprécie aussi ceux de Besson et Simonnet Febvre.
Fyé est une petite bourgade à l'ouest de Chablis qui naguère était la dernière commune possession des Comtes de Champagne. Plus au Sud les Ducs de Bourgogne possédaient les terres et sans doute en contrôlaient les pentes.
Niché au fond d'une vallée étroite ce village modeste possède le fameux grand cru Blanchot qui est le seul à regarder l'Est sur un coteau des plus abruptes. En face de lui le bloc de vignes de sortie de vallée positionné sous le bois porte une partie extraordinaire et très restreinte, La Montée de Tonnerre. Portion médiane haute en forme de triangle pointe en bas de la Côte de Brechain regardant le Nord-Est elle se situe sur une face directement orientée Sud au milieu d'un rognon virant vers l'Est dans une zone chaude, précoce et pentue.
La Montée de Tonnerre:
Ce climat historique est restreint, il mesure seul moins de dix hectares, sans doute sur ce secteur seulement les vignes les plus à même de demander aujourd'hui un adoubement mérité en grand cru avec la meilleure portion de la Fourchaume vraie et du cœur historique de la Côte de Léchet. Comme souvent à Chablis le cru agrège des zones limitrophes qui elles aussi longent la route qui monte en pays Tonnerrois tout proche. Pied D'Aloup, Côte de Brechain et Chapelot peuvent donc se réclamer de lui avec plus ou moins de bonheur. Ils forment un bloc de près de 45 hectares qui possède aujourd'hui une très flatteuse réputation.
Ce vin proche de l'esprit des Clos est d'une expression chablisienne idéale. Portant en lui tous les canons des grands vins de chardonnay du Nord, il exhalte la mineralité vraie de ces pentes marno-calcaires kimmeridgiennes parsemées d'huîtres - exogira virgula - coquillées et fortement inclinées. C'est un cru de tension, vif, droit, cristallin et ciselé qui a une certaine austérité lorsqu'il est jeune mais qui brille de mille feus au vieillissement. Je l'aime pour son esprit sans compromission et pour sa forme si typiquement icaunaise. Une pépite à prix raisonnable!
Je vous recommande ceux des domaines Christophe, Robin, William Fèvre et - mais est il utile de le citer - Raveneau qui livrent des vins pleins et capable de défier les décennies.
Les Côtes de Beine et Poinchy:
A la fin de la seconde guerre mondiale, en 1945, la ville de Chablis est dévastée. Victime de bombardements aériens, sa population décimée a bien du mal à pérenniser une viticulture qui pourtant fait sa réputation dans le monde entier. Ce bourg sobre positionné en léger contre haut du Serein observe avec inquiétude les pentes abruptes de ses grands crus se clairsemer.
Il subsiste alors moins de 400 hectares de chardonnay dans un état de délabrement et d'archaïsme agraire inconcevable aujourd'hui. La région a perdu sa gloire passée et ses vignerons souffrent plus qu'ils ne prospèrent. Sur de modestes surfaces, en dehors de trois ou quatre belles entités domaniales bourgeoises, les vignerons vivent souvent d'une polyculture nécessaire à leur subsistance qui mêle culture, élevage et vinification...ils seront en résilience pendant les dix années suivant l'après guerre.
A ce moment là le peu de vignes qu'il leur reste est frappé très durement par les gelées noires de l'hiver 1956. Comme l'Abbé Pierre qui refusa avec grandeur d'âme la misère pour les démunis, ces solides familles de producteurs refuseront de voir périr leur Chablis, celui que des générations courageuses leur ont légué. Puisque tout est mort, il faut reconstruire, replanter et accepter de redéfinir le cahier des charges d'une viticulture qui sans changement court à sa perte. Aide toi et Le Chablis t'aidera!
La France se redresse, entre en productivisme, plante, mécanise, amende et rationalise sa politique agro-viticole en impulsant les vocations et les investissements selon des cadres divers qui permettront à beaucoup d'acquérir des terres et des droits de plantation autorisant la création nouvelle d'exploitations viables en même temps que le développement des surfaces possédées par les "pionniers" historiques.
Pour acquérir et développer des marchés il faut une force de production et une régularité sans faille que le climat de la région peine à offrir. Les surfaces augmentent donc au gré des droits à planter, des découvertes de zones kimmeridgiennes identifiées et...l'on commence à lutter contre le gel car on ne veut plus être tributaire du spectre de la perte totale de récolte au printemps. Entre bougies et chaufferettes venues de certains secteurs frais de Champagne et plus généralement des vignobles septentrionaux ou d'altitude, le vigneron organise son combat contre le froid pour préserver ces bourgeons précieux de chardonnays naissant.
L'un des secteurs ayant le plus bénéficié de ces avancées est incontestablement le vignoble du village de Beine. Ce village souffre sur ses climats de Beauroy et de ses Vaux/Vallées de pertes régulières que les vignes fraîches et ventées plantées dans les années 1960 et 1970 ne peuvent éviter. En 1978 le bourg se dote d'un lac artificiel de 15 hectares pour alimenter un vaste réseau de canalisation visant à lutter contre la gelée par l'aspersion en eau des parcelles. Cet ingénieux système qui protège les bourgeons d'Avril par une gangue de glace matinale apporte une sécurité bienvenue à tous les producteurs. Ainsi, Chablis bat le froid pour mieux affirmer son caractère "Nordien" et Beine devient une zone d'expérimentation efficace qui permet à ces trois premiers crus de prendre un réel envol.
Le plus ancien et connu d'entre eux est sans conteste le très joliment nommé Beauroy. Toutefois le lieu dit originel de l'appellation est entièrement enclavé sur la commune mitoyenne de Poinchy qu'il surplombe en une forme de presque carré pentu. Le prolongement des pentes de Poinchy s'effectue sur Beine par deux climats ayant droit à l'appellation Beauroy: la côte des Troesme et la Côte de Savant separées par une petite combe sèche entaillant le coteau. Ces zones allongées, inclinées vers l'Est et marquées par les marnes kimmeridgiennes ne sont pas historiquement aussi renommées que les premiers crus de la rive droite mais gagnent à être respectées tant aujourd'hui leur équilibre salin et leur idéale expression florale confinent les bouteilles à une finesse très affirmée. Beauroy est donc un cru élégant qui ne possède pas la puissance solaire de Léchet ou la minéralité vraie de la Montée de Tonnerre mais qui brille par sa sensualité.
En face de lui dans le prolongement des bois de Milly et selon une exposition plus directement orientée au levant se retrouve les crus méconnus - et pourtant fort bons - de Vau Ligneau et Vaudevey. Ces deux côtes homogènes surplombent dans des vallées sèches des vins d'appellation Chablis de belle tenue et produisent sur des hauteurs allant de 140 à 190 mètres des vins sveltes, toniques et altiers qui ont une très belle personnalité chablisienne. Souvent moins chers que leur pairs car ils n'ont pas la profondeur des crus les plus réputés de cette rive gauche du Serein, ils constituent toujours de bonnes affaires et s'en sortent toujours bien dans les dégustations comparatives aveugles. Cherchez les!
Les Côtes périphériques:
Le vignoble de Chablis ressemble "vu depuis le ciel" - ou depuis ces drôles de Drônes furtifs et indiscrets - à un cercle concentrique articulé autour du cœur de la cité ancienne de Chablis. Ce bassin sédimentaire un peu frais en dépit de ses pentes solaires se situe à une hauteur moyenne de 150 mètres et les pentes qui le marquent partent des bas de vallées ou des pieds du petit cours d'eau Serein, nous sommes en ces points bas à environ 100 mètres par rapport au 0 du niveau de la mer.
Une mer qui précisément recouvrait les environs il y a quelques millions d'années et qui y déposa quantités de petits huîtres de type "exogira virgula" qui se sont fossilisées. Si le vignoble s'est probablement développé au début de la chrétienté sous l'impulsion des édits romains puis plus tard grâce aux efforts des moines cisterciens, il a essentiellement colonisé les pentes versant vers le Sud-Est sur les adrets de coteaux et vallées pentues entaillées de petites combes sèches et de mouvements - moutonnements - de terrains formant mamelons, creux et talwegs; en une complexité infinie.
Ainsi la rive droite du Serein, face à Chablis, regarde le village de front vers un Sud-Est prononcé alors que les Vaux de la rive gauche positionnés à son Ouest ont leurs flancs au soleil levant, plein Est et se situent quasi perpendiculairement au Serein. Quelques îlots isolés de premiers crus complètent ce bel ordonnancement morpho-géologique au pourtour des autres vignobles.
Positionnés rive droite ou gauche, ils ne sont pas toujours sous l'influence des brumes et de la fraîcheur apportée par le Serein, ni sous le haut "patronage" d'un cru historique originel. Zones parfois reconnues tardivement, car étant de valeurs agrologiques fort singulières, elles sont pourtant aussi intéressantes que souvent qualitatives même si leur nom n'est pas toujours revendiqué sur les étiquettes et que leur écoulement s'opère parfois en "villages".
Certains noms de climats sont assez recherchés par les amateurs mais je les classerai à titre personnel dans l'ordre où mon imaginaire les positionne. Je soulignerai donc que cela n'engage que mes modestes conclusions et que chacun de vous pourra à loisir débattre de ses choix sur cette interface web évolutive et libre. Un indéniable avantage...
...Parmi eux les moins célèbres se nomment Berdiot et Côte de Vaubarousse sur la rive droite à Fyé et Chaume de Talvat, Côte de Jouan et Landes et Verjus à Courgis sur la rive gauche. Outre le fait qu'ils ne sont quasiment pas usités et de proportion modeste - moins de dix hectares pour chaque - ils partagent des natures un peu fraîches, des zones élevées sous une importante influence éolienne des vents de plateaux ou de vallée et un caractère vif et tranchant.Sans les négliger il me semble qu'ils gagnent souvent à améliorer les belles cuvées de vieilles vignes de niveau village ou à apporter leur tension aux cuvées rondes baptisées d'un simple " premier cru " anonyme. En ces zones la rive ne fait guère la différence.
Vient ensuite le premier cru Les Fourneaux qui selon deux parties distinctes se trouve sur la rive droite en contre haut du village de Fleys. Les Fourneaux historiques sont placés dans le prolongement de Mont de Milieu et sur la même côte, est séparé de lui par une petite combe qui entaille le coteau et forme la "Vallée de Chigot". Il se prolonge par le petit climat de Morein qui lui est similaire. Cet ensemble homogène qui regarde l'Est est protégé des vents par le fond de la vallée, les vins mûrissent bien et ont un caractère fruité fort flatteur. En face de ce bloc, sur une pente plus directement exposée au Sud la Côte de Près Girot possède également le droit de se nommer Fourneaux. Un peu comme Le Vaulorent dans Fourchaume, elle joue sur un registre plus chaleureux et parvient à maturité précocement. Elle donne des vins fins et souples qui ont une harmonie remarquable. Ces Fourneaux sont souvent de belle tenue et sans égaler le Mont de Milieu ont de la personnalité et vieillissent bien. Cherchez ceux de Grossot, du domaine de la Meulière ou encore de Gautheron.
Courgis possède en plus de la Côte Jouan et du petit climat de Chaume de Talvat, un ensemble assez homogène qui forme le grand climat de Beauregard. Zone mesurant près de 35 hectares qui regroupe la Côte de Cuissy, le Corvées, Bec d'Oiseau et le minusucule et magnifiquement nommé "haut de la chambre des rois". Nul doute qu'un jour un viticulteur usera de ce nom commercial pour se singulariser d'autant qu'il est idéalement placé en hauteur au dessus des Beauregard originels. Ce cru est de dénomination effective assez récente mais il ne démérite jamais. Longiligne, fruité et finement iodé, il séduit dès son plus jeune âge. Ceux de Thomas Pico au domaine Bois d'Yver et de Patte Loup ont une fort belle tenue depuis quelques années.
La commune de Chichée quant à elle, abrite deux belles entités qui se font face et se situent de part et d'autre du Serein. Rive gauche, le Vosgros - prononcez Voss-gros - surplombe des vignes d'appellation village sur un "rognon" à la pente douce qui regroupe Vaugiraut, l'Adroit de Vosgros et Vosgros lui même. Ce cru parfumé et complet est assez peu reconnu mais il fait sans doute partie des meilleurs des "sans grade" car il est homogène et fort régulier et surtout marqué par une salinité qui rappelle quelque peu le Montmains. Benoit Droin produit ici un vin de très haute qualité qui est peut être son meilleur premier cru. Celui de la famille Picq est également de très bon niveau.
Sur la rive droite, au limite de Fleys et orienté plein Est se trouve l'extraordinaire cru de Vaucoupin qui ne cède en rien aux meilleurs de l'appellation et qui certaines années peut regarder au même niveau Fourchaume et Léchet. La pente y est assez forte, les vignes parfaitement ensoleillées toute la journée et l'endroit peu sensible aux maladies en raison d'une belle influence éolienne apportée par la vallée. Misez sur ceux des domaine Gautheron, Grossot, Droin et de Dampt.
Le Grand Cru Blanchot:
Le cru de Blanchot naît de son blanc substrat et de sa probable robe pâle. Les 19 ieme et 20 ieme siècle apporteront des cautions géologiques en identifiant ici un sol de nature kimmeridgienne, mais c'est bien sa situation de vallée qui le fait regarder le levant qui a conduit les pionniers de la culture viticole chablisienne à le créer. Sa forme épouse la fin de la vallée de Brechain face à la Montée de Tonnerre. Le triangle de cette dernière - lieu dit historique - est en face de la meilleure partie du Blanchot celle du centre.
Un Blanchot qui mesure un peu moins de 13 hectares et qui forme une sorte de langue épousant les formes de la vallée et qui termine quasiment plane contre le Bas des Clos. Cette situation génère un allongement de la période végétative des ceps dont les raisins parviennent à maturité plus tardivement - quelques jours pas plus - qu'en Clos ou Vaudésir. Toutefois il est faux de signifier que ce lieu est froid et qu'il constitue la zone la plus tardive des grands crus car les parties les plus élevées des autres grands crus et surtout les Envers de Valmur et Vaudésir ne sont pas plus précoces...et même souvent moins!
Dès lors méfiez vous des descriptions naïves qui induisent automatiquement fraîcheur, tension et acidité en même temps que corps plus léger pour un Blanchot qui simplement a la chance de mûrir plus lentement sur une plus longue période. Cela apporte une finesse superlative à ce cru qui est sans conteste l'un des plus élégants de Chablis, à l'égal des meilleurs Vaudésir... Eux aussi aujourd'hui trop minorés. On ajoutera que l'influence éolienne de la vallée repousse la pourriture et procure une pureté cristalline à ce cru à bien des égarés hors norme.
Parmi les nombreux producteurs d'élite qui œuvrent ici je ne saurais trop vous recommander ceux des vieilles vignes de Billaud Simon, de Jean-Paul et Benoit Droin, de Denis Race, de Daniel Étienne et Paul Defaix, de Pascal Bouchard et du domaine Raveneau. Un des dix meilleurs climat blanc de l'ensemble de la Bourgogne. Simplement.
Le Grand Cru Preuses:
Pierre, perrières, pierreuses, perreuses... Et enfin Preuses, les strates verbales de l'évolution de ce terme indiquent avec précision un cheminement vers un Grand Cru évoquant la nature minéral de son sol. Nous sommes assurément en zone privilégiée et complexe puisque mêlant plateau faiblement incliné au Sud et pentes fortes regardant le Sud-Est. Enclavées entre la Côte de Bouguerot, le Premier cru Vaulorent et la Moutonne qui se trouve au début de Vaudésir, ce climat altier est d'une rare complexité morphologique tout en étant fort bien exposé sur l'ensemble de sa surface.
On peut aisément isoler deux ensembles.
Le premier au dessus de Vaudésir est incliné en pente très douce vers le Sud-Est. Sa situation assez élevée - environ 180 mètres - lui donne une certaine fraîcheur qui préserve une énergie étonnante aux vins en leur conférant une structure ciselée d'une fort subtile élégance. Ce sont des vins aériens et séducteurs.
Le second bloc fait suite aux Vaudésirs et commence l'amphithéâtre qui conduit au sommet du coteau des grands crus. L'endroit est en pente forte et regarde vers le levant de manière marquée. Zone extraordinaire qui est aussi qualitative que Moutonne, ce secteur livre les vins les plus concentrés et dense des grands crus chablisiens et certains flacons issus de cette zone peuvent défier les décennies en gagnant encore en complexité.
Il n'est de vin ordinaire en Preuses et à bien y regarder je crois que dans chaque grand cru de Chablis, cette vérité peut être mise en avant. Celui-ci séduit chez de nombreux producteurs au talent affirmé. Goûtez ceux de Fèvre, Servin, Dampt,Moreau, Billaud-Simon et Dauvissat.
Le Grand Cru Vaudésir
S'il est un vin qui symbolise à lui seul l'extrême potentiel et la remarquable complexité du vignoble chablisien, il ne peut s'agir que de Vaudésir. Niché sur les pentes abruptes d'un amphitéatre naturel qui surplombe une vallée sèche, son vignoble est obligé de puiser loin dans les anfractuosités d'un sol dur où la roche-mère affleure pour subsister. La vigne souffre comme dans peu d'endroits de Bourgogne et les rendements y sont donc naturellement ténus générant des raisins gorgés de sucs, croquants et idéalement équilibrés. Le sous sol du kimméridgien impreigne fortement la nature finement iodée de ce cru raffiné qui est sans doute l'expression ultime du grand Bourgogne blanc floral délicat.
Rien n'est plus élégant que ce vin lorsqu'il est à son meilleur et il rejoint en celà les suprêmes qualités des Genevrières et Chevalier plus au Sud en Côte d'Or. Le cru a de temps immémoriaux été considéré comme le plus abouti du chablisien car la maturité des baies n'était nulle part ailleurs plus aboutie et régulière qu'en ce secteur. Aujourd'hui il me paraît erroné d'affirmer que le réchauffement climatique lui a procuré une sorte d'exotisme récent qui le rendrait moins "minéral" que ses pairs. Au contraire c'est une zone qui ne libère jamais trop d'alcool naturel et qui préserve toujours une juste tension et une minéralité vraie qui donne un grain tactile plus affirmé aux vins. Cela ne gomme en rien sa fine sensation saline/iodée qui constitue une sorte de "marqueur" identitaire pour les autres crus du chablisien. C'est à peine si Vaudésir possède un équilibre général plus marqué par la douceur. Je le tiens pour le plus abouti du Nord de la Bourgogne.
Son découpage géographique qui le positionne entre Preuses, Grenouilles et Valmur est marqué par une belle uniformité pédologique qui mêle argile et calcaire. Il mesure 14,45 ha. Le climat se divise en trois sous-finages distincts lui donnant à chaque fois une nature différente selon son orientation. En effet s'il est admis que sa partie Ouest haute - la majeure partie de la Moutonne - et la suite de l'amphitéatre regardant le Sud possèdent à peu d'éléments près le même caractère et plus de similitudes que de différences avérées, il n'en va pas de même pour l'Envers de Vaudésir qui forme une butte face aux deux entités précédentes. Elle est orientée Nord-Nord-Ouest et possède de ce fait un climat plus froid. En conséquence sur le plan organoleptique il est évident que nous retrouvons 3 "types" - dont les deux premiers "cousinent" - de vins:
La Moutonne - dont moins de 10 % est sur Preuses - qui termine l'amphitéatre à l'Ouest est d'expression plus directement fruitée et solaire avec un raffinnement potentiel unique de texture et une suprême finesse de grain. Longtemps un peu légère et evanescente, elle a retrouvé son lustre depuis 7/8 ans avec des vins plus pleins, profondément bouquetés et d'une rare sensualité . 2.24 ha sont sur l'amphitéatre de Vaudésir.
L'amphitéatre de Vaudésir ou Adroit de Vaudésir (environ 9.5 hectares avec La Moutonne) qui est à Chablis ce que Montrachet est à la Côte d'Or. une sorte de perle du milieu qui depuis toujours domine les autres crus par sa personnalité, sa profondeur et sa capacité proverbiale à affronter le temps. Comme Les Clos les vins de ce secteur se bonifient sur 15 à 30 ans lorsqu'ils sont bien nés.
L'Envers (environ 5 hectares) qui est plus froid propose des vins moins puissants, construits sur plus de tension et de nervosité mais tout aussi marqués par ce sol si particulier. On récolte plus tard des raisins de haute qualité qui s'assimilent plus aisément aux bords Nord des Clos de la partie haute. N'imaginez pas qu'ils puissent être moins qualitatifs car ils sont particulièrement originaux et marqués par une extrême finesse. C'est un secteur qui a toutefois moins les faveurs des chablisiens car ils y ont longtemps vu des arbres à la place des ceps.
Le Grand Cru Valmur
Plantés à des densités moyennes de 8000 pieds par hectare les grands crus du chablisien ont légalement le droit de produire 54 hl/ha. Cela sans compter les nouveaux VCI (volume complémentaire individualisé). Ces rendements sont obtenus par un système de taille appelé Guyot double qui peut générer des rendements confortables qu'il convient de juguler par un ébourgeonnage attentif et sévère.
Ces secteurs de grands crus s'ils sont un peu moins gélifs en moyenne souffrent tout de même des gelées de printemps et l'on protège alors les bourgeons par des chaufferettes, des bougies ou en certain endroits par aspersion. L'influence des courants éoliens fréquents qui s'engouffrent dans le Val-Mur est de ce point de vue bénéfique à sa naturelle protection.
Sur une surface modeste de 10.5 hectares le cru comprend deux parties, à droite et à gauche du chemin de la fontaine Sainte Vaubourg qui se situe dans la partie droite et basse du climat. Sa forme évoque celle d’une petite vallée d’où provient sans doute le suffixe de "Val". Les "meures" désignaient en vieux français les fruits du mûrier ou les baies de la ronce. Il est dès lors plausible que de nombreux mûriers ou ronciers poussaient à cet endroit, anciennement appelé "Vallée aux meures", puis Valmur.
Le sol pierreux, argilo-calcaire est assez uniforme mais possède une double orientation et comme en Vaudésir se compose d'un Envers et d'un Endroit.
L'Envers de Valmur repose sur un sol kimmeridgien du jurassique supérieur. Un peu frais, assez tardif, exposé au Sud Ouest mais parfaitement ventilé et drainé il est à même de produire des vins longilignes et fort élégants. Il est en revanche plus sensible à la pourriture que la partie qui lui fait face, aussi supporte t'il moins bien les charges de raisins trop confortables. Cela dit, il reste un cru de bon niveau et gagne encore en qualité lorsqu'il est assemblé avec des raisins provenant de l'Endroit.
L'Adroit de Valmur regarde le Sud-Est et possède des sols similaires. Sa meilleure insolation le rend plus précoce et c'est une zone qui a peu souvent besoin d'être chaptalisée ce qui en augmente sans doute le niveau. Plus fermes toutefois que les vins provenant de l'amphithéâtre de Vaudésir les vins sont caractérisés par une rare énergie et une capacité de garde importante. C'est incontestablement le Chablis préféré des amateurs de blancs denses et concentrés.
De manière complémentaire, on peut isoler la partie haute Sud du climat qui verse un peu moins vers l'Ouest et qui se situe dans le prolongement du bord Nord des Clos. Les vins combinent ici la qualité des Clos voisins à l'accessibilité du Valmur et à sa capacité à générer des beaux arômes de fruits blancs mûrs mêlés à une minéralité sous jacente bienvenue. Assurément une zone favorable. De même la partie haute Nord qui est contigue de Vaudésir et qui prolonge son Envers se montre t'elle fort originale par sa tension interne plus affirmée.
Le domaine Raveneau élabore ici un cru hors ligne qui sans avoir la suprême élégance de son Blanchot est d'un rare équilibre et d'une persistance impressionnante. Moins connu - et pourtant beaucoup plus vaste - le domaine Louis Moreau produit sur des vieilles vignes un cru de haute volée et son 2013 est simplement somptueux. Vous pouvez également faire confiance à Droin, Collet et William Fèvre.
Le Grand Cru Les Clos
Les Clos est le plus vaste des crus de Chablis. Il mesure 24ha 79a et représente à lui seul un quart de la surface grand cru de l'appellation. C'est aussi le plus étendu des grands crus bourguignons blancs après le Corton-Charlemagne des communes d'Aloxe, Pernand et Ladoix. Son orientation au Sud est complexe car le cru tourne dans le sens Est-Ouest et est fortement incliné en sa partie supérieure. Celle-ci plus caillouteuse, plus pauvre repose sur un sol calcaire du Kimméridgien moyen qui contient les fameux fossiles exogira virgula, sorte de petites huites fossilisées. C'est sans conteste l'un des terroirs le plus qualitatif de l'appellation. La partie basse est plus argileuse et ses terres plus lourdes ne participent pas complètement de l'ultime qualité des terres médianes et médianes hautes.
Il en résulte des différences ténues dans l'expression des cuvées selon que l'on se trouve sur une origine "haute" ou "basse". Cependant ce vin est toujours à la hauteur de sa grande réputation et il se montre régulièrement le plus énergique et "droit" des grands crus en même temps que celui bénéficiant de la plus importante capacité de garde. C'est un vin brut, sauvage et aérien. Par sa tension et son intensité il ressemble stylistiquement aux parties hautes du Charlemagne d'Aloxe et au Dessus des Perrières murisaltien. Il entre incontestablement dans la catégorie "glorieuse" des vins de cailloux qui évoquent très souvent le silex et l'iode sur des notes d'épices comme la cannelle et une finale quelque peu "saline"...à vous le décrire, j'ai un peu l'impression de le humer et de le goûter!
Je crois que sa très forte notoriété actuelle ne vaut que pour les meilleurs vignerons qui le produisent car il se montre alors d'une intensité et d'une race très proche de l'image chablisienne ultime. Vin sobre et minéral, vin de rocaille proche d'une forme d'ascèse gustative. Hélas il n'a pas toujours l'ensemble de ce spectre aromatique complexe et l'équilibre ciselé qui doit être le sien. Il peut aussi - rarement - se montrer végétal et maigre et développer une consistance qui évoque plus l'absence de maturité et les rendements élevés que sa nature originelle fougueuse.
Il existe aussi une partie nommée "Clos des Hospices", ancienne possession de l'hopital de Chablis, ce Clos est la propriété de la maison Moreau depuis 1907. Zone esposée au Sud, pierreuse et fort qualitative, elle ne jouit pourtant pas d'un surcroit de réputation face aux autres grands crus Clos. Elle mesure 0.82 ha que se partagent en parts égales les domaines Louis Moreau et Christian Moreau. Située en pied de coteau donc dans le bas des Clos avec des rangs plantés du nord au Sud. Elle donne un Clos plus tendre et féminin. Une très oroginale curiosité qui constitue sans doute un grand cru un peu "à part".
Il y a de nombreux exemples de ce vin fort célèbre et les plus réputés sont sans doute ceux des domaines Raveneau, Dauvissat, Robin, Louis Moreau, Fèvre et Droin. Les négociants beaunois Bichot et Drouhin en produisent aussi d'excellents. J'aime pour ma part particulièrement ceux de Jean-Paul et Benoit Droin car ils me pararissent toujours avoir cette petite austérité de naissance et ce tension si caractéristique du cru. De surcroit ils sont très "abordables" en terme de prix.
Climat Grand Cru Grenouilles
Le nom de Grenouilles est joli, très porteur à l'étranger et proche des racines du consommateur toujours enclin à le laisser aller à de bucoliques pensées. il devient des plus renommés et sans dépasser les Vaudésir ou Clos se taille une jolie réputation dans la restauration qui adore le servir sur les fritures et...les cuisses de grenouilles! Ce qui n'est assurément pas son meilleur accord tant le poisson de rivière lui est supérieur.
Sur les 110 hectares de grands crus de l'appellation Chablis, le finage de Grenouille est le plus modeste en terme de superficie puisqu'il ne mesure que 9 ha 80 a. Encadré par l'adroit de Valmur et l'envers de Vaudésir, il se situe dans une zone formant une croupe, orientée au sud-est et assez fortement inclinée ce qui lui confère un drainage idéal. Marqué comme ses pairs par le calcaire kimméridgien il est considéré comme l'un des crus les plus fins et séducteurs de la commune. Cependant ses sols assez riches peuvent générer des rendements confortables qu'il convient de tempérer par des tailles mesurées pour obtenir le vrai caractère du cru, sinon la finesse peut confiner à la dilution...
Près de 75% de la surface du cru sont aujourd'hui exploités par la cave coopérative de "la chablisienne" qui se servant des batiments désuets qui sont au bas du cru a continué de baptiser ses cuvées Château Grenouilles à la suite de la famille Testut - les fameuses balances - qui le possèda de 1966 à 1979. Sur ces 7.5 ha "Château Grenouilles" produit une grande cuvée sur la base d'un sélection parcellaire de vieilles vignes bien placées dans les dessus et élevées avec une généreuse proportion de bois neufs et un second vin le "Fief de grenouilles" qui est toujours assez réussi et qui curieusement revêt plus la forme de ses pairs des autres grands crus car il est essentiellement élevé en cuve et dans des bois moins récents. Mais produit sur les parties les moins huppées il n'a pas la profondeur de son ainé. Avec le Clos des Hospices et La Moutonne c'est une des cuvées "spécifiques" produites régulièrement dans les grands crus.
J'aime beaucoup ce vin élégant et subtil qui s'exprime assez vite après la mise en bouteille mais qui n'est jamais meilleur qu'après 10 années de bouteille. Il est alors porteur d'un message racé étonnant qui le positionne parmi les vins "de cailloux" les plus délicats de Bourgogne, c'est un peu le Chevalier de Chablis par sa texture enveloppante et son grain tactil extrêmement sensuel.Daniel Etienne Defaix et Benoit Droin produisent ici des cuvées d'anthologie qui font partie des plus grands Bourgognes modernes.
Le Grand Cru Bougros
Mal aimé serait sans doute une expression excessive pour évoquer sa notoriété chez les gens du cru mais il est évident qu'il n'arrive jamais en tête dans les classements qui émergent chez les producteurs et dégustateurs.
Une erreur?
Difficile de l'affirmer car les bouteilles ont toujours une belle tenue et un côté très typique des Chablis de Côte fait de tension et de caractère incisif. Cependant le bloc de Bougros est marqué par une dissymétrie morphologique - comme en Preuses - qui à l'évidence lui procure plusieurs facettes selon le lieu où il est produit.
La partie basse est pentue et à longtemps été délaissée en raison de son caractère peu cultivable et surtout gélif. Cette Côte de Bouguereau - notez l'orthographe distincte - est ancienne et le climat y trouve sans aucun doute son origine étymologique. En effet Bouque-eau en patois correspond à l'endroit inondable où l'on pouvait franchir le Serein à gué. Ce vocable médiéval a de toute évidence servi à "baptiser" les vignes et l'on conçoit aisément pourquoi le lieu - comme les envers de Valmur et Vaudésir - n'a jamais eu une très haute réputation: humide, non cultivable, gélif et fortement en pente...les fées ne se sont pas penchées sur son berceau... Du moins au moment de la naissance du vignoble!
Le climat de Bougros comporte donc, de manière fort logique, deux grandes parties:
La première est formée par la Côte de Bouguereau qui, si elle a été plantée tardivement en plants fins est celle où le sol - kimmeridgien - est le plus pauvre et pierreux. Sa partie superficielle est composée d'un substrat clair qui colmate vite et empêche les eaux de pénétrer, de ce fait le ruissèlement vers le Serein y est assez marqué. Les vins ont ici un caractère iodé et salin prononcé qui donne du punch à des bouches sveltes et très racées. William Fèvre exploite ici près de 4 ha qui sont individualisés et qui méritent d'être découvert après quelques années de garde.
Plus haut sur le coteau la pente qui jouxte Preuses est beaucoup plus douce mais ne possède curieusement pas le même grain que son voisin. Les vins y sont plus "bourrus" et moins délicats et ont une forme puissante qui évoque les terres un peu plus chaudes et précoces. Les vins vieillissent bien et ont de la tenue mais semblent être souvent plus proches des "premiers" que des "grands". Je ne suis d'ailleurs pas certains que tous soient déclarés en grands crus tant l'étiquette "Bougros" est assez discrète. Dégustez ceux du Domaine du Colombier, de Dampt, et de Thierry Lafay.
Patrick Essa - 2019
citations et reproductions interdites sans autorisation de l'auteur
Cartes: Pitiot, Servant, Lavalle, Danguy et Aubertin
Vaillons est situé en face de la ville de Chablis, perpendiculairement aux grands crus qui sont de l'autre côté de la ville. Le lieu-dit originel est assez peu étendu - environ 15 hectares - et situé au coeur de la Côte en sa partie haute et médiane mais comme souvent les crus qui sont voisins ont le droit de prendre son nom où de s'affirmer seuls. Cependant, à part les Lys, les cuvées de Mélinots, Sécher,Châtains, Roncière, Beugnons et Epinottes sont confidentielles. Et puis soulignons que cette côte pentue est homogène et qu'aucun Vaillons ne naît sur des surfaces de piètre qualité.
Le nom « Les Lys » n’apparait pas avant 1816, où il est mentionné pour la première fois. On signalait alors en ce lieu un îlot de vignes, dîtes de «Champlain ». Toutefois on retrouve sur deux plans, datés de 1770 et 1789, la parcelle de « Séché » qui aboutit par le haut au «chemin des lis». A partir de 1816, quelques propriétaires, bientôt imités par d’autres, ont surnommé leurs vignes de « Champlain » du nom du chemin voisin. Le nom « Lis » existait, mais selon certaines sources n'aurait rien à voir avec la fleur, ni la couronne royale. Pour d'autres en revanche il s'agit d'un ancien secteur historiquement appelé "Clos des Roys" et qui était selon la légende propriété de ceux-ci.
Sur le cadastre de 1829, la partie superieure du lieu-dit « Champlain » fut baptisée « Les Lys » par un arpenteur. C’est donc entre 1816 et 1829 que « Les Lys » s'affirment pleinement. Son nom proviendrait alors du mot « lisière », dérivé de « lis », du latin LICIUM « bordure, lisière, frontière » ou de ce Clos royal fameux qui est aujourd'hui oublié de tous.
Ces crus de Vaillons et Lys et les quelques sous lieux-dits qui le complètent sont parmi les crus de la rive gauche du Serein les plus fins et distingués. Loin d'avoir l'intensité de Montmains ou la magie équilibrée de la formidable Côte de Léchet ce sont des crus les plus délicats et subtils qui demandent un peu de temps pour s'ouvrir pleinement. Assurément un cru de haute volée dans un écrin naturel splendide. Je suis toujours subjugué par les accents floraux des crus les mieux exposés et par leur capacité à vieillir en préservant une fraîcheur et une tension unique. Je me souviens de Lys 1947 somptueux, de Beauroy de plus de trente ans impeccables de vivacité et d'énergie et de glorieux Vaillons fins, distingués et d'une suprême élégance.