Verticale de Pommard-Rugiens
Les vins nous furent servis dans l'ordre de leur naissance du plus jeune au plus âgé, les voici en tenue de soirée avec les commentaires respectueux d'un observateur attentif, un peu intimidé :
Pommard Rugiens 2005 domaine Fernand et Laurent Pillot : Un vin à la FML non faîte, bâti sur une couleur très sombre, dense, tannique et un peu astringent à ce stade. On sent une grande noblesse aromatique sur les fruits noirs et le thym. Le boisé très envahissant gomme un peu l'effet terroir, mais il évoluera c'est certain. Très bien.
Pommard Rugiens 2004 domaine Fernand et Laurent Pillot : Issu d'une vendange grêlée très soigneusement triée, le vin est très sombre et exhale des notes de tabac frais et de lauriers, mais aussi d'eucalyptus. La bouche est puissante, tannique et un peu astringente mais la densité de la trame devrait lui permettre de s'affiner avec le temps.Bien.
Pommard Rugiens 2003 domaine Fernand et Laurent Pillot : La couleur est plus claire, plus bourguignonne en fait avec des reflets légèrement acajou. Le nez diffuse sur des notes de pruneaux et de mûre sauvage puis évolue vers des notes de suie fumée à l'aération. La bouche est douce basée sur une trame d'acidité basse et possède une grande douceur de constitution. Un vin tendre, fin et harmonieux à la finesse affirmée. Très bien.
Pommard Rugiens 2002 domaine Fernand et Laurent Pillot : La couleur rubis moyenne est très engageante pas son brillant et son éclat. Les notes de fraise et de framboise se conjuguent au réglisse pour constituer un ensemble harmonieux intense et fin. La bouche est encore assez stricte sur une jolie acidité constitutive et se complexifie à l'aération vers de belles notes de caroube et de girofle. Un vin élégant et classique à la forme enjôleuse. Très bien.
Pommard Rugiens 2001 domaine Fernand et Laurent Pillot : plus claire, moins concentré et un peu plus végétal, celui-ci semble moins en place et issu d'une vendange un rien moins mûre. Bien entendu la race fumée du cru transparaît mais le volume est un peu court pour un climat si charpenté à l'accoutumée. Un joli vin bien réalisé mais sans la grâce ultime du terroir ferrugineux de Rugiens. Assez Bien.
Pommard Rugiens 2000 domaine Fernand et Laurent Pillot : Le domaine a produit là un vin à l'équilibre idéal qui compte parmi les plus belles réussites de cette côte dans le millésime. La couleur est soutenue, le nez puissant sur de fines notes de cannelle, de poivre et de réglisse et la bouche stricte et ferme possède de très beaux tanins souples qui soulignent une trame dense et précise. Un formidable 2000 ! Excellent dans le contexte.
Pommard Rugiens 2000 "Peregrinus" domaine Fernand et Laurent Pillot : Une cuvée spéciale issue d'un fût isolé et élevé sur 25 mois. Le vin est plus évolué que le précédent et possède une couleur moins soutenue. Ses tanins très fins en font une belle bouteille à boire qui magnifierait sans problème une belle pièce de gibier.Bien.
Pommard Rugiens 1999 domaine Fernand et Laurent Pillot : Par rapport au 2000 je m'attendais à plus de concentration dans ce vin issu d'un millésime quasiment parfait ! La couleur rubis est assez légère et commence à évoluer vers l'acajou. Les notes de griotte et de mûre sauvage exhalent subtilement et le boisé est fondu. La bouche est fluide, compacte et manque un rien de complexité et de volume. Bien tout de même.
Pommard Rugiens 1998 domaine Fernand et Laurent Pillot : Encore un vin de grande classe dans une année moyenne...La couleur est peu évoluée et marquée par des senteurs de pruneaux, de fève de cacao et de figue. La bouche est suave, ronde, très harmonieuse et possède vraiment la race du cru en son centre. Belle longueur finale et tension minérale affirmée. La classe§ Très bien.
Pommard Rugiens 1997 domaine Fernand et Laurent Pillot : Une année souple et mûre qui n'a jamais été considérée comme "grande" mais qui ici s'affirme comme une vraie réussite. Couleur sombre, matière serrée et très soyeuse avec une densité de texture peu commune. Le vin séduit par son aspect sauvage, légèrement animal et ses notes fumées, "créosotées" qui évoquent la graphite, la mine de crayon. Un vin très long, très pur, très personnel. Très bien+.
Pommard Rugiens 1996 domaine Fernand et Laurent Pillot : L'année n'est pas simple et de nombreuses remarques fusèrent de toute part autour de moi sur les qualités des fruits du millésime et en particulier sur leur acidité présente. Bien entendu les vins issus de cette récolte sont marqués par ce caractère austère et vif qui tend la structure et par une ligne générale asse tranchante et "dure". Celui-ci a su préserver de la fraîcheur et une sapidité de très bon aloi en positionnant le terroir en avant mais sur un registre peut-être un peu étriquer pour l'instant. Notes de tabac, de menthe sauvage et de sauge pour une palette aromatique complexe à laquelle il ne manque qu'un peu de rondeur et de densité. Bien.
Pommard Rugiens 1995 domaine Fernand et Laurent Pillot : Le vin est sombre, peu évolué et dispose d'une matière serrée au grain tannique affirmé. Il charme par ses notes de camphre et d'épices douces mais aussi d caroube et de réséda qui évolue à l'aération vers une intensité remarquable. Encore une belle surprise pour ce millésime sous-estimé qui est arrivé aujourd'hui à maturité mais qui peut se garder longtemps encore.Longue finale aérienne. Très bien.
Pommard Rugiens 1994 domaine Fernand et Laurent Pillot : Un vin fluide et clair, parfaitement fondu et abouti dont la couleur acajou indique l'âge de raison et même u peu plus...Il est subtil et fin, élégant et racé mais ne dispose sans doute pas de la formidable densité de matière des précédents. Je le trouve donc un peu evnescent dans sa forme, comme un rêve de vin abouti qui hante longtemps le palais, comme un murmure discret de ce qu'il fut autrefois...Charmant.Bien.
Pommard Rugiens 1993 domaine Fernand et Laurent Pillot: Coup d'essai et coup de maître ! Comme souvent la première vinification d'un vin porte en elle questionnement et incertitude, mais les auspices laissent place à de beaux résultats au final. Ici un vin serré, tannique au grain souple et élégant et à la grande rectitude d'arômes. Grand vin racé et pur qui s'exprime sur le zan et le réglisse mais aussi l'eucalyptus et la fougère. Longueur magistrale. Très bien.
A la suite de cette très belle décade montant "rugientissimo" la famille Pillot-Pothier convia l'assemblée à une expérience quasiment unique : faire sauter des bouchons vénérables par lot de 5 bouteilles, les servir après décantation de manière précise et douce, j'oserais dire....religieuse, à un parterre médusé de 60 convives tout en les accompagnent des meilleurs fromages de la région. J'ai nommé Cîteaux, Epoisses et le voisin Comté.
Ode joyeux et profane mais aussi grave et profond ce fut un moment de table rare ou le partage l'emporta une fois de plus sur la formelle analyse gustative, ou le plaisir sut se mettre au diapason de la seule évaluation organoleptique.
Je n'ai pris de notes pour ces vins de Virgile Potier, je n’en avais pas besoin au fond car je les ai encore au creux de mon palais comme des traces indélébiles qui l’imprègnent. J'ai pensé à cette famille qui a tant souffert lorsque je partageais les bancs scolaires des deux filles aînées au moment des décès des parents, je me suis souvenu ainsi que le vin n'est pas seulement une question de sensation mais qu'il est avant tout humanisme et respect à l'endroit de ceux qui l'ont engendré. Qu'il me soit permis ici d'écrire des "mots du vin "qui ont plus de lien avec les coeur qu'avec les sens conjugués du goût...
Pommard Rugiens 1988 Domaine Pothier : L'année était en tous points parfaite et les fruits mûrs et sains qu'elle engendra ont parfois tellement de puissance qu'elle peut faire penser à quelque chose d'inachevé encore aujourd'hui. Couleur rubis, profonde, sans évolution qui semble suspendue dans le temps. Nez exhalant le laurier et la fraise des bois, mais aussi la merise et la mûre sauvage puis de manière sous jacente de fines notes "ferrugineuses" de graphite. La bouche est stricte et possède une trame serrée sur un boisé totalement absent. Elle diffuse de très belles notes florales avant "d'embraser" longuement le palais dans un festival d'arôme réglissé.Belle finale rémanente. Très bien+.
Pommard Rugiens 1976 Domaine Pothier : un vin vinifié par Virgile et je ne sais s'il l'a été en raisin non égrappé et foulé mais il en donne l'impression stricte et rugueuse. Vin de soleil par son pôle aromatique mûr qui dessine des contours de fruits noirs et de cannelle en bouche mais vin de terre argileuse pour sa face élégante et tendue, fraîche et harmonieuse qui incline la dureté minérale de ce vin de feu vers une souplesse tactile qui tapisse le palais. La jeunesse d'un vin costaud qui a encore un longue avenir est proprement sidérante. Un Rugiens rouge sang, racé à souhait et qui paraît éternel. Excellent.
Pommard Rugiens 1959 Domaine Pothier : Les vins vieux sont capricieux et les bouteilles ouvertes ont chacune une personnalité à part. Nous avons eu la chance de déguster un flacon frais et fringant parfaitement conservé en cave fraîche qui a su préserver en son coeur le substrat de son terroir. Mi- Rugiens haut, mi Rugiens bas il allie la puissance à la finesse et la souplesse de l'année à la constitution solide du cru. Un vin harmonieux, plein et long, infiniment doux que l'on a plaisir à humer longuement en méditant sur les temps qui l'ont généré, mais aussi sur la manière dont il a été élaboré. Y avait-il des cuves en bois, foulait-on longuement, la vendange était-elle entière, et puis aussi la mise, la mèche, le fûts, les mains, les visages, les couleurs de l'époque... Un délicieux parfum suranné de tranches de vie imaginées. Hors classe.
Pommard Rugiens 1947 Domaine Pothier : Quelle couleur ! Sombre, sans évolution, brillante, jeune tout simplement. Mais comment cela est-il possible aujourd'hui 58 ans après ?...J'ai bu de nombreux Rugiens sur tout le siècle et par la grâce des évènements et des rencontres il m'arrive de pouvoir croiser de tel génie vineux. Aucune comparaison avec le meilleur du meilleur des vins jeunes... Un vin de frisson pur qu'il ne faut au fond pas essayer de comprendre, on le ressent au travers du corps et on y pense toute la journée qui suit ! Hors ligne