Chablis Premier Cru: les Côtes de Beine et Poinchy

Publié le par Patrick Essa

 

   A la fin de la seconde guerre mondiale, en 1945, la ville de Chablis est dévastée. Victime de bombardements aériens, sa population décimée a bien du mal à pérenniser une viticulture qui pourtant fait sa réputation dans le monde entier. Ce bourg sobre positionné en léger contre haut du Serein observe avec inquiétude les pentes abruptes de ses grands crus se clairsemer.  

 

   Il subsiste alors moins de 400 hectares de chardonnay dans un état de délabrement et d'archaïsme agraire inconcevable aujourd'hui. La région a perdu sa gloire passée et ses vignerons souffrent plus qu'ils ne prospèrent. Sur de modestes surfaces, en dehors de trois ou quatre belles entités domaniales bourgeoises, les vignerons vivent souvent d'une polyculture nécessaire à leur subsistance qui mêle culture, élevage et vinification...ils seront en résilience pendant les dix années suivant l'après guerre.

 

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    A ce moment là le peu de vignes qu'il leur reste est frappé très durement par les gelées noires de l'hiver 1956. Comme l'Abbé Pierre qui refusa avec grandeur d'âme la misère pour les démunis, ces solides familles de producteurs refuseront de voir périr leur Chablis, celui que des générations courageuses leur ont légué. Puisque tout est mort, il faut reconstruire, replanter et accepter de redéfinir le cahier des charges d'une viticulture qui sans changement court à sa perte. Aide toi et Le Chablis t'aidera!

    La France se redresse, entre en productivisme, plante, mécanise, amende et rationalise sa politique agro-viticole en impulsant les vocations et les investissements selon des cadres divers qui permettront à beaucoup d'acquérir des terres et des droits de plantation autorisant la création nouvelle d'exploitations viables en même temps que le développement des surfaces possédées par les "pionniers" historiques.

    Pour acquérir et développer des marchés il faut une force de production et une régularité sans faille que le climat de la région peine à offrir. Les surfaces augmentent donc au gré des droits à planter, des découvertes de zones kimmeridgiennes identifiées et...l'on commence à lutter contre le gel car on ne veut plus être tributaire du spectre de la perte totale de récolte au printemps. Entre bougies et chaufferettes venues de certains secteurs frais de Champagne et plus généralement des vignobles septentrionaux ou d'altitude, le vigneron organise son combat contre le froid pour préserver ces bourgeons précieux de chardonnays naissant.

 

    carteBEAUROY.jpg L'un des secteurs ayant le plus bénéficié de ces avancées est incontestablement le vignoble du village de Beine. Ce village souffre sur ses climats de Beauroy et de ses Vaux/Vallées de pertes régulières que les vignes fraîches et ventées plantées dans les années 1960 et 1970 ne peuvent éviter. En 1978 le bourg se dote d'un lac artificiel de 15 hectares pour alimenter un vaste réseau de canalisation visant à lutter contre la gelée par l'aspersion en eau des parcelles. Cet ingénieux système qui protège les bourgeons d'Avril par une gangue de glace matinale apporte une sécurité bienvenue à tous les producteurs. Ainsi, Chablis bat le froid pour mieux affirmer son caractère "Nordien" et Beine devient une zone d'expérimentation efficace qui permet à ces trois premiers crus de prendre un réel envol.

 

   Le plus ancien et connu d'entre eux est sans conteste le très joliment nommé Beauroy. Toutefois le lieu dit originel de l'appellation est entièrement enclavé sur la commune mitoyenne de Poinchy qu'il surplombe en une forme de presque carré pentu. Le prolongement des pentes de Poinchy s'effectue sur Beine par deux climats ayant droit à l'appellation Beauroy: la côte des Troesme et la Côte de Savant separées par une petite combe sèche entaillant le coteau. Ces zones allongées, inclinées vers l'Est et marquées par les marnes kimmeridgiennes ne sont pas historiquement aussi renommées que les premiers crus de la rive droite mais gagnent à être respectées tant aujourd'hui leur équilibre salin et leur idéale expression florale confinent les bouteilles à une finesse très affirmée. Beauroy est donc un cru élégant qui ne possède pas la puissance solaire de Léchet ou la minéralité vraie de la Montée de Tonnerre mais qui brille par sa sensualité.

 

    En face de lui dans le prolongement des bois de Milly et selon une exposition plus directement orientée au levant se retrouve les crus méconnus - et pourtant fort bons - de Vau Ligneau et Vaudevey. Ces deux côtes homogènes surplombent dans des vallées sèches des vins d'appellation Chablis de belle tenue et produisent sur des hauteurs allant de 140 à 190 mètres des vins sveltes, toniques et altiers qui ont une très belle personnalité chablisienne. Souvent moins chers que leur pairs car ils n'ont pas la profondeur des crus les plus réputés de cette rive gauche du Serein, ils constituent toujours de bonnes affaires et s'en sortent toujours bien dans les dégustations comparatives aveugles. Cherchez les!

 

  Patrick Essa  -  2015

citations et reproductions interdites sans autorisation 

 

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C
Bonjour, <br /> Je tiens a vous féliciter pour ce remarquable travail de recherche, vous avez su rassembler l'histoire, la géologie, le finage actuel. C'est un vrai plaisir de lire vos articles. J'avais besoin d'elements pour une presentation du vignoble de chablis, que j'ai pu trouver vers vous. Ce sera avec grand plaisir que je me replongerai dans cette lecture captivante . Merci Céline
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P
Merci pour ce retour Céline. Très Heureux Sue cela vous ait intéresse.
R
Merci.intéressant.
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