Pouilly-Fuissé: Le terroir de Vergisson
Dans la sphère des Pouilly, nombre de terroirs émaillent ce finage qui serpente sur plusieurs villages. Formaté par les décisions humaines autant que par la variété extrême d’une géologie tourmentée, ce vin blanc sec et enveloppant trouve différentes expressions selon les secteurs où il est produit.
Ainsi Vergisson est une « terre haute » qui n’a pas toujours eu les faveurs des défenseurs les plus ardents de l’appellation. Certaines de ses zones élevées avaient même la réputation de produire des vins verts et un peu trop tranchants il y a une trentaine d’années.
Le réchauffement climatique actuel avéré est passé depuis par là en même temps qu’une concentration de producteurs hors pair qui n’ont pas manqué de mettre en valeur ce secteur récemment privilégié.
Sur un peu moins de 200 hectares ont produit ici certains des vins les plus ciselés et élégants de l’appellation. Leur caractère le plus affirmé est sans aucun doute leur énergie interne qui en font un cru quasiment « nordiste » dans ce secteur pourtant considéré comme chaud pour le chardonnay car il trouve en Bourgogne méridionale sa vraie limite d’expression. En effet plus bas que Mâcon, il s’alourdit et perd quasiment tout intérêt.
Nous retrouvons deux grands secteurs distincts dans les vins de Vergisson:
Un premier secteur à l’ouest qui repose sur un substratum granitique mêlant des débris granitiques et de la craie qui est de maturité assez précoce et qui livre des vins qui sont souples et friands en année mûre mais également un peu plus frais lorsque le soleil vient à manquer et que son altitude médiane - environ 280 à 320 mètres - marque de manière évidente sa singularité.
Un second secteur regarde le Sud-Est et ceint en quelques sortes la Roche de Vergisson qui le surplombe. Celle-ci, calcaire, provient du mouvement tectonique alpin qui a soulevé ici ces roches en un plissement vieux de 40 millions d’années. Bien entendu les pentes escarpées qui partent de sa base sont très favorables à la culture du chardonnay qui y puise une nature svelte et aérienne rappelant nettement les secteurs élevés du beaunois. En tournant autour de cette roche on croise les Crus majeurs que sont , entre autres, « Carmentrant », « les Croux » et « Sur la Roche », ce dernier exposé au levant. Mais nous reviendrons sur les Crus Vergisson un peu plus loin dans cette étude.
Un troisième secteur, calcaire et parsemé d’éboulis rocheux, correspond au revers des pentes de la Roche de Solutré voisine, exposé au Nord-Est il est plus frais et livre les vins les plus incisifs et droits de l’appellation Pouilly-Fuissé. La zone porte en particulier le climat « En Buland » qui entre les mains, en particulier, du domaine Barraud peut atteindre un niveau exceptionnel.
Parmi l’ensemble des climats de Vergisson l’institut national des appellations d’origine a décidé de promulguer des premiers crus à partir de 2018.
Ainsi « La Maréchaude », « Les Crays », « Sur la Roche », »En France », et « Les Courtelongs » ont ils désormais le droit de revendiquer cette mention prestigieuse. Depuis de nombreuses années ils étaient revendiqués comme climat, assez largement, par les meilleurs producteurs du secteur et ceux qui ne le faisaient pas trouveront sans nul doute une heureuse raison d’isoler ces cuvées dont le rendement a été régulé à 58hl/ha. Soit un chiffre mesuré qui autorisera concentration et longévité en même temps qu’une réelle complexité liée à leurs emplacement idéaux.
La limite des 400 mètres fixées par l’inao pour valider la qualité de premier cru sur les meilleures zones a exclu une partie de « Sur la Roche », Cru calcaire orienté à l’Est qui pour beaucoup est le plus qualitatif du secteur. Ce découpage exigeant fait de ce climat un vrai terroir d’élite, digne de se comparer aux meilleurs du chablisien ou du beaunois. Vin fin, élégant et impeccablement texturé, il séduit par ses accents floraux sur une ligne nasale de fruits blancs frais. Élevé en fûts il peut vieillir avec bonheur sur plus de 15 ans.
« En Crays » et « La Maréchaude » se positionnent juste sous la Roche de Vergisson en son piedmont Est, ils regardent le Sud et sont placés sur des terres fortement inclinées qu’il faut parfois travailler au treuil. Ce sont des vins très subtils qui exaltent la nature tellurique d’un substrat calcaire très pierreux. Ils demandent du temps pour fondre leur fougue et une relative austérité initiale mais ils sont d’une race formelle sidérante et pourraient entrer dans un cadre de grands crus potentiels. Ce sont de grands seigneurs et le temps finira par leur rendre grâce, plus encore que premiers. Je le crois. Ici le très talentueux Eric Forest produit un Pouilly Fuissé « Les Crays » de haute volée.
« En France » leur fait suite un peu plus à l’Ouest et sur un coteau calcaire ferme, livre une partition plus immédiatement accessible. Il apparaît comme plus solaire et semble s’ouvrir plus vite avec un grain de texture plus visqueux. Il plaît en général beaucoup en jeunesse et s’accorde à merveille avec le foie gras.
Enfin « Courtelong » est sur une butte calcaire face aux Crays et Maréchaude et doit son classement autant aux vignerons d’élite qui le cultive qu’à une exposition Nord-Est moins parfaite que ses pairs. Vin longiligne, frais, un peu austère et tendu, il ne me semble pas avoir la stature potentielle des quatre autres mais il a ses inconditionnels.
Patrick Essa - 2018
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