« Le » Corton, Corton-Languettes et Corton-Pougets
Il est courant de lire des auteurs qui affirment que les situations élevées des vignes sur les coteaux font également partie des endroits les plus frais. Comme si le climat changeait diamétralement de température sur l’année à quelques dizaines de mètres d’altitude près et comme si en s’élevant sur le coteau le vignes générerait des vins à l’expression plus froide et vive!
Naïveté quand tu nous tiens.
Pas plus que la plaine aurait une situation « chaude » ou solaire les faces « pentues » élevées, exposées au levant ou au Sud ne sont pas des endroits où le froid procure plus - ou moins! - d’énergie aux vins. En fait ces déductions ampoulées émanent de personnes n’ayant pas à confronter leur travail sur des pentes viticoles et surtout ne pouvant observer quotidiennement ce qu’il s’y passe.
Oui, la neige fond plus tardivement dans les parties hautes qui sont en général sous influence des bois au dessus d’elles, oui, ce qui est abrité des vents et du soleil préserve une température plus fraîche mais non, pas sur tout un secteur et surtout pas durant les moments où la vigne est en période de croissance végétative. En fait les expositions déterminent essentiellement le moment où la vigne démarre son cycle végétatif en influant sur la longueur de celui-ci et par suite sur la durée que la vigne mettra à générer des fruits mûrs, physiologiquement. Dès lors ce qui est important a trait à la régularité des « sites » à autoriser des fruits parfaitement équilibrés. On comprendra aisément que le raisonnement est ainsi, assez différent.
Il est par ailleurs tout à fait probable que c’est cette adéquation entre la situation morpho-géologique d’une parcelle et la permanence qualitative qu’elle induit qui a dans le passé conduit les observateurs du vignoble à classer de manière empirique leurs valeurs agronomiques.
Le Bois de Corton forme une sorte de « calotte chevelue » dont la toison est faites de nos jours de résineux. Il n’en n’a pas toujours été ainsi car les feuillus étaient naguère bien plus ras et moins touffus et frais que ce que l’écosystème actuel laisse paraître. Sait-on d’ailleurs si cela n’a pas quelque peu changé la donne climatique pour ce cru si évidemment solaire qui, au fond, n’a à peu près aucune raison d’être le vin le plus austère et rude de la Bourgogne rouge et blanche. C’est un peu comme si l’on vous expliquait que faire du ski sur une butte quasi plane est beaucoup plus vertigineux et sensationnel que le faire depuis le sommet des Grands Montheys!
Le coteau est idéalement exposé au Sud-Sud-Est et atteint régulièrement les maturités les plus avancées du beaunois et du nuiton réunis...mais ces vins seraient durs et longs à se faire? Allons donc!
Encore une fois il faut absolument se débarrasser de cette idée aussi absurde qu’ancrée sciemment dans les esprits par des générations de producteurs soucieux de coller à cette forme stylistique définie essentiellement en des temps où austérité et tannicité permettait de signifier que les vins pouvaient s’exporter sans dommage. Nous n’en somme plus là, heureusement!
Parmi les climats d’Aloxe trois d’entre eux, mixtes, sont immédiatement situés sous le bois si l’on excepte Le Charlemagne. Ils ne sont donc pas plus frais ou froid que Chaumes et Combes sont chauds mais ils ont le droit de produire du Corton rouge avec mention de leur origine et également du Corton-Charlemagne. Exactement comme le Santenots murisaltien qui rouge devient Volnay-Santenots alors que blanc il s’étiquète Meursault-Santenots.
Ce qui les caractérise tous les trois est leur propension à autoriser une idéale maturité aux deux couleurs en préservant une réelle complexité de cru et une singularité étonnante. Ils sont un peu les sphinges de la Montagne car parfaitement aptes à générer des vins de très longues gardes selon les choix de plantation de leurs producteurs. Toutefois évidemment les hauts ont tendance à blanchir là ou les bas aiment à être complantés de noiriens. Il y a toujours une logique chez les vignerons...mais pas toujours car évidemment des contre-exemples existent.
« Le » Corton est entièrement orienté à l’Est et est formé de deux bandes étroites orientées Nord-Sud et qui sont parallèles. La première, la plus vaste et large est située sous le bois de Corton mesure un peu plus de 7 hectares, la seconde sur 4.5 ha est juste en dessous de la première et est plus proche dans son esprit des Clos du Roi et des Renardes en dessous d’elle. De ce fait même de nombreuses parcelles sont complantées dans le sens Nord-Sud en travers de la pente, et évidemment cela a une incidence sur la maturité des fruits. Ce choix viticole est tantôt guidé par une volonté de capter la lumière, tantôt et plus sûrement pour faciliter la culture de la parcelle en allongeant les rangs positionnés sur une pente assez modeste. Cela complique toutefois le travail des enjambeurs et induit un important travail de mains.
La partie haute plantée quasiment entièrement en chardonnay sur un substrat calcaire maigre et de couleur claire a le droit aujourd’hui de s’appeler Corton-Charlemagne, alors que curieusement elle porte l’historique « Corton blanc » qui est un vin très différent du Charlemagne car moins vineux et plus directement marqué par ces terres pauvres et son emplacement induisant des vins aériens et plus fins que puissants. On aime aujourd’hui l’emmener sur des sentiers aromatiques plus incisifs qui exaltent une nature svelte et un bouquet d’agrumes parfois simpliste alors que sa nature florale très délicate est minorée. Je vois cela comme une forme d’incompréhension du secteur car il n’est plus vraiment lui même. Possiblement proche du merveilleux Vergennes de Ladoix à son meilleur, il est très différent aujourd’hui comme hier des Charlemagne qui versent vers le Sud.
La partie basse, plus argileuse et encore plus étroite est une des meilleures terres à pinot de la Montagne. Parfaitement drainée, idéalement exposée au levant - comme toute la Côte de Beaune - et à une altitude comprise entre 279 et à peu près 300 mètres, elle cumule tous les ingrédients permettant d’offrir aux plants de pinot une exceptionnelle maturité en même temps qu’un équilibre parfait. La maison Bouchard est ici très majoritaire -comme dans le dessus - et produit un vin sombre et assez profond qui par choix ne cherche pas la douceur. Un style classique, un peu ferme.
Le Corton Les Languettes (7ha 23a 75ca) est en fait l’exact prolongement du Corton et constitue comme lui une « langue » de terre qui borde le bois se situant au dessus. Il descend toutefois plus bas que « Le Corton », vient tout contre le Clos du Roi et au dessus des Perrières et commence en sa partie ouest à regarder le Sud-Est. Le nom évoquerait la morphologie des lieux ou - sans doute plus justement - une ancienne petite chausse dont les vignerons usaient lors de leur labeur dans les vignes. De ce fait ces sols maigres sont un peu plus solaires et sa maturité un rien plus précoce. Des sols blancs à bruns foncés marqués par le calcaire en font une idéale terre à blanc fin et délicat qui peuvent s’appeler Charlemagne. Ils n’en n’ont pas la texture puissante et cette matière exceptionnelle qui singularise les meilleurs secteurs de Charlemagne - et surtout « Le » Charlemagne - mais s’expriment sur une élégance qui est très beaunoise et qui évoque la Côte des blancs entre Meursault et Puligny avec un peu moins de tension. Quelques rouges sont ici produits et comptent parmi les plus élégants de la commune lorsqu’ils sont vinifiés dans ce sens et récoltés à pleine maturité. Autrement ils peuvent confiner à la maigreur et perdent potentiellement leur statut de grand cru.
Le Corton Pougets (9ha 83a) annonce Le Charlemagne qu’il touche à l’Ouest et montre un changement important d’orientation car orienté Sud-Est-Sud il se montre plus précoce et solaire que son voisin en dépit de sa position élevée dont une petite partie touche le bois. Considéré comme une magnifique terre à blanc il donne essentiellement des Corton-Charlemagne même si Rapet et Jadot produisent ici des cuvées rouges profondes et racées. Ce secteur est pour moi la partie « premier cru » du Charlemagne car il n’a rien d’un Corton blanc en ce sens que sa vinosité est plus affirmée et pas tout à fait le grain de texture ultime du climat « Le Charlemagne » qui a bien des titres possède plus de profondeur et de complexité. Grand cru est donc un costume un peu grand pour lui comme le versant Ouest du climat « En Charlemagne » sur Pernand. Sa face orientée Sud sur des terres pauvres et pierreuses annoncent la nature du plus grand blanc de Bourgogne mais il n’en n’a pas toute la magie.
Écrit par Patrick Essa - 2018
reproduction interdite