Devrait-il y avoir des grands crus à Meursault? Éléments de reponse
Ecrit par Patrick Essa Vigneron à Meursault - 2015
Voilà une question sensible qui émerge sous ma plume alors que je rédige la partie "Genevrières" de mon article consacré au finage de Meursault.Plusieurs éléments expliquent ceci alors qu'incontestablement les climats Perrières dessous, Charmes dessus et Genevrières dessus méritent sans aucun doute ce classement.
- Les négociants largement propriétaires dans la Côte de Beaune et s'y approvisionnant ne souhaitaient pas payer au prix fort tous les vins de grande qualité. Ils valaient mieux pour eux "positionner" Montrachet et ses satellites en grands crus et Meursault en "premiers crus". Cela créait une hiérarchie commerciale acceptable : peu de grands crus et beaucoup de premiers crus.D'autant que la montagne de Corton ( beaucoup de grands crus blancs et rouges ) lui appartenait largement. Les acteurs de la création des AOC au début des années trente ont enterriné une partie des souhaits de Charles Bouchard et du négoce en définissant des classes "invisibles" au sein de crus visibles voulus par les vignerons...on a ménagé la chèvre et le chou.
- L'existence dans cette commune importante de plusieurs syndicats de vignerons aux opinions diverses au moment du classement des grands crus. Il semble nettement qu'ils n'aient pas réussi à s'entendre pour définir ce qui devait être classé. Les intérêts politiques et particuliers ayant alors fait échouer les "négociations" pour délimiter sereinement un ou plusieurs crus en grands crus
- Les climats de Meursault sont étendus et seuls une partie de ceux-ci méritaient un classement en grand cru, il aurait fallu déclasser certaines parties des lieux dits ( et sans doute surtout Charmes dessous bien que parfois l'endroit livre des vins de haute tenue). En place de celà on a largement délimité en premier cru ( une partie des Gruyaches appartenant principalement à un homme influent se sont vus classés en premiers crus alors qu'ils n'étaient que des troisièmes cuvées depuis des décennies) pour faire passer un peu mieux la "pilule" !
- Le nom de Meursault est aujourd'hui sur toutes les étiquettes de crus vendus dans la commune et "sonne" aussi bien que Montrachet. Le souci de préserver ce nom communal depuis toujours (aucun nom de cru associé au village comme dans les communes de Volnay, Pommard et Monthelie) a aussi eu son influence. Puligny et Chassagne - et ce n'est pas un jugement mais un constat - sont ainsi médiatisés sur le nom de leur cru principal, mais moins connus pour leur nom "communal".
- Les rendements autorisés sont supérieurs en premiers crus, c'est un avantage important pour les petites propriétés qui exploitent ses petites parcelles de vignes en fermage et qui partagent la récolte en deux ou sur la base 1/3 - 2/3 des fermiers.
- Le vigneron de base souffre aujourd'hui du prix démesuré des terres des meilleurs crus car peu nombreuses (sur le plan des classements) elles focalisent l'attention de l'acheteur toujours en quête du mieux. ON peut dire que de ce point de vue c'est une parfaite réussite de la mécanique commerciale, mais aussi une parfaite stratégie pour faire courber l'échine aux petites propriétés...
En résumé Perrières devrait être grand cru dans son ensemble en compagnie de Charmes dessus et de Genevrières dessus si l'on avait classé comme à Corton. mais aussi les Pucelles, les Combettes, le Champ Canet la partie basse des Folatières et tout le Caillerets avec les Demoiselles à Puligny ainsi que Grandes Ruchottes,, Caillerets et Romanée à Chassagne.