Caractères d'un millésime: Les blancs de Bourgogne 1996
Les éléments avérés de ce millésime montrent que cette année de maturité froide a généré des degrés par dessiccation des baies sous l’influence des vents du Nord dans un contexte nébuleux excluant pluies et soleil. Les fruits étaient donc très sains, construits sur des degrés assez élevés et équilibrés par des acidités totales hautes. En moyenne sur des taux proches de 6,5.
Mais l’acidité n’a jamais permis de mieux préserver les vins du vieillissement et surtout il est essentiel de comprendre que la part tartrique de cette acidité totale était très élevée et que les acidités maliques n’avaient pu être dégradées par les rayons des “soleils” de Septembre. Cet équilibre était d’une absolue banalité pour tous les vignerons ayant œuvrés dans les années 60/70 et 80. Comme souvent les fermentations alcooliques des moûts à forte teneur acide obtenu par dessiccation des baies ont fermenté rapidement sur le plan alcoolique et c’est cette conjugaison qui a généré ces notes peu nobles – ce sont des notes variétales – de truffe blanche, voire de pyrazine. Signifier comme je l'entends pargois, qu’elles complexifient les vins est aussi pertinent que de relever les notes miellées sur les raisins de 2003 les moins bien nés! Ce qui est une subtilité à Jurançon dans les liquoreux de passerillage, est une faute lourde en nos contrées.
Croquer les raisins en 1996 permettait de constater des raisins aux peaux durs et à la chaire ferme sur des pellicules verts fluos qui n’ont jamais doré et dont les pépins ont durant toute la campagne de vendanges un côté ligneux. Nous aimons cependant ces années fraîches en moyenne car leur énergie donne de la précision aux notes olfactives et car avec un débourbage qu’il est possible de réduire au minimum, en raison de l’absence totale de pourriture, les lies propres et abondantes autorisent une autolyse des levures lentes qui étoffe les vins et leur procure des accents tactiles “flavonoides” très souvent salvateurs sur la durée d’un élevage à deux hivers. Très peu de vignerons ont usé d’une desacidification au carbonate de potassium et s’ils l’ont fait – mais je n’en connais à dire vrai aucun – ils ont agit en amont avant FA car après FA ce geste brutalise tellement les vins que leur déséquilibre en devient évident et qu’ils sont irrémédiablement dépouillés.
Les vins mis en bouteille avant vendanges sans contrôle des FML ne sont pas légion non plus car lorsqu’une FML traine à démarrer le vigneron sait ensemencer ces vins avec des bactéries lactiques depuis de très nombreuses années et s’il ne le fait pas il use d’autres artifices comme prélever une part de vins en fermentation dans un autre fut et l’ensemencer de manière indirecte. Je passe sur les petites astuces de cuverie dont nous disposons par ailleurs et je pense que les vignerons ont en moyenne embouteillé des vins qui n'ont pas subi par la suite une autolyse des levures en bouteille selon un processus oxydo-réducteur. Heureusement...et je renvoie le lecteur à mes textes sur ces sujets en ligne sur le site.
En cas de FML partielle – et je rappelle que par ex Jacques Lardieres chez Jadot usait souvent de ce process – le vigneron “pris” par ces locaux exigus et le temps opère un sulfitage plus élevé et/ou filtre sur des plaques stériles qui tuent toutes vies levureennes dans les vins. À t’on jamais vu des Vouvray ou des Alsace repartir régulièrement en FML dans les flacons? Ils ne les réalisent pourtant pas! La polarité Redox de ces vins – rien à voir avec des FML partielles – est probablement à l’origine des évolutions parfois constatées et leur salinité intense reste d’ailleurs fixe lorsqu’ils s’effondrent. Cela provient uniquement de l’équilibre initial de fruits phénoliquement inaboutis et d’une maturité moléculaire les empêchant de développer des notes “climatiques” tout en exaltant un pôle variétal végétal.
Pour avoir réalisé une "VT" totalement sèche fin Octobre je puis signifier que les raisins n’étaient pas plus chargés en alcool et encore plus acides sur le plan analytique. Une année où le terroir trace moins qu’à l’accoutumée. L'évolution de ces 1996 a beaucoup fait parler ” à posteriori ” à partir de 2002 si mes souvenirs sont bons, soit environ 4/5 ans après mise en bouteille et l’on a alors observé essentiellement une dégradation de l’olfaction en même temps que l’exaltation des arômes de pommes grany smith qui sont surtout le signe de lentes fermentations FML pas forcément d’une oxydation vraie. À chaque fois que cela se produit – voir 2008 – les vins passent par une étape ingrate où ils paraissent plus morts que vifs et finissent par passer ce cap mais hélas s’ils peuvent finir par faire d’honnêtes quilles, leur niveau n’est pas celui des grands. Irrémédiablement.
Patrick Essa - 27/12/2014