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Les premiers crus de la Côte Chambertin

Publié le par Patrick Essa

 Les premiers crus de la Côte Chambertin

La Côte Chambertin

 

 

     La commune de Gevrey a été sage au moment des classements des années 1930/1940. Nulle part mieux qu'ici les proportions des villages, premiers crus et grands crus n'ont été aussi équitables. Le client qui cherche à acheter du vin à ici de quoi se fournir dans les trois niveaux de la gamme et peut même, cerise sur le gâteau, compter sur de bons Bourgogne génériques par la grâce d'un vaste cône de déjections créés par des dépôts limoneux forts qualitatifs.

 

    Ainsi de manière assez logique il n'est point de cru qui soit galvaudé sur la Côte Chambertin et tous ont un message aromatique assez personnel à mettre en avant. Seul petit bémol, la petite entité des crus "centraux" entre Côte Saint Jacques et Côte Chambertin qui sans démériter n'est pas au niveau des autres premiers crus du finage qui pour nombre d'entre eux pourraient passer pour des oubliés du sommet du classement. Combien de Clos Prieur, Combottes et autres Cherbaudes pourraient en ses terres rivaliser sans honte avec leurs prestigieux voisins...ainsi va la vie des communes vastes qui ont nécessairement taillé moins larges les contours de leur excellence.

 

    Entre Morey au Sud et la route de la Combe Lavaux, cette côté peu large, assez faiblement inclinée vers l'Est et coiffée par des sapins sombres est sous l'influence éolienne des deux combes qui l'encadrent, Grisard au Sud et Lavaux au Nord. C'est ainsi une zone tempérée qui permet aux pinots noiriens de s'épanouir sur une maturité ni trop tardive, ni trop précoce, leur procurant peaux épaisses et aoûtement des rafles et pépins. Sa ventilation éloigne les maladies, sa pente douce permet un bon drainage en limitant les ravinements et son substrat est incomparable pour charpenter des crus pleins et charnus.

 

 

 

La  Petite Chapelle:

 La petite Chapelle était autrefois dénommée Chapelle "basse" ou encore "champitenois". Pendant inférieur de la Chapelle Haute qui donne aujourd'hui en compagnie des Gesmeaux le grand cru Chapelle-Chambertin, c'est un premier cru naturel qui ne souffre d'aucune contestation. De ce fait il est souvent considéré comme l'un des cinq meilleurs de la commune.  

 

Le cru placé sous la Chapelle-Chambertin et les Gesmeaux encadre le très peu connu et revendiqué climat "en Ergot". Il mesure un peu plus de 4 hectares et montre une nature complexe qui mêle douceur de texture et finesse dans certaines cuvées et fougue et tension dans certaines autres. De ce fait l'aura de vin "plutôt" féminin et tendre qu'il véhicule n'est pas toujours avérée car il existe des exemples étonnants de ce cru aussi masculins et athlétiques que peu délicats. En revanche sa complexité n'est jamais prise en défaut et sa nature tellurique est d'une rare prégnance. Sans doute les parcelles - peu nombreuses - surplombant En Ergot ont-elles même un rien plus de délicatesse...mais en la matière il faudrait organiser une vraie comparaison car mon observation est purement "sensitive".

Je déguste depuis de nombreuses années ceux des domaines Rossignol-Trapet et Trapet mais également par intermittence les vins des domaines Dugat-Py, Humbert, Guillon, Marchand-Grillot et du domaine des Perrières. Il me semble que le vin a toujours un vrai besoin de temps pour affiner sa nature, qu'elle soit délicate ou musclée. Une Petite Chapelle se rapproche nettement du caractère Gesmeaux avec un rien de finesse en plus et sans doute un peu moins de feu intérieur, mais c'est toujours un fort beau vin!

  

        

 

Bel-Air: 

 Dans le prolongement des Ruchottes du Dessus et juste au dessus du Chambertin Clos de Beze, le climat de Bel-Air semble avoir été conquis récemment sur les sapins surplombant actuellement la côte. Il n'en est rien car on retrouve la trace de ce cru dans des parcellaires forts anciens et il semble avoir toujours été planté de vignes...avant même que les résineux ne couvrent le dessus du coteau. Cela dit comme le climat se décompose en parties "villages" au dessus et "premier cru " en bas" il est assez certain que l'homme a augmenté imperceptiblement son pré-carré au fil du temps. Parfois de manière quelque peu intempestive comme récemment...gageons que les instances gibriaçoises continueront d'exercer à bon escient leur vigilance par l'intermédiaire de l'ODG de l'appellation.

Ce cru élevé est le plus frais de la Côte Chambertin. Marqué sur ses 2,66 ha par des terres légères à assez profondes surtout au nord en bas, il est également caillouteux et marno-calcaire. Son exposition plein Est lui confère une bonne insolation et pour peu qu'il soit récolté mûr - et donc assez tardivement - il participe sans doute un peu de la qualité de ces voisisns célèbres.

Je l'ai souvent dégusté dans mes premières années de dégustateur chez Charles Quillardet puis chez Taupenot-Merme et Charlopin en lui trouvant toujours une réelle présence et un grain tactile affirmé. Ce n'est pas le plus délicat de la côte mais son fruité éclatant plaide incontestablement en sa faveur.

 

 

20319 

  

 

Les Cherbaudes :

  Il s'agit probablement du plus fin des premiers crus de Gevrey-Chambertin. Dans le prolongement septentrional des Gesmeaux qui ont le droit à l'appellation Chapelle-Chambertin, ce cru relativement plat et solaire repose sur un substrat argilo-calcaire mêlé de limons. Assez morcelé si l’on excepte les parcelles Fourrier (17 ouvrées), Beaumont (12 ouvrées) et Boillot (8 ouvrées) il est de ce fait assez rare mais sa qualité est incontestable. Mesurant 2,19 ha il marque les crus du côté de la distinction et ressemblerait "presque" à un Chambolle égaré dans la Côte Chambertin. Je me souviens de "spécimens" d'âges honorables d'une indicible délicatesse dégustés chez Pierre Boillot mais aussi au domaine Marchand à Morey. Je le compare également aux Cailles de Nuits Saint Georges et lui attribue en dépit de sa nature soyeuse et avenante une très belle capacité de garde. Incontestablement à positionner dans la première catégorie des "premiers crus" à mon sens.

  

La Perrière :

  Mesurant 2,47 ha la Perrière est un climat pourtant assez disparate car il comporte en son sein les vestiges d'une carrière exploitée durant plusieurs siècles. Il en résulte une importante dépression que l'on peut facilement observer le long de la route des grands crus juste en face des Mazis Bas. Son sol a par ailleurs longtemps été parsemé de Chenevières dans sa partie haute au sud - d'après les recherches cadastrales de Charlotte Fromont - et il me semble que seules les parties médianes et basses peuvent être considérées comme un substrat naturel non remodelé. Qui qu'il convient d'être ici prudent car le passé recèle d'informations que nous ne connaissons pas toujours.

   Assez proches du Closeau voisin, ces terres sombres et caillouteuses ont une belle proportion d'argile et diffèrent sensiblement du haut du Clos Prieur qui touche le climat au sud. Ce n'est pas le vin que je préfère en général car si je lui trouve une vraie finesse de constitution, il manque parfois d'un peu de corps et de profondeur pour égaler les Clos Prieur et Petite Chapelle non loin. Un vin fin et bouqueté, assez proche de la nature variétale du pinot noir mais sans la race ultime des crus mitoyens. Il se déguste en général un peu plus rapidement que les autres.

 

Au Closeau:

 Petit premier cru mesurant 53 ares Closeau est fort bien situé au pied de la Cote des grands crus juste sous le Mazis-Bas. et comme enclavé dans la Perrière. Je ne sais si ces terres ont été remaniées et s'il a été utilisé comme chenevières ou comme carrière - il y en avait dans la Perrière voisine - mais il est certain que sa situation à la sortie du village lui a vallu diverses attributions au cours des siècles.

Son sol argileux et blond qui mêle cailloux et quelques dépôts limoneux doit sans doute donner des vins dans laquelle la finesse s'affirme. Mais je ne m'aventurerai pas à le caractériser car je le déguste très peu. Deux propriétaires se le partagent- le domaine des Perrières et Drouhin Laroze -et seule ce dernier qui possède les 8/10 du climat en produit un régulièrement. 

 

 

Les Fontenys:

   Voilà un cru au fond assez méconnu qui est situé sur le cône de déjection de la combe Lavaux. Marqué par une situation assez singulière qui le fait regarder au septentrion selon une pente relativement accidentée, il mesure 3ha 73 ares.

Il comporte je pense deux parties distinctes, une partie basse qui jouxte les maisons du village est plus fraîche et argileuse. Elle livre des vins charnus et un peu austères qui révèlent souvent une nature un peu ombrageuse en jeunesse mais qui vieillissent bien. L'autre partie, pentue comporte le Clos du Fonteny - 18 ouvrées - exploité par Bruno Clair à Marsannay. Les deux hectares restant sont assez morcelés mais l'on y retrouve deux belles parcelles appartenant au domaine Joseph Roty et à Christian Sérafin. Je n'ai jamais trouvé de réelle unité de terroir dans ces vins qui ne font pas partie de mon panthéon personnel au niveau communal. Ce sont pour moi d'honnêtes "villages" qui n'ont pas souvent la carrure d'un vrai premier cru. Mais sans doute suis-je là un peu sévère... 

 

 

Clos Prieur:

  Entre La Perrière et Cherbaudes le Clos Prieur est un cru qui est souvent considéré parmi les meilleurs de la Côte Chambertin. Une situation juste sous les Bas Mazis sur une zone relativement plane et limoneuse qui combine argile et cailloutis lui procure un caractère « réglissé » qui le rapproche nettement du grand cru voisin.

Il se partage en deux parties distinctes, l'une haute en appellation premier cru et la seconde "basse" en appellation village. Cette dernière plus argileuse et moins « draînante » n'en possède pas moins un vrai potentiel. Certains domaines - comme Marc Roy - possède des parcelles dans les deux zones et les assemble pour les déclarer en "village". Une aubaine pour les particuliers qui le savent! Le "Haut" mesure 1, 97 ha seulement et la plus grande parcelle est exploitée par le domaine Rossignol-Trapet qui en cultive 26,51 ares. 

 

 

 

Les Corbeaux:

  Corbeaux est un peu le vilain petit canard de Gevrey si l'on considère son nom bien peu attractif. Il rejoint en celà certains "Cras" des villages voisins qui eux aussi rappellent le noir et bien peu élégant volatile. Mais en Bourgogne il ne faut pas s'arrêter à la joliesse supposée du nom et il semble avéré que certains Charmes peuvent être un peu surfaits et non moins évident que cet oiseau là n'augure d'aucun mauvais présage.

Terre sombre, mêlée de cailloutis le climat orienté au levant est contigu des Mazis bas et juste séparé de lui par une "coupée". Ses premiers rangs ne sont pas loin de le valoir car ils partagent sont sol et son exposition en même temps que sa douce déclivité. En revanche seule la moitié des 3,20 hectares du climat possède ce caractère car plus l'on s'approche des maisons du village au nord plus la pente s'abaisse et le sol s'alourdit.

C'est un cru que je déguste assez souvent chez Denis Bachelet, Heresztyn, Pierre Boillot et Rossignol-Trapet et il me paraît tout à fait digne des plus belles expressions de cette côte fabuleuse. Un vin plein, sauvage et puissant qui vieillit avec une grâce remarquable dans une registre qui curieusement annonce un peu le caractère de la Côte Saint Jacques

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Les Champonnets:

  Voilà un cru assez méconnu qui cherche un peu sa véritable nature car il est coincé entre les deux Côtes de Gevrey-Chambertin et se situe sur le cône de déjection limonneux de la Combe Lavaux. Il constitue en compagnie d'Issarts, Craipillot Fonteny et du Clos du Chapitre une zone de transition, ventée, assez fraîche mais comportant des sols calcaires de très bonne qualité. Ce sont des crus un peu plus tardifs qui versent un peu vers le nord et qui doivent à mon sens être cueillis un rien plus tard que les autres pour s'exprimer pleinement mais qui peuvent en revanche avoir une capacité de garde étonnante.

Le cru est petit et ne mesure que 3,32 hectares, il est de plus très morcelé si l'on excepte la grande parcelle du domaine des Varoilles (70 ares). Beaucoup de producteurs assemblent leurs quelques ouvrées avec d'autres crus du finage pour revendiquer le vin assemblé en "premier cru" simple, c'est le cas du domaine Denis Mortet. J'aime souvent les vins des domaines Guillon, Louis Boillot et Herestyn car ils sont impeccablement vinifiés et marqués par une petite austérité initiale qui leur sied bien car ils vieillissent avec harmonie. Je déguste parfois aussi celui de Faiveley qui exploite une partie du bord ouest du climat.

 

 

Les Combottes (nouveau)

 
Certains crus ont des caractères qui les isolent quelque peu des autres vins de leur finage car ils confinent géographiquement aux limites d'autres communes. Ainsi les Santenots de Meursault ont ils des accents volnaysiens alors que les Combettes de Puligny évoquent irrésistiblement les grands Meursault... On le voit, les frontières cadastrales des villages ne se réduisent pas de manière évidente aux caractères morpho-géologiques qui typent les climats d'une commune.
 
   Les Combottes sont un cru caché de Morey et probablement le meilleur de cette appellation avec les Chaffots, les Façonnières, les Charmes et les Millandes... Pourtant elles sont gibriaçoises! Le problème toutefois est que en situation Sud  dans le milieu de la côte Chambertin, elles ne ressemblent en rien aux quelques premiers crus du Nord de cette même Côte qui sont contre Chapelle, Ruchottes et Mazis. En fait lorsque l'on regarde le coteau il apparaît avec une certaine évidence qu'elles prolongent le climat de Monts-Luisants qui comme elles est en certains endroits marqués par des dépôts sableux. Ce sable qui, lorsqu'il reflète les rayons du soleil au moment du travail des sols les fait briller et reluire de milles feux. Ce scintillement là au milieu de la pente a sans doute fait penser aux vignerons piochant à façon que la terre sur laquelle ils étaient,pouvait être un véritable Mont-Luisant. On comprend ainsi mieux cette étymologie du voisin qui rayonne sur Combottes comme on comprend que ce cru plat à faiblement pentu placé sous la Combe Grisard et versant un peu vers le Sud ait été nommé ainsi. Les Combottes sont donc sous une Combe qui se  dessinait parfaitement lorsque les "eaux et forêts" n'avaient pas eu la funeste lubie de la parsemer de sapins réfrigérants et coupant les vents, il y a quelques cent ans.
 
    Entre Clos de la Roche des Monts Luisants et Latricières-Chambertin, notre cru dessine sur cinq hectares un presque carré plat qui se relève quelque peu sur son bord Ouest. Son substrat argilo-calcaire mêlé de sable est relativement pauvre et peu épais et la vigne y souffre lorsque les années sont trop sèches. Toujours fin et très délicat, il peut manquer d'un rien de tension et se diriger sur les sentiers de la maturité chaude en décuplant alors ses notes de prune et d'épices. Comme ces deux grands crus voisins, il développe des accents de girofle et de camphre parfois très insinuants en même temps qu'une touche poivrée saisissante. 
   Propriété de nombreux vignerons de Morey qui ne voient que ce premier cru de Gevrey  depuis leur village car ensuite la pente "efface" les Chambertin, c'est un cru charnu et généreux qui se montre très proche de la nature du millésime. En ce sens il n'a peut être pas la capacité à gommer les variations climatiques qu'ont les meilleurs grands crus et est à sa place sur le plan du classement. Un bon premier, n'ayant pas la carrure d'un leader d'appellation.

 

  Patrick Essa - 2018  

Tous droits de reproductions interdits sans autorisation de L’auteur 

 

+...sur Gevrey:

La Côte de Nuits 15: Le Grand Cru Chambertin

La Côte de Nuits 16: le Grand Cru Chambertin Clos de Bèze 

La Côte de Nuits 17: Le Grand Cru Mazis Chambertin

La Côte de Nuits 18: Le Grand Cru Ruchottes Chambertin

 

Publié dans Côte de Nuits

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