Le vignoble de Nuits Saint Georges
Nuits Saint Georges - Introduction
Ecrit par Patrick Essa, vigneron à Meursault - 2019
Nuits est une belle qui ne se livre pas au premier venu. Bourgade sauvage, repliée autour du petit Meuzin qui la traverse, ses rues étroites et son centre qui s'étire n'en font pas le lieu idéal de promenades associant marchés et villégiature. Ancienne cité médiévale, posée aux marches du royaume, elle fut fortifiée et ceinte de hautes murailles défensives durant plusieurs siècles au moyen âge. Nombre de combats sanglants eurent ensuite raison de ce Clos citadin austère, ce qui sans aucun doute forgea la trempe de nuitons féroces en affaires et robustes bretteurs au moment de défendre leurs intérêts et plus que tout... leurs vins.
"Patrie" du plus grand défenseur du Bourgogne moderne - Henri Gouges, qui, à bien des égares, a défini seul contre - presque - tous ce qu'est aujourd'hui le cru bourguignon - Nuits Saint Georges est le lieu ou se sont écrit les plus nobles pages de la viticulture des appellations d'origines. Défenseur rigoureux, acharné et fédérateur. l'ancêtre de la famille Gouges était aussi respecté qu'influant et désintéressé, son génie fut d'avoir compris avant tout le monde que le vin était à relier à son lieu de production sur un plan légal car il lui conférait une vraie identité gustative et un passeport pour l'éternité. Il osa même revendiquer la mention de simple premier cru à son Saint Georges dont il était pourtant l'un des principaux producteurs et qu'il avait écoulé en grand cru - voir étiquette - durant quelques années.
N'oublions pas et surtout n'imaginons pas autre chose que cette simple évidence: le Bourgogne pré-phylloxérique était quasi entièrement un vin d'assemblage, composé à partir de sélections de vins faites "à la tasse" et correspondant à une qualité générale donnée, construite par l'éleveur très majoritairement négociant. Le vin de cru est une idée alors marginale réservée à quelques climats sans même que l'on puisse être certain aujourd'hui que les flacons aux origines revendiquées qui subsistent soient parfaitement authentiques.
Après les ravages du funeste puceron, au début du 20 ieme siècle les vignes post-phylloxériques replantées en règes rectilignes sont à nouveau en production et livrent -grâce aux portes greffes américains - des vins plus abondants sur les meilleurs climats conservés. Les ordinaires ont beaucoup reculé et dans le contexte dynamique d'après la première guerre mondiale il est nécessaire de mettre bon ordre à la diffusion de ces vins qui prennent des noms fantaisistes et s'autorisent parfois à usurper le nom de voisins prestigieux. Ces usages peu loyaux et très inconstants agacent les producteurs les plus consciencieux qui, alors, souhaitent redonner une image qualitative à une Bourgogne viticole quelque peu minée par les tricheries et fraudes et plus encore par les infâmes coupages dits " améliorateurs".
Le vigneron - et l'idée est novatrice – veut alors contrôler la diffusion de son vin en maîtrisant ses origines et vinifications. La Confrérie du Tastevin naît dans ce contexte et ceux qui l'ont créée seront en première ligne pour défendre la notion de cru issu d'un seul terroir. Prenant ces premiers quartiers au château de la Berchère placé sous le village de Nuits elle se révélera - par les hommes l'ayant fondées - être le ferment indispensable à la renaissance moderne du Bourgogne.
Nuits, village de 5000 âmes, a le vin chevillé au corps et pas une des maisons longeant le Meuzin ou s'en éloignant ne saurait être bâtie sans caves ou celliers. Le négoce y trouve une place suffisamment forte pour s'épanouir au dix neuvième siècle et la propriété vigneronne s'étoffe au cours du vingtième en lui apportant un contrepoint bienvenu mais surtout une admirable rigueur et un sens aigu de l'observation de ses climats. Ainsi aucune terre n'est je crois mieux analysée que celle-ci à cette époque où ne sont classés que les sols le méritant réellement avec très peu de crus regroupés ou d'extensions...à vrai dire pas une qui soit significative! Il en résultera un vignoble constellé de crus aux modestes proportions, ne dépassant quasiment jamais les dix hectares. Et tous positionnés sur des portions de terre historiquement identifiées. La volonté des hommes a ici plus qu'ailleurs montré son sens de l'équité et de la modération.
Ce vignoble n'est pas - comme on le mentionne avec une récurrente platitude - découpé en deux tranches Nord et Sud, selon un style fin ou puissant. Ce non sens réducteur ne résiste pas à l'observation du vignoble depuis la plaine, depuis le Château de la Berchère en particulier ou encore de la zone gallo-romaine des Bollards. Si effectivement, la vallée du Meuzin entaille la Côte et sépare deux coteaux distincts aux caractéristiques géologiques diverses - lire à ce propos les analyses de ces secteurs dans la suite de mon travail - il est judicieux d'observer 4 mouvements de pentes singuliers.
Le premier prolonge au Nord le large coteau de Vosne, il est coiffé d'une végétation rase et hirsute qui s'aplanit nettement en son sommet et qui de manière opportune laisse les parties basses et humides de son bord Nord-Est à sa voisine de Vosne. Le second à la sortie de Combe du Meuzin est contigu des maisons, faiblement incliné et composé de dépôts alluvionnaires. Le troisième borde la route de Chaux qui serpente sur une zone escarpée et se prolonge selon une bande assez large jusqu'au finage de Premeaux. Les carrières y font leur apparition et indiquent un étage élevé formé du calcaire de Comblanchien. Il n'est pas sous influence alluvionnaire mais est en revanche entremêlé d'éboulis calcaires. Le dernier compose le coteau de Premeaux, pentus au Nord et quasi plat au Sud, surplombé par des zones de carrière qui l'ont un temps minoré car on imaginait - à tort ou raison - que les poussières de pierre nuisaient à la qualité des raisins. Il est œuvre de l'érosion qui a marqué son coteau en lui dessinant des vagues formant Adroits et Envers, creux un peu sombres et pentes lumineuses.
De ces quatres blocs, je retiens des climats aux formes variables qui avec une belle constance déjouent les normes que l'esprit des hommes leur impose. Ainsi des secteurs élégants émaillent certaines zones plutôt fermes, inversement la rudesse de certains lieux-dits dément parfois une position qui est supposée apporter une naturelle délicatesse. Ces vignes sont à envisager climat par climats, où ne révèlent rien car Nuits est une belle qui ne se livre pas au premier venu...
Les premiers crus de la Côte Saint Georges
En longeant le cours du Meuzin et des maisons nuitonnes qui le bordent on ne discerne pas les vignes situées derrières les habitations. Pourtant leur ruban assez étroit épouse leurs contours jusqu'à la base de la route qui monte à Chaux. Caves et cuveries, demeures bourgeoises et promenades masquent au regard ce fier vignoble naissant qui annonce la glorieuse Côte des Saint Georges, l'un des coteaux les plus favorables à la culture de la liane pérenne.
Peu d'endroits peuvent se targuer d'une aussi grande qualité potentielle si on y associe la régularité des vins produits et la parfaite hiérarchie qui émane du classement de ses climats. Coteau peu incliné en son piedmont jusqu'aux parties médianes hautes il devient escarpé au point d'y être cultivé en terrasse dans ses parties hautes. Marqué par les vents qui suivent la combe et les flots du Meuzin, il est aussi profondément sous influence du talweg des Vallerots, sorte de raie basse en forme de V qui draine les eaux en douceur et oriente les pentes du vignoble. Ces caractéristiques apportent aux différents climats des expressions fort différentes qui peuvent je crois être catégorisées en plusieurs parties.
Une première zone au Nord est assez peu pentue et regarde le Nord-Est, ce secteur des Charmois est argileux et encore sous influence des dépôts limoneux. Il s'étire jusqu'à la route de Chaux. Son sol sombre est assez collant et la vigne y trouve un substrat fertile qui procure au vin beaucoup de générosité, une fraîche tendance à s'exprimer dès les premières années de bouteille et beaucoup de bouquet. Ce sont des Nuits villages racés qui ont peut être un rien moins de classe dans les Plateaux car les terres sont plus lourdes. On intégrera à ce bloc le petit Coteau des Bois qui à ma connaissance n'est pas revendiqué et qui a été essarté assez récemment.
Au pied du coteau juste sous les premiers crus se retrouvent sans doute certains des meilleurs " villages" de Côte d'Or et à mon sens parmi les plus complexes de la commune avec ceux des Saint Julien sur la Côte des Boudots. Ils se valent sans doute un peu tous mais il faut absolument considérer que Poisets, Brûlées et Fleurières - et Plante aux Barons sur Premeaux - seraient des premiers crus naturels dans nombre d'autres communes. Vins moins corsés que ceux de la zone Saint Georges et sans doute moins pleins et minéraux que les parties Pruliers et Procès, ils ont en revanche un grain assez fin qui tranche avec le caractère plus revêche de certains des seigneurs plus hauts placés sur le coteau. Dommage que parfois le vinificateur cherche à les durcir en allant chercher l'extraction pour en faire de " vrais" Nuits, mais cela change il me semble!
Le milieu du ruban de cette côte est l'exemple parfait de ce que le potentiel d'un sol peut conférer à un vin pensé pour la garde. Il n'est d'ailleurs point de vins rouges qui se conservent plus longtemps qu'en ce secteur, il en est toutefois quelques uns qui égalent ce caractère...mais peu en vérité! Saint Georges, Pruliers, Cailles et Vaucrains seront analysés plus en détail à la suite de ce travail car leur notoriété fait d'eux de quasi " grands crus ".
Les climats qui touchent le village "les Plateaux" au Nord et la zone des Pruliers au Sud sont forts restreints et pourtant très qualitatifs. Reposant sur des sols caillouteux, en pente assez forte, ils méritent d'être recherchés car Les Crots - qui englobent le Château Gris - La petite Rue de Chaux et les Procès ont un caractère commun qui allie une redoutable énergie et une finesse fruitée très aérienne. Ainsi boire la Rue de Chaux de Remoriquet, les Procès de Duband et le Château Gris de Bichot (qui exploite et vinifie le Domaine du Château Gris) côte à côte est fort éducatif et prouve qu'il existe souvent une synergie entre crus contigus. Bien entendu un peu plus de douceur en Rue de Chaux, de puissance en Procès et de tension sur le finage du Château, expriment des personnalités fortes mais à la manière de trois frères ayant des âges différents...
A la suite des Pruliers apparaissent des crus qui jouxtent les premières carrières de Nuits. Deux d'entre eux en partie médiane basse sont plus vastes que les autres et possèdent des qualités assez similaires. Roncières et Poirets peu inclinés, composés de sols riches qui sont chargés en oxyde de fer donnent des fruits sains et équilibrés qui confèrent aux vins une belle texture tannique et une puissance contenue caractéristique. Dans les Poirets le domaine Gouges exploite une large parcelle de 3,5 hectares qui a le droit de s'appeler Clos des Porrets Saint Georges alors que - fait assez étonnant - elles est séparée des Saint Georges par le climat des Cailles. J'aime ce vin plus proche de la finesse des Cailles que de la puissante musculature du Saint Georges vrai. Les Gouges en font un vin vibrant et plein qui vieillit avec une très belle harmonie. Roncières est un peu moins plein mais ses notes florales insistantes en font aussi un beau cru de race. Il cousine avec Pruliers dans un registre plus délicat.
Sur une ligne de pentes plus élevées, au dessus de Cailles et Vaucrains se positionnent de petits crus qui sont sous l'influence du talweg des Vallerots. Chaînes Carteaux, Vallerots au Sud et Chaboeufs, Perrière, Poulettes et Hauts Poirets au Nord donnent des vins parfumés et gourmands qui n'ont pas forcément la dureté que l'on attribue aux crus du secteur. Je les aime pour leur capacité à s'ouvrir un peu plus vite que les autres. Parfois cultivés en terrasse, ils sont très pierreux et moins argileux que les autres et de ce fait ont une naturelle minéralité qui induit une haute capacité à faire saliver le dégustateur. Pour ces raisons le domaine Gouges cultive ici un blanc très original fait à base d'une mutation blanche de pinot. Il est très vineux et corsé à la manière d'un vin rouge, une curiosité. Au dessus d'eux, les villages Vallerots, Terrasse de Vallerots et Hauts Pruliers peuvent être d'une rare finesse de texture sur des corps sveltes et élégants, ceux d'Axelle Machard de Gramont en particulier ont une tenue et une souplesse remarquable.
Les premiers crus de la Côte de Premeaux:
Lorsque l'on observe le coteau Sud du finage de Nuits depuis la plaine on est frappé par son hétérogénéité et surtout par les variations qu'accusent ses pentes aux abords de sa partie sise sur le territoire de Premeaux. Depuis les Didiers Saint Georges au Nord jusqu'au Clos de la Maréchale au Sud, pas un climat ne ressemble en taille, en forme et en inclinaison à ses voisins et fait plus étonnant encore, ils semblent tous avoir des identités gustatives singulières qui ne les rapprochent nullement entre eux. Ainsi rien ne ressemble moins à l'Arlot qu'un Forêts et bien malin qui trouvera des similitudes entre les Didiers et le Clos des Argillières!
Premeaux - "premières eaux" selon un rapprochement incertain effectué par Courtépée il y a deux cents ans - possède toutefois des éléments stables au niveau de son substrat qui apportent une probable logique explication à la souplesse qui caractérise ses vins. Mais est ce qu'un grain tannique poli découle uniquement des analyses géologiques observées sur le terrain? Assurément pas complètement car ici le substrat est sombre, marqué par des argiles rouges - chargées d'oxyde de fer - et quelque peu collant, en général ce type donne des vins un peu fermes et longs à se faire... Hors cela n'est que partiellement le cas pour les onze premiers crus qu'il porte.
Vignoble entaillé de petites combes comme en Vallerots cette zone Sud est sous une influence éolienne modérée et régulière qui assure un état sanitaire idéal, d'autant que ses pentes - régulièrement supérieures à 10% - drainent parfaitement les parcelles et évitent la pourriture tardive qui gâte les arômes et amoindri l'énergie des crus. Commune sous l'influence actuelle de plusieurs sources - en Arlot, Saint Marc et Seuil - elle s'est construite sur des pentes creusées par leur réunion en un cours d'eau nommé Courtaveaux qui a façonné le relief et modelé les climats.
L'angle de vue qu'offre aujourd'hui la Nationale 74 est peu intéressant car il ne montre pas la faible largeur de ce ruban de Côte et surtout ne fait pas apparaître ce relief tourmenté qui associe vagues de terrain dans le sens Nord Sud, fond de carrières comblées, terres remaniées et arasées et mise en forme mécanique récente. Premeaux est une terre façonnée par l'eau et les hommes mais aussi le seul finage portant plusieurs premiers crus pouvant prendre le nom d'une commune voisine. Si l'on exclu les Didiers qui est un monopole des Hospices de Nuits et le secteur Aux Perdrix - Terres Blanches, les autres premiers crus sont tous des Clos à forte historicité. Sans doute faut il y observer une volonté de définitivement entériner leur caractère affirmé.
Essayons ici de déterminer quels pourraient être les éléments qui les personnifient.
Les Didiers Saint Georges: petit cru - 2,42 ha - vinifié intégralement par les Hospices, il doit être considéré comme le naturel alter-ego des Saint Georges dans le cadre de la cuvée Fagon qui n'est composée que des vieilles vignes du cru. Les cuvées Cabet et Duret se situent un bon cran en dessous en dépit de leur évidente race. C'est un vin puissant, riche et de très longue garde. Je vous renvoie au texte détaillé que j'ai écrit sur le Saint Georges de Nuits.
Le Clos des Forêts Saint Georges: comme le veut la tradition du 19 ieme siècle le lieu-dit Les Forêts est devenu un Clos. Un de ceux - nombreux - qui n'a jamais été ceint d'un mur le délimitant! Agrégation de plusieurs parcelles de l'ancien climat les Forêts et de probables parties hautes et basses de diverses lieux-dits de valeurs moindres, il passe de 5 hectares en 1827 à 7,22 aujourd'hui. Sa qualité est évidente et le domaine de l'Arlot en a le monopole, il en tire un grand et un second vin (les Petits Plets), ce qui entraîne une qualité remarquable pour le premier qui est encore sous l'influence des Saint Georges voisins dont il n'usurpe pas la mention. Plus riche que les Corvées et surtout plus charpenté grâce à sa trame puissante marquée par des arômes sauvages - et durant de nombreuses années par une vinification en vendanges partiellement entières - mais également finement fruités. Un vin de noble lignage qui n'est pas trop onéreux et accessible car le domaine en produit près de 30.000 bouteilles chaque année.
Le Clos des Corvées: La création du Clos des Corvées, morcelé au Moyen Âge, est l’œuvre de deux personnages : le fondateur de la maison de négoce Geisweiler, au XIXème siècle, et Denis Joseph Gouachon, au début du XXème siècle. La parcelle mesure aujourd'hui 5,2 hectares et constitue un monopole, celui du domaine Prieuré-Roch qui le produit depuis la fin des années 1990. Cultivé selon des règles naturelles et bio-dynamiques, il est marqué par de faibles rendements et un équilibre très original qui s'affranchit d'un soufre trop présent. Vin en général peu robé, très fruité et parfumé, il est peu alcooleux mais terriblement séducteur et d'une accessibilité rare. Douceur de texture et notes d'églantine et de fraise des bois marquent ce vin soyeux à l'impression aromatique diaphane de prime abord mais d'une réelle persistance complexe. Un cru très singulier et rare.
Le Clos des Corvée Pagets: à côté du précédent et englobant le Clos Saint Marc, ces Corvées donnent des vins qui pourraient se rapprocher de lui mais elles ne sont pas vinifiées en général selon les préceptes du domaine Prieuré Roch. Les vins sont tout aussi bons mais en général plus corsé et un peu moins élégant. Ils revêtent une forme classique très respectable et se montrent capable de longuement vieillir. Les vin du domaine Arnoux-Lachaux vaut la peine d'être découvert pour son allonge et sa densité.
Le Clos des Argillières: issu de l'ancien lieu-dit Les Argillières il est aujourd hui assez morcelé et plus de dix propriétaires se le partagent. Sur un sol argileux et assez profond, il produit un vin profond et charpenté qui doit être attendu. Sans le raffinement de ces voisins il peut toutefois s'affiner au cours d'un heureux vieillissement. Il évoque un peu le grain des Procès et Pruliers et constitue je crois le plus nuiton des climats de Premeaux. Dureuil Janthial et Christophe Buisson se partagent une remarquable production sur ce cru.
Le Clos de l'Arlot: monopole du domaine éponyme, il est de manière très original partagé entre blancs et rouges et réussit avec plus de classe en chardonnay en constituant je pense le meilleur vin blanc de la Côté de Nuits car situé sur un sol calcaire fort proche de ceux de la Côté des Blancs. Mesurant 5,32 ha, il est surplombé par trois anciennes carrières qui ont été comblées et replantées pour générer un second vin assez peu consistant mais plaisant. Création de la famille Viennot ce Clos est né d'un ancien lieu-dit nommé Ez Arlot il y a environ 150 ans. Le blanc est un vin parfumé et assez onctueux qui ressemble aux parties basses du Morgeot de Chassagne. Le rouge est plutôt délicat, fin et a longtemps été vinifié en vendanges entières, ce qui lui apportait beaucoup de fraîcheur. Ce n'est plus le cas depuis quelques millésimes hélas.
Le Clos Saint Marc: Il est situé à l'intérieur du premier cru les Corvées dans une partie qui jouxte les maisons. Incliné vers le levant selon une pente douce . Il est constitué d'un sol brun, profond, mêlé à une couche de marnes blanches qui permet aux ceps de trouver en toute saison une parfaite alimentation hydrique. Cru tardif qui naît à la fin du 19 ieme siècle grâce à la patience d'Arsène Perrier, il apparaît plus sur le plan stylistique comme une partie des Corvées que comme une historique entité. Il mesure 0.93 ha et ses 4000 bouteilles annuelles ont la personnalité des crus argileux, entre robustesse des tanins et arômes intenses et frais. Le domaine Rion est aujourd'hui en charge de cette parcelle monopole. Le vin est très bon.
Le Clos des Grandes Vignes: petit cru situé du mauvais côté de la nationale. Sa meilleure partie qui mesure 2.19 hectares est plantée sur une inclinaison Sud qui lui apporte une maturité assez solaire. Vin parfumé et assez fruité, il n'a pas la classe des autres crus de Premeaux mais ne démérite pas car il a été vinifié pendant quelques temps - une petite dizaine d'années - sous la férule du talentueux Etienne de Montille au Château de Puligny et est désormais - depuis le millésime 2012 - entre les mains de Louis-Michel Liger-Belair. Le cru possède don aujourd'hui environ 1,2 hectares de vignes en production avec des replantations en cours pour le pinot et 30 ares de chardonnay sur-greffés par Etienne de Montille en 2010. Nul doute que son avenir qualitatif est des plus radieux...
Clos de la Maréchale: ancien Clos des Fourches, c'est un vrai Clos ceint de hauts murs et d'une régularité morpho-géologique parfaite. Cet idéal rectangle de près de 11 hectares qui regarde le levant sur une pente douce a été sans doute remis en forme il y a deux siècles et il a désormais une remarquable unité. Naguère rustique, voire âpre, long à se faire lorsqu'il était vinifié par Faiveley, il s'est beaucoup assoupli depuis que le domaine Mugnier de Chambolle le cultive en monopole. Replantations, culture plus soignée, rendements abaissés, bcréation d'un second vin et d'un blanc confidentiel, il revit et a progressé de manière très spectaculaire ces dernières années pour devenir l'un des meilleurs premiers crus du secteur, ce qu'il n'était pas auparavant. Chapeau. Je ne connais pas le blanc et si Freddie me lit... Je suis près!-))
Aux Perdrix: le domaine des Perdrix qui appartient à Bertrand Devillard exploite 3,44 ha des 3,48 que compte le climat! Ce domaine très qualitatif produit depuis plus de 20 ans l'un des trois meilleurs vins de la commune et sans doute celui que je préfère avec les Vaucrains de Chicotot, les Saint Georges de Gouges et les Pruliers des frères Boillot et Lecheneaut. Cru placé en lisière de bois là où le volatile aime se promener! Il est composé d'un substrat argilo-calcaire de premier ordre qui donne une énergie folle à ce vin très puissant qui peux regarder le Richebourg dans les yeux et il partage avec lui cette rude finesse de texture qui mêle granularité de la trame et douce maturité des tanins. Un immense vin vinifié par un homme trop méconnu - Robert Vernizeau - humble et génial qui mériterait cent fois la gloire que nombre de vignerons moins doués que lui ont. Respect.
Les Terres Blanches: cru récent, né de remembrements, d'essartages et de nivellement conséquents dans d'anciennes carrières comblées et arasées, ce climat créé par la nouvelle génération n'aurait peut-être pas dû devenir un premier cru. Sur un peu moins de 5 hectares il livre régulièrement des rouges fruités et sains et des blancs plus intéressants qui n'ont toutefois pas le potentiel et la classe de ceux de l'Arlot. Il aurait sans doute fait un vin excellent de niveau village mais il peine souvent face aux autres premiers crus dans les dégustations comparatives que j'ai pu faire.
La Côte des Boudots:
Quand Stendhal visita la Côte, il l'a trouva "bien laide", marquée par une faible pente et coiffée d'une végétation rase et chétive lui inspirant une étrange sévérité si l'on en juge ses habituelles descriptions raffinées. A t'il été déçu par les vins qu'il a eu alors l'occasion de partager en compagnie de quelques producteurs influents ou ne s'est il simplement pas promené sur les coteaux lorsque la vigne la pare de ses feuilles finement découpées? Nul ne le sait, car parfois une sensation vous imprègne sans complètement être objective. Pourtant au cœur de l'Eté ces pentes mêlant sols noirs et fruits rouges auraient dû éclairer son regard sur Nuits...
....de la sortie de la vallée du Meuzin au chemin de Concoeur la Côte s'étend entre Thorey et Brûlées et forme un ruban uniforme qui englobe deux parties équilibrées que se partagent la cité nuitonne et le bourg vosnier. Au Nord les plus grands vins de Bourgogne qui agitent toute la "planète pinot", au Sud de beaux crus méconnus - enfin presque - qui font l'admiration des connaisseurs avertis, peu enclins à verser dans la démesure tarifaire. Vosne l'aristocrate est pourtant si proche de Nuits la besogneuse…
... Boudots est à un jet de pierre de la Tâche et les Malconsorts le touche. Serait-ce judicieux alors de considérer qu'une frontière villageoise ne résiste en rien à la logique qui régit le fonctionnement d'un terroir? Ici, assurément oui! La Côte Sud de Nuits Saint Georges possède le caractère altier de sa voisine, son inclinaison en pentes douces à fortes et cette capacité à capter les rayons de lumière du levant dès les premières heures de la journée.
Alors pourquoi point de Richebourg et de Romanée sur cette portion de terre loin d'être congrue?
Répondre à cette question c'est un peu expliquer le fonctionnement des hiérarchies qui régissent la Bourgogne. Nuits est comme Beaune, peuplée et marchande, négociante et soucieuse d'approvisionnements réguliers de haute qualité. Sa voie n'est pas dans la mise en lumière ultime de ses climats, elle mise sur le volume plus que sur la rareté et sur le nom de son village avant celui de ses parcelles. Nuits vit dans une ombre recherchée pour mieux gouverner "sa" Côte, Comme Beaune ordonne son Beaunoy et Meursault dynamise la blanche Côte.
Pourtant ce coteau est large et si les climats du Sud sont sous l'influence légère des vents de combe venant de la vallée ou coule le Meuzin, la quasi intégralité de ses crus est protégée des intempéries par ce coteau pelé qui culmine à un peu plus de 400 mètres d'altitude. C'est un des derniers endroits de la Côte d'Or où les parties sommitales ne sont pas complantées des résineux qui ont été importés ici sans véritable discernement par les eaux et forêts il y a plus de cent ans. Sait-on d'ailleurs si ceux-ci n'ont pas changé ces micro-climats si sensibles aux moindres variations. À l'heure où l'on cherche à tout prix à les pérenniser en les classant UNESCO, la question se pose avec acuité.
Ce Coteau des Boudots est sans doute à observer selon des lignes de pente qui définissent des caractères associés aux hauteurs où sont implantés les crus.
Le premier bloc se place entre 250 et 300 mètres et forme une langue étroite et fortement inclinée qui donne des crus aux fruités frais, fins et bouquetés et souvent marqués par de très subtiles et salines acidités. Ainsi Damodes, Richemone, Champ Perdrix et le minuscule En La Perrière Noblot ont ils un caractère commun très énergique et racé. Ce dernier est même l'un des sols pouvant accepter avec bonheur le chardonnay. Essayez celui de Alain Michelot. Je suis un fervent admirateur des Damodes,un cru qui donnent des vins s'épanouissant sur la durée et qui peuvent cousiner avec les Petits Monts vosniers. Les Lecheneaut - qui mélangent la partie cru avec celle de niveau village située au dessus - font ici un vin époustouflant depuis plus de 20 ans. La Richemone descend légèrement plus bas sur le coteau et a tout d'un grand cru hors norme entre les mains de Christophe Perrot Minot qui produit une cuvée "Ultra" pouvant toiser un Echezeaux sans difficulté. Le petit Champ Perdrix est plus incisif et moins dense mais ce vin de cailloux a - chez Alain Michelot - encore une stature étonnante, bien qu'il le vende en village car il une partie haute classée ainsi.
Les climats de mi-pente sont sans surprise les plus complets et, à bien des égares peuvent être comparés aux grands crus du prestigieux voisin. C'est à peine si leur esprit s'infléchit un peu du côté de la puissance grâce à une forme plus ferme conférée par des argiles un plus lourdes et un taux de calcaire actif plus faible. Boudots, Cras, Chaignots et Thorey me paraissent former un quatre majeur qui du Nord vers le Sud passe progressivement de la noirceur d'un fruit mat à celui plus seillant de baies rouges sombres, d'une franche note florale aux épices douces, d'un corps svelte et athlétique à une allure plus charnue.
Boudots est un cru de haute volée, proche de Malconsorts en plus sauvage et fougueux mais avec un peu moins de finesse. Il est sans aucun doute la plus belle expression nuitonne de ce coteau ferrugineux. Vin dense qui peut développer une très grande finesse avec le temps, il vieillit admirablement sur des accents de fruits noirs et d'orange sanguine. Gerard Mugneret produit ici un vin somptueux et le jeune Maxime Cheurlin est en passe d'affirmer un réel talent pour générer des cuvées racées et longues en bouche. Méo et Leroy sont des valeurs sûres.
Cras et Chaignots sont un peu les deux faces d'une pièce parfaitement ciselée. Ils évoquent la douce nature de Vosne, ses notes épicées tout en ne reniant pas le caractère plus austère et moins gourmand des Nuits francs et compacts. Deux très beaux vins en moyenne et une cuvée de Chaignots toujours impeccable chez Gouges.
Les Thorey sont sous la double influence d'une orientation légèrement Sud-Est et des vents de la vallée. Première cuvée pour Lavalle, ils tiennent encore leur rang grâce à une unité remarquable. David Duband produit ici un vin magnifique depuis 1997. J'aime leur distinction et leur finesse.
Le dernier bloc inclut les crus de début de pente. Argillas, Murgers, Vigneronde, Bousselots. Un peu plus sableux, ils livrent des vins un peu plus légers qui s'ouvrent plus vite et qui ne manquent pas de séduction.Le meilleur est sans aucun doute le Murgers qui ressemble un peu aux Boudots avec un peu moins de densité et de profondeur. Plus accessible jeune c'est un vin de séduction au noir fruité très engageant. Méo en produit une cuvée de premier ordre mais en général c'est un cru régulier chez nombre de producteurs.
Patrick Essa - 2019
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