La Côte de Nuits 22: Le Grand Cru Latricières Chambertin

Publié le par Patrick Essa

 Latricières Chambertin

 
Écrit par Patrick Essa vigneron au Domaine Buisson-Charles à Meursault pour le site www.degustateurs.pro
 
Voilà bien un nom curieux et rugueux qui ne possède pas le charme sonore d’un  Musigny ou d’un Richebourg et encore moins le côté intrigant d’un Échézeaux ou plus sec d’un Corton. Pourtant ce nom est aussi célèbre qu’eux et semble même pour certains amateurs être porteur d’une qualité exceptionnelle qui allie la partition épicée des Morey à celle plus sombre et mate des Gevrey.
 
    Latricières du latin « triciae » qui signifie terre infertile, maigre et pauvre est sans doute une dénomination née sous le nom de « La Tricière », baptisée dès le 14°siècle par de laborieux vignerons peinant à planter leurs paisseaux dans ces terres très dures. On oublie d’ailleurs souvent que le vigneron est à l’origine de tout et que c’est de son labeur que sont nés  nombre de lieux dits lui faisant référence. En ces temps où la terre semble ne pouvoir être possédée que par de puissants groupes et des investisseurs avides de dividendes ou de gloire « viniques » il est bon de leur rappeler que sans l’ouvrage des petites mains, celles-ci ne vaudraient rien.
   Latricières est donc terre nourricière de « gens de peu » à son origine et il me paraît  aujourd’hui évident que son substrat ce souvient des mains cagneuses qui ont contribué à la lettres en forme.
  Ainsi l’ensemble du climat repose sur un maigre substrat il est aussi plus précis de signaler que la partie haute de son bord nord est assez  proche au niveau de son orientation et de sa constitution du grand Chambertin qui le borde au septentrion. Un coteau légèrement incliné vers l’Est  qui est composé de calcaire oolithique. Dans la partie basse il n’est pas rare de voir affleurer de la roche dure et le sol est alors mince, caillouteux et très exigent pour les ceps de vignes qui y sont plantés. Une partie haute proche de sapins, moins porteuse de la singularité du cru sans doute car plus froide, un peu sablonneuse est plus proche du caractère des Combottes, elle est aujourd’hui exploitée par le domaine Arnoux-Lachaux à Vosne Romanée. C'est évidemment un vin de fort bon niveau bénéficiant d’une grande originalité formelle si on le compare à ses pairs.
    Ce cru aujourd’hui singulier a longtemps été confondu avec le Chambertin, ainsi en 1831 le Docteur Morelot ne le cite pas et passe directement du Clos de la Roche au « vrai » Chambertin. Preuve sans équivoque que ces parcelles étaient vendues comme tel jusqu’au milieu du 19°siècle. Le docteur Lavalle le place ensuite en seconde cuvée avec les Mazis Bas, la petite Chapelle, les Mazoyères et les Charmes Bas. Significativement une classe sous les Cazetiers, les Verroilles, les Saint Jacques et les Estournelles. Avec le temps les classements évolueront mais le cru ne prendra vraiment son « envol » qu’à partir des années 1930, moment où il acquiert son statut de grand cru. Mais je suis assez certain de ne pas tomber dans la conjecture si j’affirme que sa nature originale est sans aucun doute la plus fine, délicate et subtilement épicée de la sphère Chambertin avec ce je ne sais quoi unique évoquant, le réglisse, le camphre et le clou de girofle sur une texture de velours. Avec la Griotte, sans doute l’expression la plus délicate de Gevrey.
   Assez étendu (près de 8 ha) peu morcelé et fort qualitatif, son nom roturier l’a parfois desservi mais sa discrétion en fait le chouchou des amateurs avertis il suffit parfois de peu pour minorer une terre ou la faire passer dans , la légende. En compagnie des Corton il s’agit du Vin des connaisseurs qui aiment le vin plus que les noms.
   C’est un vin qui possède un caractère très racé qui se rapproche nettement du Clos de la Roche voisin, il est comme lui marqué par la fraîcheur des vents de la Combe Grisard positionnée au desssus de lui. le cru est un rien plus tardif que ses pairs de Gevrey, ce qui lui procure sans doute une finesse unique de constitution magnifiée par des tanins souples qui génèrent des vins sveltes et accessibles. Naguère les années chaudes lui étaient favorables, désormais par la grâce du réchauffement de notre climat, il est devenu très régulier.
 
    C’est un vin rare où le meilleur peut côtoyer le simplement bon mais surtout de nombreux styles de vinifications  le marquent nettement. De la finesse prononcée des vins du domaine Remy à la puissance contenue des vins de Trapet ou à la légèreté des bouteilles de Camus en passant par l’intensité de ceux de Faiveley ou de Simon Bize. Je déguste régulièrement ceux de Rossignol-Trapet et je suis toujours conquis par leur naturel et ce côté aérien qui signe le grain de texture du grand cru.
 
In English (reverso)
 
This is a curious and rough name that does not have the sound charm of a Musigny or Richebourg and even less the intriguing side of a Échézeaux or drier side of a Corton. Yet this name is as famous as them and even seems to some amateurs to carry an exceptional quality that combines the spicy score of the Morey with the darker and dullest score of the Gevreys.
 
Latricières from the Latin "triciae" which means infertile, meagre and poor land is undoubtedly a denomination born under the name of "La Tricière", baptised as early as the 14th century by laborious winemakers struggling to plant their pass in these very hard lands. We often forget that the winemaker is at the origin of everything and that it is from his labour that many places called referring to him were born. In these times when the land seems to be able to be owned only by powerful groups and investors eager for "wine" dividends or glory, it is good to remind them that without the work of small hands, these would be worthless.
 
Latricières is therefore a nourishing land of "little people" at its origin and it seems obvious to me today that its substrate remembers the cagneuse hands that contributed to the shaped letters.
 
Thus, the entire climate rests on a meagre substrate. It is also more precise to point out that the upper part of its north edge is quite close in terms of its orientation and constitution to the great Chambertin that borders it to the north. A slightly eastwardly inclined hill that is composed of monolithic limestone. In the lower part it is not uncommon to see hard rock outcrop and the soil is then thin, stony and very demanding for the vine stocks planted there. An upper part close to fir trees, probably less carrier of the singularity of the vintage because colder, a little sandy is closer to the character of Combottes, it is now operated by the Arnoux-Lachaux estate in Vosne Romanée. It is obviously a wine of very good quality benefitting from a great formal originality compared to its peers.
 
This now singular vintage has long been confused with the Chambertin, so in 1831 Dr. Morelot did not quote it and passed directly from Clos de la Roche to the "real" Chambertin. Unambiguous proof that these parcels were sold as such until the middle of the 19th century. Dr. Lavalle then placed it in a second cuvée with the Mazis Bas, the Petite Chapelle, the Mazoyères and the Charmes Bas. Significantly a class under the Cazetiers, Verroilles, Saint Jacques and Estournelles. Over time, the rankings will evolve but the vintage will not really take off until the 1930s, when it acquired its status as a grand cru. But I am quite certain not to fall into conjecture if I affirm that its original nature is undoubtedly the finest, delicate and subtly spicy in the Chambertin sphere with this unique evoking je ne sais quoi, liquorice, camphor and cloves on a velvet texture. With the Griot, probably Gevrey's most delicate expression.
 
Quite extensive (nearly 7.3 ha) not very fragmented and very qualitative, its commoner name has sometimes served it but its discretion makes it the darling of discerning amateurs, it is sometimes enough to reduce a land or make it pass into legend. In the company of the Cortons, it is the Wine of connoisseurs who love wine more than names.
 
It is a wine that has a very racy character that is clearly close to the neighbouring Clos de la Roche, it is like it is marked by the freshness of the winds of the Combe Grisard positioned above it. the vintage is a little later than its Gevrey peers, which undoubtedly gives it a unique finesse of constitution magnified by supple tannins that generate s In the past, the warm years were favourable to him, henceforth thanks to the warming of our climate, he has become very regular.
 

It is a rare wine where the best can rub shoulders with the simply good but above all many styles of winemaking clearly mark it. From the pronounced finesse of Domaine Remy wines to the contained power of Trapet wines or the lightness of Camus bottles to the intensity of those of Faiveley or Simon Bize. I regularly taste those of Rossignol-Trapet and I am always conquered by their naturalness and this aerial side that signs the texture of the grand cru.

 

Tous droits de reproductions interdits sans autorisation de l'auteur  

 

           http://acrh.revues.org/5979

 

+...sur Gevrey:

La Côte de Nuits 15: Le Grand Cru Chambertin

La Côte de Nuits 16: le Grand Cru Chambertin Clos de Bèze 

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La Côte de Nuits 18: Le Grand Cru Ruchottes Chambertin

La Côte de Nuits 19: Les premiers crus de la Côte Chambertin

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