Meursault-Charmes 1979 - François Jobard

Publié le par Patrick Essa

  S'il est un cru qui identifie à coup sûr le style des vins de Meursault, c'est bien Charmes. Cette évidente observation est même particulièrement notable lorsqu'il s'agit de définir quels sont les amateurs qui apprécient "vraiment" la plus grande - en superficie - des communes de la Côte des blancs. Ceux qui n'ont pas de relation particulière avec ce cru aiment en général mieux les vins de Puligny ou de Chassagne  car l'opulence du cru, son côté glycériné et sa texture très souvent visqueuse en font un modèle qui mêlerait presque la douceur tactile des vins liquoreux avec la sècheresse des crus les plus secs et même une  étonnante "sauvagerie" dans les années de fraîcheur, un peu tardives. Il n'est je pense aucun vin plus puissant que lui en Bourgogne dans le monde des blancs et sa richesse est souvent assez proche de celle d'un Bâtard-Montrachet sur une partition aromatique plus florale et un rien moins brutale.

   Cru de mi-plat, très caillouteux et étendu, les Charmes regardent le levant et sont enclavés  entre les Genevrières,  les Perrières du dessous et les Combettes de Puligny-Montrachet. Ce vaste ensemble caillouteux et argilo-calcaire est assez uniforme en dépit des classifications qui sont très souvent opérées et qui minorent le haut par rapport au bas du climat. Bien entendu l'ensemble des vignes sises sous les Perrières est en général un rien plus précoce et marqué par un substrat caillouteux qui leur confère une énergie rare, mais la partie médiane est également bien dotée même si les sols se font un peu plus argileux à certains endroits. Les vins acquièrent alors un fruit et une profondeur qui complexifient encore la trame tendue et un peu plus brutale qui marque les vins des parties hautes. J'aime beaucoup la densité et le velouté de ces deux zones en signifiant toutefois que le fameux "plat des Charmes" situés juste sous le Clos des Perrières est naturellement - potentiellement - le plus régulier et le plus complet.

  La question des parties basses est à mon sens une fausse bonne énigme qui occupe trop d'observateurs se fondant sur une approche "cartographique". Les Charmes du bas seraient "moins" bien placés donc moins denses, moins complexes et surtout moins racés. Le véritable problème est que de nombreux producteurs s'occupent de cette partie et qu'il est souvent fort difficile de situer à l'aveugle le "carré" qui a servi à générer le vin! D'autant que de nombreuses vieilles vignes sont ici en production. Les sols y sont quand même plus lourds et ressuient moins vite mais la terre est fine, les cailloux encore bien présents et  la classe naturelle du terroir indéniable. Après en avoir douté au début de ma vie de dégustateur je dois bien avouer qu'aujourd'hui je préfèrerais de beaux raisins provenant du bas que de médiocres grappes du haut! Mais là je vois bien que je ne vous éclaire guère!

   François Jobard possède 17 ares dans la partie haute du dessus des Charmes au début du fameux plat cité plus haut. Sa vieille vigne a sans doute produit dans mon esprit parmi les meilleurs vins blancs bourguignon de l'après guerre et son 79 maintes fois dégustés avec lui sur près de trente ans représente depuis toujours mon idéal fait "vin blanc". Celui qui a - avec quelques autres dont les 1985 d'Henri Germain et de Michel - sucité une sorte d'irrepressible passion pour le vin, pour son côté extravagant qui parfois est capable de me procurer un sentiment d'extase proche de la perfection. Il me restait une bouteille offerte par François il y a bien longtemps et je savais que ce vin là était "tout mon meilleur vin blanc du monde" -) à lui seul. Passée la crainte liée au bouchon, impeccable heureusement, le vin se montra bien entendu "parfait".   

  Couleur or mais juste ce qu'il faut de doré pour affirmer une grande jeunesse encore, brillant, scintillant et... reflets verts en sus. Nez finement mentholé sur de très subtils accents de chèvrefeuille, de jasmin, de verveine et de poire à chair blanche avec ce "je ne sais quoi" qui signe ce terroir de Charmes. Michel dirait "il pue le Charmes" avec un pétillement dans les yeux et un sourire aux commissures des lèvres. Oui il "pue le Charmes" mais tudieu que c'est bon quand cela embaume ainsi, on a l'impression de voir les vignes au moment des vendanges, ces grappes qui coulent dans les caisses, ce suc qui se transforme, ces notes fruitées, florales et minérales qui se mêlent au soleil quand vos mains collent contre les sécateurs... Indescriptible! Et puis la bouche comme on la rêve, celle qu'un jour  vous aimeriez simplement pouvoir "approcher" dans vos vinifications tant elle est "tout" ce que vous aimez. Si aérienne, si dense, si racée et si subtilement architecturée. Moi des vins comme celui là me tire des larmes intérieures de bonheur car c'est "cela" la perfection les amis. Je vous souhaite un jour ce choc absolu avec un vin blanc. Après ces derniers "jours de folie" pour le domaine, j'avais besoin de m'étalonner et de "savoir" si vraiment mes goûts étaient les bons eh bien croyez moi Meursault-Charmes 1979 de François Jobard cela rend humble. Quel immense vinificateur! Hors ligne.

 

Publié dans Côte de Beaune Blanc

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